27 Juin Les 55 doigts de la main
À Mougins, la Scène55 peut s’enorgueillir de 7 ans d’une riche et fine programmation pensée par son directeur artistique René Corbier, qui signe avec cette saison 2024-2025 une dernière page professionnelle à la fois fabuleuse et très ancrée dans le réel.
Particulièrement versée dans l’Éducation artistique et culturelle (EAC) – environ le tiers des entrées et la même proportion en nombre de spectacles –, Scène55 a permis la mise en œuvre de nombreuses créations – six compagnies accueillies sur cette seule saison – et a obtenu l’appellation de scène conventionnée d’intérêt national art et création, gage d’un travail acharné et d’une capacité de ses équipes à tenir un cap exigeant. Dans son ultime présentation de programmation, son directeur René Corbier a eu l’éclairée délicatesse de décliner les spectacles de la saison en famille de 5 (comme 55) : les 5 incontournables, les 5 découvertes, les 5 qui nous feront respirer, les 5 à voir en famille, les 5 au cœur de notre époque et les 5 pour les plus petits. Comptons sur nos doigts…
Danse
Cette saison offre une place particulière à la danse et au partenariat avec le Pôle national supérieur de danse Rosella-Hightower (PNSD). Parmi les incontournables, une exclusivité, From England with love, de la Cie Schechter II, un tableau dansé sur fond de musique rock électro, avec un travail chorégraphique et des danseurs d’exception. Autre incontournable, Crocodile, de Martin Harriague – futur directeur de la danse de l’Opéra grand Avignon, une pièce pour deux danseurs et deux musiciens, dans un corps-à-corps en quête d’harmonie. À découvrir, Rebound du chorégraphe Francesco Curci, fondateur de l’Amorphous Dance Company, où le phénix figure la capacité humaine à résister. Le phénix apparaît encore avec le grand Mourad Merzouki et la Cie Käfig dans une pièce hip-hop où se rencontrent musique baroque, électro et hip-hop. Parmi les autres découvertes, Dividus de Nacim Battou, une pièce « pour sept corps » ovationnée au festival off d’Avignon, où sept « dividus » évoluent de l’ombre à la lumière, poussés par une pulsion de vie, entre cirque, danse contemporaine et hip-hop. Mêlant les disciplines de la danse comme il l’a toujours fait, Hervé Koubi propose Sol Invictus, un ballet contemporain pour 18 danseur·euse·s, avec des artistes issus du cirque, du hip-hop, de la danse, du breakdance et de la capoeira. Proposée au Palais des festivals de Cannes, Contre-Nature de Rachid Ouramdane, directeur de Chaillot-Théâtre national de la danse, est une création pour dix interprètes, dans une dimension aérienne, acrobatique, toujours à la recherche d’une expression personnelle du mouvement. Ce que pourront tester les tout-petits dès 3 ans avec Casse-Noisette ou le droit de rêver par Yan Giraldou, où spectateurs et danseurs se retrouvent sur scène, comme dans un rêve.
Musiques
Parmi les propositions musicales, le jazz est là, avec deux duos, Ballaké Sissoko et Vincent Segal, rejoints par Émile Parisien et Vincent Peirani, autour d’influences africaines et européennes en une fusion aux touches orientales et gitanes et qui, sous le nom Les Égarés, semblent pourtant s’être bien trouvés ! Autre quartet de choix, ASTA avec Sylvain Beuf, Thomas Bramerie et Antonio Farao, figures du jazz qui swingue et boppe, rassemblés autour des « balais magiques » du légendaire batteur André Ceccarelli. À découvrir, la virtuose pianiste monégasque Stella Almando pour un récital au répertoire romantique. Du tout public, comme on dit quand on est ravis d’inviter tout le monde, avec l’indémodable Pierre et le loup, outil superbe d’apprentissage des instruments de musique que jouera l’Orchestre national de Cannes, rehaussé des dessins du plasticien Paul Cox.
Théâtre
Le 400e anniversaire de la naissance de Molière en 2022, aura permis des créations autour de son œuvre et nous pourrons assister à deux pièces hommages : Molière-Matériau(x) avec Pierre Louis-Calixte de la Comédie-Française où nous cheminons en compagnie des deux auteurs « imaginairement » liés, et Le Voyage de Molière avec Jean-Philippe Daguerre et Pierre-Olivier Scotto de la Comédie-Française, une plongée en 1656, au cœur de la troupe de l’Illustre Théâtre de Molière, à coups de références historiques et biographiques. Autre clin d’œil au dramaturge français avec Sophia Aram, non pour son œuvre mais pour le prix qui porte son nom, elle qui s’est vue décerner le Molière du meilleur spectacle d’humour cette année avec Le monde d’après, qu’elle sculpte au couteau, n’épargnant aucune lâcheté ou incohérence intellectuelle – pour public averti. Le spectacle proposé par la Cie Gorgomar en revanche, Heureuse qui comme Armelle, est très conseillé dès 6 ans, pour comprendre « à peu près » l’épopée d’Ulysse, selon Aurélie Péglion, à renforts de jonglerie, de techniques du conte et de manipulation d’objets. À noter, le Concerto pour deux clowns, une pépite de Julia Moa Caprez et Igor Sellem, proposée en partenariat avec le Théâtre de Grasse, primée par le public du Off d’Avignon, et à voir à Saint-Vallier-de-Thiey. De ce théâtre qui raconte notre temps, parfois en puisant dans la richesse de textes anciens, citons Le Rouge et le Noir de Catherine Marnas, d’après Stendhal, L’Oiseau vert d’Agnès Regolo, d’après l’œuvre de Carlo Gozzi, ou encore La maman du bourreau avec Clémentine Célarié, primée en Avignon pour ce seule en scène.
Nous reviendrons dans nos colonnes sur cette riche programmation, et notamment sur deux événements. Le Festival Trajectoires en début d’année prochaine, auquel la Scène55 est associée et qui marque le « compagnonnage amical avec les scènes voisines« , comme le décrit si joliment René Corbier. Et le Printemps de la marionnette et des formes animées, avec cinq spectacles en dix jours, où la vedette marionnette apparaît dans des approches associant comédiens en chair et en os, jeux d’ombres ou mapping vidéo.
Dès le 5 oct, Scène55, Mougins. Rens: scene55.fr
photo : From England with Love © Tom Visser