27 Fév Qui a peur de Chantal Montellier ?
Ainsi s’intitule l’une des trois expositions présentées jusqu’en août à Nice par la Villa Arson, qui souhaite rendre hommage à l’œuvre de cette dessinatrice française, longtemps brimée par son époque. Une allusion directe au titre de la célèbre pièce de théâtre d’Edward Albee, Qui a peur de Virginia Woolf ?
Les planches de Chantal Montellier s’inscrivent parmi les plus politiquement pertinentes de la bande dessinée des années 1980. En effet, elle offre les corpus de comics les plus singuliers dans la persistance de son rapport critique au monde. Seulement, le contexte de leur parution ternit alors la notoriété de l’auteur, car il était inimaginable que ces œuvres soient celles d’une femme. Chantal Montellier devient malgré elle un cas d’école de l’histoire de l’art féministe. Son travail fut longtemps relégué au second plan, et encore aujourd’hui, aucun de ses éditeurs historiques n’a jugé nécessaire de republier une de ses œuvres. La raison principale serait, en filigrane de ses publications, une critique assumée de l’économie politique, épaissie d’une critique de la société de contrôle, d’une critique du patriarcat et d’une dénonciation de l’État.
L’exposition souhaite mettre en lumière une œuvre devenue invisible, une œuvre pour adulte au sein d’une période où la BD se répand au-delà des cadres de la jeunesse. Celle de Montellier semble être la plus authentique. Son œuvre est empreinte de réalisme dans son versant dystopique. L’artiste utilise la métaphore non pas pour exprimer une vérité profonde, cachée, mais une vérité littérale : elle rejoint, à ce propos, Barjavel dans Ravage et Orwell dans 1984, en exposant un monde terrestre apocalyptique. Est-ce cette confrontation au réel qui a dérangé ? Est-ce dû au préconçu selon lequel la bande dessinée doit être un divertissement, et ne pas s’aventurer sur le terrain politique ? Dans 1996, Le Sang de la commune ou encore les trois tomes de Julie Bristol, l’artiste de la planche double d’une dimension réflexive celle, ludique, de la bande dessinée. Sensible aux jeux savants de construction et aux effets de rime et de symétrie, Chantal Montellier préfère tourner en dérision les dysfonctionnements de notre société.
Nous reviendrons prochainement sur les deux autres expositions confiées à deux collectifs de jeunes artistes italiens qui ont imaginé leurs propositions en prenant pour sujet la Villa Arson elle-même, son bâtiment signé Michel Marot et son histoire. Ainsi, les architectes et designers de Parasite 2.0 ont créé des structures en contraste avec l’architecture singulière du site dans les espaces extérieurs, les jardins et une partie des espaces labyrinthiques, tandis que dans le Passage des Fougères, le trio déjanté Canemorto imaginera une fiction autour de la figure de Pierre-Joseph Arson, propriétaire historique de la Villa.
Chantal Montellier, Qui a peur de Chantal Montellier ? • Parasite 2.0, Gently brut • Canemorto, La recherche de l’œuvre absolue. 1er mars au 25 août, Villa Arson, Nice. Rens: villa-arson.fr
photo : Chantal Montellier, Wonder City, 1983. Encre de Chine et trames pour la p.41 de l’Ed. Les Humanoïdes Associés. 40,5 x 27,9 cm. Coll privée.