État de grâce

État de grâce

La Cuisine recèle bien des secrets… Au mois de mai, l’une des deux salles du Théâtre National de Nice accueille le Ballet Preljocaj, offrant ainsi une plongée dans l’univers fascinant de l’un des chorégraphes majeurs de notre époque.

Trois pièces permettront d’apprécier le style unique qu’Angelin Preljocaj développe depuis 40 ans avec sa propre compagnie. Créateur prolifique, il est à l’origine d’une soixantaine de pièces qui vont du solo aux grandes formes, offrant à ses 30 danseurs permanents le privilège de parcourir le monde une grande partie de l’année. Incontestablement, le chorégraphe aime la diversité : celle des sujets comme des rencontres, puisqu’il est capable d’illustrer ses créations avec la musique de Thomas Bangalter (moitié de Daft Punk) comme sur une partition du compositeur allemand Karlheinz Stockhausen, mais aussi de solliciter des designers ou des dessinateurs tel Enki Bilal, ou encore de convoquer de grands noms de la mode – Jean-Paul Gaultier ou feu Azzedine Alaïa – pour imaginer les costumes de ses danseurs. 

Le programme en trois parties, présenté à Nice, démontre le caractère intemporel de Annonciation (1995) et Noces (1989) face à une imagination en perpétuelle évolution avec sa dernière œuvre Torpeur, créée en 2023. La première pièce, en référence à la scène biblique immortalisée depuis des siècles en peinture, donne une sensualité inhabituelle à cette rencontre relevant du sacré. La puissance de la gestuelle apporte une vision nouvelle en confrontant ce moment divin à la complexité des sentiments humains. Si de tout temps les peintres ont cherché par leur art à traduire les émotions de Marie à l’annonce de sa maternité, jusqu’ à présent l’art chorégraphique avait rarement osé se confronter à cet état de corps. La vision esthétique d’Angelin Preljocaj vient apporter une nouvelle dimension qui ouvre la voie à la pièce suivante baptisée Torpeur. Le chorégraphe y explore le corps alors qu’il s’abandonne à une forme d’indolence. Et par ce biais, y trouve prétexte à la mise en espace d’une danse tout en légèreté et en grâce autorisant à ralentir le temps pour se laisser porter par une douce nonchalance. Juste une pause avant un déferlement de mouvements explosifs : sur une musique de Stravinsky, Noces est devenu une pièce fondamentale du répertoire du Ballet Preljocaj par l’intensité et la puissance de son écriture.

16 au 18 mai, La Cuisine – Théâtre National de Nice. Rens: tnn.fr

photo : Torpeur © JC Carbonne