Rialto et Variétés, duo de choc féminin

Rialto et Variétés, duo de choc féminin

Le cinéma compte de mythiques duos féminins à l’écran. Dans la « vraie vie » aussi ! Deux jeunes femmes ont pris, en 2022, la direction de deux cinémas niçois historiques appartenant au même groupe, lui dirigé aussi par deux femmes : Dominique et Brigitte Aubert. Charlotte Echardour au Rialto, Annabelle Berton au Variétés partagent une même passion, un même enthousiasme et la même envie de développer ces cinémas à échelle humaine. Interview croisée de ces 2 meneuses de rêves…

« Quel a été votre parcours pour en arriver là, à la tête d’une salle de cinéma ?

Charlotte Echardour : Après des études de cinéma pour devenir cameraman, j’ai créé mon autoentreprise de photo, car l’image et le cinéma m’ont toujours attirée. C’est en commençant à la caisse du cinéma de mon quartier à Paris que j’ai donc commencé ma « carrière » dans ce milieu. Ensuite avec l’envie, la persévérance et un peu de chance, en 4 ans, je suis devenue adjointe de direction grâce à un directeur qui m’a tout appris du métier d’exploitant. Un métier devenu une passion. Puis, retour aux sources, dans ma région natale début 2021. J’ai mis du temps à trouver du travail et à y faire ma place, mais me voici ! Directrice du Rialto, cinéma de mes grands-mères, cinéma de cœur. 

Annabelle Berton : J’ai fait un master de Droit de la Culture et de la Communication, et durant mes études, je travaillais comme agent de cinéma à Marseille… Et j’y suis restée ! J’ai appris tous les postes de l’exploitation cinématographique jusqu’à celui de responsable de la communication et de l’évènementiel, avant d’obtenir mon 1er poste de direction en 2022 à Nice.

Y a-t-il beaucoup de femmes directrices de salles dans la profession ? 

C.E. : Alors, je ne pourrais pas vous dire exactement, mais il me semble voir plus d’hommes à la direction de cinémas, quoique de grands noms de femmes exploitantes me viennent en tête. Difficile à dire. 

A.B. : De plus en plus, je dirais. Même si, initialement, le cinéma de la création à l’exploitation, c’est plutôt une affaire d’hommes. La société semble changer (enfin) progressivement même s’il y a encore du chemin à faire… et c’est tant mieux. 

Quel aspect de votre activité vous intéresse le plus ?

C.E. : Proposer toujours plus d’évènements, de rencontres. Mais surtout la programmation. Que je fais en étroite collaboration avec Mr Miquelis, le programmateur externe du Rialto. Mais c’est moi qui regarde les films et qui les demande. 

A.B : Les salles obscures m’ont toujours attirée. Je ne parle pas que des films projetés, je parle également du lieu. La salle de cinéma a un côté magique qui me fascine encore aujourd’hui. Diriger un tel lieu, de sa gestion quotidienne à son développement est passionnant. 

Le cinéma a beaucoup souffert pendant le covid et semble avoir regagné progressivement son public. Quelle a été votre réflexion en arrivant à Nice ? 

C.E. : Ma première réflexion a été de constater qu’à Nice il y a énormément de propositions. Ensuite, je me suis dit que de toute manière le cinéma change. Aujourd’hui, les spectateurs ne viennent pas « juste » voir un film. Ils aiment qu’on leur propose des évènements, des spectacles de one man show, des festivals avec des thèmes précis, des rendez-vous mensuels, hebdomadaires… Et donc, là, je me suis dit qu’il faudrait être forts de propositions. 

A.B. : À mon arrivée à Nice, la contrainte était double : toutes les salles de cinéma subissaient la crise post-Covid mais, en plus, le Variétés n’était plus au centre de la vie niçoise. Aujourd’hui, nous affichons une augmentation de plus de 30% par rapport à 2022 alors que la moyenne nationale est à 19%. En d’autres termes, il a fallu sortir les rames ! Toute l’équipe du Variétés y travaille encore aujourd’hui.

Quelle est la spécificité de ces deux cinémas ?

