23 Avr « Je sont des autres »
« Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants« … Cette formule bien connue aurait pu figurer en préambule de L’Avenir n’a pas de nom, dernier volume des écritures de Marcel Alocco. Un texte du peintre, écrivain et poète, membre discret de l’École de Nice, commencé en 1959 et finalisé un demi-siècle plus tard.
Publié en octobre dernier, cet ouvrage s’étale sur deux tomes, constitués de « sept cahiers indiscrets« , découverts par hasard dans de vieux tiroirs poussiéreux par un « ami qui n’est pas l’auteur« , et d’un récit intitulé Où crépitez-vous maintenant ? dernier (?) combat de Marcel Alocco « contre ou avec les mots pour se restituer à [lui-même]« . Un combat dont ses lecteurs sont plus que familiers puisqu’il ponctue toute son œuvre.
Dans le premier tome, Alocco martèle l’impossibilité de confondre l’auteur des cahiers avec celui de ces deux tomes, s’efforçant de soustraire toute nature biographique à ce premier récit, libellé Fiction qu’invente l’écriture. Il se pose d’entrée en historien décrypteur de ces cahiers intimes et imprécis ; s’interrogeant sur les raisons de cet abandon de 2000 pages, Alocco se rêve romancier et brouille les pistes : il se veut « historien » de sa propre histoire par l’intermédiaire mystérieux d’un homme qui lui « livre à l’état brut des fragments épars« . Jeu de rôles pour obliger sa mémoire à faire « éclore sur sa surface désencombrée des mirages de souvenirs« .
Entrons dans le jeu, ne cherchons pas à repérer l’auteur chez les protagonistes, et suivons-le dans le tome deux, Où crépitez-vous maintenant ?, liasses additionnelles aux brouillons informes qu’il s’autorise enfin à publier et à mettre à jour 54 ans plus tard pour l’occasion. Alocco ne s’attelle pas à une simple œuvre de mémoire mais à « reconstruire » le passé à la lumière de ces/ses précieuses bribes d’écrits de « mémoire documentée« , à l’aide de son vécu commun avec ses protagonistes. Il réussit à l’évidence une reconstitution d’archéologue, bien mieux, une renaissance dans ces « [pages]-images cinématographiques gravées depuis l’enfance« . Avec les mots, il prend le dessus et « se met au monde », non en signe de rébellion contre son Créateur, mais d’acceptation de sa condition humaine, conscient d’être « un texte sans mots avant, sans mots après, un texte très court dans le vaste livre des temps et des espaces« . Alocco : un poète accomplissant inlassablement sa mission, persuadé que « une trace d’encre peut faire battre mieux un cœur … d’espérance« .
L’Avenir n’a pas de nom de Marcel Alocco (Les Cahiers du Fonds de dotation Enseigne des Oudin, 2023). Rens: enseignedesoudin.com