La carte et le territoire

La carte et le territoire

Au Lavandou, l’exposition Théophile-Jean Delaye, des Alpes à l’Atlas, visible jusqu’au 29 juin à la Villa Théo, célèbre l’un des premiers cartographes modernes du Maroc, maître de la rigueur scientifique et artistique. 

Militaire, cartographe, alpiniste et artiste, né dans la Drôme et engagé dans les Chasseurs alpins dès le début de la Première Guerre mondiale, Théophile-Jean Delaye (1896-1970) est affecté en Afrique du Nord lors du protectorat français. Il devient chef de la Section topographique du Service géographique du Maroc en 1932 et ne quittera le pays qu’en 1960. Il est l’auteur de la première carte du Toubkal, massif culminant du Haut-Atlas. Le cartographe contribuera à la connaissance du Maroc, grâce à des représentations libres et personnelles du pays traditionnel : souks, kasbahs, paysages arides et quotidien des habitants – le tout sans jamais représenter la présence de ceux qui sont alors des colons français. Son œuvre la plus remarquable demeure la carte du massif du Toubkal (point culminant du Haut Atlas ainsi que du Maroc et de l’Afrique du Nord avec 4 167 m) qui allie rigueur scientifique et qualité artistique. Une montagne qui lui est si chère qu’il entreprend de la préserver en étant à l’origine de la création, dès 1942, du Parc naturel du Toubkal, qui deviendra premier parc naturel marocain.

Ses nombreux allers-retours en France cultivent aussi sa passion pour les cimes, le conduisant jusque dans les Alpes dont il croque les paysages, notamment le massif des Écrins, la Chartreuse et le Vercors ; son approche scientifique de la montagne n’excluant jamais une évidente dimension esthétique. Car, en plus de ses travaux de cartographie, Théophile-Jean Delaye est l’auteur d’une œuvre picturale d’envergure, composée de plusieurs centaines d’aquarelles, de lavis, de gouaches et de dessins. Ces œuvres très lumineuses associent un dessin très maîtrisé et une large palette de couleurs. Explorateur curieux, il dessine paysages montagnards, ruraux, urbains, décors industriels, portraits et costumes, scènes de rue et scènes de guerre. Pour lui, « un artiste ramène tout son dessin aux grandes lignes en choisissant parmi les détails conservés ceux qu’il veut mettre en évidence, en exagérant les uns aux dépens des autres. Il fait ainsi une véritable synthèse picturale, synthèse où apparaîtront, grâce à sa palette, sous leur ciel même et dans leurs nuances propres, les caractères typiques du paysage. » Homme de partage et d’échange, la transmission fut aussi une valeur inhérente à la vie et la carrière de Théophile-Jean Delaye, qui a été instructeur pour les Éclaireurs de France à Tournon et formateur au sein de l’armée où il donnera cours et stages. 

Cette exposition rend hommage au passionné d’alpinisme qui a mené de front une carrière de militaire et une activité artistique. Théophile-Jean Delaye s’érige en personnage atypique au parcours tout aussi singulier, qui laisse une œuvre méconnue et pourtant colossale.

Jusqu’au 29 juin, Villa Théo, Le Lavandou. Rens: villa-theo.fr

photo : Vue de l’exposition Théophile-Jean Delaye, des Alpes à l’Atlas © Villa Théo, Le Lavandou