C.E. : Le Rialto est le seul cinéma d’art et d’essai indépendant sur Nice. Il a été inauguré en 1927… C’est une vieille bâtisse qui a tout connu. Les deux salles, Variétés et Rialto font partie d’un groupe, mais sont des salles indépendantes, chaque cinéma du groupe est libre dans sa programmation, ses évènements…

A.B. : L’avantage du Cinéma Variétés est d’être indépendant et d’avoir une identité propre. Ses salles ont été rénovées pour garantir un confort que nous devons au public, en plein centre stratégique de Nice à la croisée des deux lignes de trams. Nous avons un public d’habitués et notre travail consiste à le faire découvrir aux autres. 

Qu’a changé l’arrivée du votre duo féminin après une longue période durant laquelle un seul homme, Thierry Duchêne, gérait les deux cinémas ? 

C.E. : Il y avait, et il y a toujours, beaucoup de choses à faire, à mettre en place. Même si le Rialto a toujours eu une belle programmation, ça ne suffit plus. Donc j’ai mis en place plus de rencontres avec les équipes de films, des cinés goûters les mercredis pour les plus petits, des séances cinéphiles une fois par mois nommées Clap Sur, des avant-premières… Avec Annabelle, nous ne nous connaissions pas avant. Mais nous nous sommes très vite bien entendus. Et puis, nous étions toutes les deux dans les mêmes « galères », car nous savions pertinemment qu’il allait falloir bosser dur, donc autant se soutenir ! Deux jeunes, femmes, directrices de deux cinémas emblématiques de la ville. Notre force a été « d’avancer » ensemble en se concertant pour ne pas proposer les mêmes évènements.  

A.B. : Évidemment, le Cinéma Variétés n’a pas attendu mon arrivée pour fonctionner. Le Covid, le développement des plateformes de streaming et la construction du tram avaient entraîné une perte de vitesse dans son activité. À moi d’apporter une nouvelle énergie à ce lieu, de relancer la machine sans qu’il soit boudé par son public fidèle.

Qui fréquente le plus votre cinéma ? Avez-vous remarqué un profil particulier de la spectatrice ou du spectateur ?

C.E. : Au Rialto, nous avons clairement une moyenne d’âge autour de 40-45 ans, mais je remarque que les jeunes y viennent un peu plus. Certains cherchent l’authenticité, et le Rialto (ainsi que le Variétés) respire cette dernière : un cinéma à échelle humaine. 

A.B. : Je dirais qu’il est assez varié, mais relativement âgé pour le moment ! Je regrette peut-être le public familial qui préfère certains multiplexes et leur facilité de parking. J’espère le reconquérir. À titre personnel, je suis très attachée aux questions d’égalité des genres et nous organisons avec l’aide d’associations – CIDFF06, Planning Familial, Ligue des Droits de l’Homme, Les Culottées – des projections autour de ces thématiques. On ne va pas se cacher, ce sont surtout des femmes qui sont présentes même si je suis sûre qu’à terme nous arriverons à toucher tous les publics !

Comment élaborez-vous votre programmation pour donner une identité propre à votre établissement ? 

C.E. : Il n’y a aucune volonté de changer l’axe ou la programmation du Rialto, car nous sommes d’abord un cinéma art et essai et que nous devons répondre à un cahier des charges précis pour la programmation. Mais aussi parce que j’aime les films d’art et d’essai, comme le public du Rialto. Pour programmer de bons films, pour moi, il faut d’abord les visionner. S’en faire une idée précise et ensuite se demander s’ils plairont aux gens qui fréquentent l’établissement. En général, l’expérience de l’exploitation permet d’assimiler plus vite son public. Le plus difficile, c’est quand il y a plusieurs films que vous souhaitez avoir et qu’ils sortent la même semaine. Au Rialto, nous n’avons que 5 salles… donc il faut parfois faire des choix difficiles. 

A.B : Nous avons un programmateur pour les grandes lignes, mais c’est effectivement nous, qui connaissons le mieux notre public. C’est donc tout à fait logique que nous ayons notre mot à dire. Ce qui est intéressant, c’est qu’effectivement nos programmations sont complémentaires et les Niçois peuvent voir la quasi-intégralité des sorties dans l’un ou l’autre. Évidemment, le programmateur a une vision plus large du marché national et effectivement, ça nous évite de gérer l’intégralité des négociations avec les distributeurs qui peuvent parfois être difficiles. C’est donc un véritable travail d’équipe. Ce que j’espère cependant pour le Variétés, c’est aller chercher les films « entre deux », ceux que l’on ne voit pas ailleurs et développer la VOSTF. Et ce même pour les blockbusters. Enfin, le programmateur ne s’occupe pas de l’évènementiel, et sur ce plan, on peut dire qu’au Variétés, on met les bouchées doubles : ciné-débats, expositions, opéras, karaoké géant, avant-premières, festivals, animations japonaises, et tout ce qui est encore à imaginer ! 

