27 Juin Au TNN, le coeur a ses saisons…
« Le cœur a ses saisons« , dixit Muriel Mayette-Holtz, directrice du Théâtre national de Nice, qui dévoile une saison 2024-2025 placée sous le signe de grands textes classiques revisités, et offre surtout une large place aux femmes dans une belle diversité de répertoire contemporain.
« Nous venons célébrer le vivant, ouvrant la porte à toutes les émotions« , explique la directrice en préambule. Soit une invitation à une élévation spirituelle dont notre époque manque tant. À l’heure où les institutions culturelles publiques sont mises à mal, et risquent sous peu de l’être plus encore, le théâtre demeure un espace d’expression vitale. Au TNN, priorité au texte, donc. « Alors que la Terre est en train de rentrer en guerre de tous côtés et qu’on a un mal fou à être ensemble, il faut chercher autre chose qui puisse nous inspirer, nous transformer, nous déployer« . Large choix pour cette saison avec de grands classiques revisités, mais aussi pléthore de textes d’auteures contemporains inventifs et profonds. Il faut « faire l’effort d’aller découvrir autre chose parce que c’est génial d’accepter une perturbation dans nos vies« . Comme ces Douze hommes en colère, en ouverture de saison, adaptation par Francis Lombrail du célèbre film de Sydney Lumet. Un huis clos grinçant de Charles Tordjman qui pointe mécanisme implacable de l’appareil judiciaire et fait du doute et de la raison des axes fondamentaux de la démocratie.
Des classiques
« Toute nouvelle mise en scène est une trahison nécessaire… » À l’heure de #MeToo, Macha Makeïeff livre une lecture vivifiante du Dom Juan de Molière, soulevant la notion de désir et de domination. Avec Clair est La Fontaine, Catherine Marnas nous fait redécouvrir l’universalité du plus populaire des poètes, interprété par une jeune génération d’acteurs. Elle présentera aussi sa version saluée par la critique, du chef d’œuvre de Stendhal, Le rouge et le noir, avec un Julien Sorel transfuge de classe rongé par la haine de l’injustice. On retrouve Alain Francon avec Les fausses confidences de Marivaux, tout en acidité, tandis que Corneille se révèlera dans le Menteur de Julia Vidit, comédie espiègle et rafraichissante sur le mensonge et le libertinage.
Du contemporain
Le TNN s’engage aussi dans la défense d’œuvres contemporaines qui abordent « des sujets dans lesquels le public peut se projeter assez spontanément« … Alors, vive les femmes ! Créé au TNN, le spectacle de Violaine Ansac, Danse avec moi, parle du combat d’un danseur devenu paraplégique. Le sous-titre de Baubo de Jeanne Candel est De l’art de n’être pas mort. On rit et on pleure, et comme dans la vie, la tragédie bascule dans l’excès. Avec Neige, conte féérique, fantaisiste et féministe, Pauline Bureau réinvente Blanche Neige, et aborde l’ambivalence de la relation mère-fille. Je crois que dehors c’est le printemps, de et avec Gaiai Saitta, part d’un tragique fait divers en Italie, œuvre poignante, manifeste pour la vie et le droit au bonheur. Tragédie inspirée au poète Schiller par le terrible destin de la Reine d’Écosse, le Marie Stuart de Maryse Estier fait résonner les questions de genre et les violences qui s’y rattachent : deux reines que les hommes de leur époque ont opposées et fait passer de sujet à objet. Retour vers un passé proche avec Together de Denis Kelley, mis en scène par Mélanie Leray, avec Emmanuelle Bercot, pour vivre le déchirement d’un couple contraint au confinement dû à la COVID-19. Une tragi-comédie plus politique qu’il n’y parait.
Du cirque avec le diptyque de Raphaëlle Boitel, composé de La Bête noire et La Petite Reine dédié aux portraits de femmes de cirque. Cirque toujours avec Les sœurs Hilton de Valérie Lesort et Christian Hecq pour retracer la vie des célèbres sœurs siamoises Daisy et Violet Hilton et soulever la notion de différence, de handicap et l’exploitation de personnes humaines. Nouvelle création de Linda Blanchet, ADN (histoires de familles) offre une expérience unique à ses comédiens en leur soumettant des textes pour confronter les résultats à… leur propre histoire familiale ! Noémie Ksicova s’intéresse à L’Enfant brûlé du suédois Stig Dargerman à travers un thriller familial banal et terrifiant, quand Taire, spectacle choral de Tamara Al Saadi, aborde une adolescence qui ne parvient plus à penser son avenir. Soif de merveilleux ? Drôle, brutal, L’Oiseau vert d’Agnès Régolo, d’après Carlos Gozzi, vous donnera des ailes. Qui a besoin du ciel de Tommy Milliot, sur un texte de Naomi Wallace, âpre critique sociale portée par un humour dévastateur, raconte les ravages du néo-libéralisme au sein d’une communauté pluriethnique du Kentucky. Ne pas manquer Léon Blum, une vie héroïque, de Philippe Colin et Charles Berling, spectacle participatif à vivre en une journée. Et puis, Niquer la fatalité comme Estelle Meyer, seule en scène, mais avec Gisèle Halimi en mémoire.
De la danse
Amours aveugles, création du duo Rosalda Torres Guerrrero et Koen Augustijnen inspirée de deux œuvres de Monteverdi consacrées à deux couples maudits emblématiques, croisera Phénix de Mourad Merzouki, figure du mouvement hip hop qui bouscule avec génie les codes entre musiciens et danseurs. Et l’on se demande ce que nous réserve la fabuleuse compagnie belge Peeping Tom dans son nouveau projet Chroniques, en juin 2025 ?
Des adaptations littéraires
Grande attente avec Le Mage du Kremlin de Giuliano Empoli, Grand Prix 2022 du roman de l’Académie française adapté par Roland Auzet, et Les Vagues de Virginia Woolf, adapté par Élise Vigneron et ses grandes marionnettes de glace, d’une « époustouflante de beauté » !
Et pour le jeune public…
Ce qui est cool au théâtre, c’est qu’on peut tout faire : donner vie à un personnage plus vibrant que nature avec juste un fil, dans Histoire de laine de la Cie espagnole Rauxa, ouvrir un grand livre d’images avec Et puis, adapté et mis en scène par Eric Domenicone, ou se laisser embarquer dans Le petit théâtre du bout du monde, opus III, œuvre poétique d’Ezechiel Garcia Romeu.
Dès le 9 oct, La Cuisine & Les Franciscains – Théâtre national de Nice. Rens: tnn.fr
photo : Dom Juan © Juliette Parisot