23 Avr Le verbe n’est pas tout
En association avec l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, l’Institut Audiovisuel de Monaco programme deux ciné-concerts en ce mois de mai qui célèbre traditionnellement le 7e Art sur la Côte d’Azur : The Kid et La Passion de Jeanne d’Arc.
Notre époque est noyée par le verbe. Un verbe distribué à tout va, sans filtre, ni limite, un verbe qui emporte tout, déchaine les passions, un verbe qui s’énerve mais qui rarement apaise. Les gens parlent, car ils ont des choses à dire, parce qu’ils estiment que ce qu’ils ont à dire mérite d’être entendu, et beaucoup veulent passer leur voix au-dessus des autres et donner à entendre leur vérité, leur parole. Un fléau de nos sociétés modernes… Et l’on tend à oublier que l’absence de parole sait elle aussi sublimer une image, une idée… Aussi est-il parfois bienvenu de se replonger dans de grands classiques du cinéma muet pour comprendre que, non, le verbe n’est pas tout… L’Institut Audiovisuel de Monaco et l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo ont décidé de s’associer pour projeter et accompagner, dans la salle Garnier de l’Opéra de Monaco, deux monuments cinématographiques des années 1920, sous la direction musicale de Frank Strobel.
Le premier film, The Kid, est aussi le premier long métrage réalisé par Charlie Chaplin. Ou l’histoire poignante d’une rencontre formidable entre deux solitudes, deux êtres abandonnés qui s’adoptent mutuellement : un adulte quasi vagabond recueille un bébé dans une poubelle et l’élève dans des conditions misérables, mais le protège par son amour. Le caractère muet du film, sublimé par le talent de Chaplin et de Jackie Coogan qui se complètent parfaitement à l’écran, donne à cette comédie renversante d’humour et de tendresse le caractère d’un mélodrame éternel. Le second long métrage, La Passion de Jeanne d’Arc, film français de Carl Theodor Dreyer, sorti en 1928, répond à la motivation de son réalisateur : chercher l’invisible au-delà du seul visible et traite d’un sujet universel, à savoir une femme marginalisée, sacrifiée, torturée et victime d’une société répressive et bornée. Considéré comme l’un des chefs-d’œuvre du 7e Art mondial, au même titre que The Kid, le film de Dreyer réussit la prouesse de faire oublier l’absence de texte en mettant en action un cinéma visuel riche et magistralement orchestré. Ça tombe bien puisque la phalange monégasque se fera un plaisir de faire découvrir ou redécouvrir ces diamants éternels du patrimoine cinématographique.
The Kid, 15 mai • La Passion de Jeanne d’Arc, 17 mai. Opéra Garnier de Monte-Carlo, Monaco. Rens: institut-audiovisuel.mc – opmc.mc
photo : The Kid, Jackie Coogan, Charles Chaplin et Tom Wilson, 1921 © Roy Export Company. Coll. IAM