Programme-t-on différemment quand on est une femme ?

C.E. : Je ne pense pas. Quand on est passionné, on essaie de faire les meilleurs choix pour sa salle et ses spectateurs. 

A.B. : Je ne crois pas, mais l’avantage d’avoir deux femmes comme présidente et DG me donne le sentiment d’être écoutée en tout cas ! Je ne dis pas que si elles avaient été des hommes il en aurait été autrement, mais l’idée me plait d’être dans une équipe de femmes. 

Comment imagineriez-vous votre lieu de cinéma idéal ?

C.E. : Comme le Rialto ! (rires) Mais avec un comptoir-caisse plus adapté au hall et un bar en plus… Je rêve d’un bar au Rialto !

A.B. : C’est le Variétés dans 5 ans ! Nous aurons rénové les halls d’accueil, repensé les accès pour permettre aux PMR de nous rendre visite, développé un espace gourmand, créé un véritable lieu de rencontres, de loisirs et de cultures où les spectateurs aimeront rester même après leur projection pour parler de cinéma.

Avez-vous des projets en préparation ?

C.E. : Oui, j’ai toujours des projets en tête ! L’envie du bar et du changement du comptoir-caisse sont mes prochaines priorités. Cette année nous allons entreprendre pas mal de travaux au Rialto donc « mes envies » seront pour 2025.  

A.B. : Concernant l’infrastructure, le dossier d’accessibilité PMR est en cours et on croise les doigts pour qu’ils avancent dans des délais raisonnables. Concernant le cinéma, outre les événements ponctuels que les gens apprécient – un festival de cinéma espagnol, un autre de SF, des expositions, un ciné-club, des karaokés géants –, je souhaite développer la médiation auprès des écoles. Pour moi, l’éducation à l’image est primordiale pour l’avenir de l’exploitation. »

Charlotte Echardour et Annabelle Berton ont également menés un projet, en liant les deux cinémas à l’occasion de la Fiesta Del Ciné, qui a mis à l’affiche les films latino-américains, peu représentés sur Nice, avec la collaboration de la société de production niçoise Boca a Boca. Le tout complété par des animations musicales et de gastronomie latine. Une autre forme de rendez-vous prometteur : la deuxième édition est d’ailleurs passée de 700 à 1600 entrées !

PROGRAMMATION DE MARS
Cinéma Variétés
• 5 mars : documentaire My name is Happy de Nick Read et Ayşe Toprak, suivi d’un échange avec des associations partenaires, autour de la journée de lutte pour les droits des femmes.
• 7 mars : ciné Karaoké autour du film Mamma Mia
• 22 & 23 mars : Fête du Court métrage, soirée Talent 2, avec 5 courts métrages des talents de demain, en présence de réalisateurs et une projection pour les enfants Wallace et Gromit, coeurs à modeler de Nick Park. Et du 20 au 26 mars, avant chaque film des « extra-courts » 
• 24 au 26 mars : Printemps du cinéma. Toutes les places à 5€. 
Cinéma Rialto
• 1er mars : avant-première Inchallah mon fils, en présence du réalisateur Amjad Al Rasheed, dans le cadre du festival Au cinéma pour les droits humains.
• 5 mars : L’indice du Rialto, coup de cœur surprise !
• 6 mars : ciné goûter (suivi d’une activité), Rose petite fée des fleurs
• 8 mars : avant-première Il reste encore demain de Paola Cortellessi (5 millions d’entrées en Italie !)
• 26 mars : séance Clap sur (films classiques restaurés), Eyes wide shut de Stanley Kubrick
• 27 mars : ciné goûter (suivi d’une activité), Les fées sorcières

Rens: cinemavarietes.fr – cinemarialto.fr

photo : Charlotte Echardour (Rialto) et Annabelle Berton (Variétés) © DR

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