03 Sep Dom Juan, ou la chute d’un prédateur
Trois ans après son adaptation de Tartuffe, et celle des Femmes savantes en 2015, la metteuse en scène Macha Makeïeff revient avec une version revisitée d’un autre classique de Molière : Dom Juan. Un spectacle en tournée à Toulon, Monaco, Nice et Draguignan.
Pour cette adaptation, le personnage mythique du dramaturge, interprété par Xavier Gallais, évolue avec son valet Sganarelle (Vincent Winterhalter) en plein XVIIIe siècle français, période de transgressions par excellence. Siècle de Sade et des libertins, il est aussi celui d’une société au bord du gouffre et de l’émancipation des femmes.
Les femmes, justement : présentées comme objets de désir dans la pièce originale, elles prennent ici la parole pour une version qui fait forcément écho à l’actualité et aux revendications féministes post-#metoo. Autrefois envié et adulé, le séducteur est aujourd’hui remis en cause, et l’on découvre sa personnalité égoïste de prédateur. Mais en pensant choisir des proies qu’il croit sans défense, Dom Juan se trouve mis en échec par des femmes qui lui échappent et refusent de se soumettre. Cette pièce est donc aussi l’histoire de l’émancipation de Mathurine (Khadija Kouyaté) et Charlotte (Xaverine Lefebvre). Quant à Elvire (Irina Solano), personnage central de la pièce, elle n’est plus dépeinte comme une victime éplorée, mais comme une femme qui surpasse son état de sidération, ose dire non et se métamorphose au fur et à mesure qu’elle échappe à l’emprise de son bourreau.
Choisir de situer la pièce dans cette période sert aussi à Macha Makeïeff à confronter son personnage à un contexte politique, celui du système aristocratique de l’Ancien Régime. Il refuse le dogme social avec insolence et se fait « transgresseur de toute loi, sacrée, sociale, humaine« , explique la metteuse en scène.
Fini la multiplicité des lieux, le décor de cette adaptation est unique et nous montre un Dom Juan reclus, devenu quasiment fou et dont aucun de ses désirs n’aboutit. La tension est resserrée pour le montrer sous les traits d’un homme en perdition, traqué pour ses actes.
DÉSIR, QUAND TU NOUS TIENS !
Ce Dom Juan de Macha Makeïeff inaugurera le 47e Théma de la scène national Chateauvallon-Liberté, intitulé Chair Désir. « Pour cette rentrée automnale, quoi de mieux que de se glisser, non pas sous la couette, mais dans le cocon douillet de nos salles pour interroger notre relation à toi, cher désir. Décortiquer tes envies folles, tes secrets inavouables, tes quêtes éperdues, au plus profond de ta chair…« , nous indique-t-on. Axé autour d’une dizaine de spectacles, programmés entre septembre et décembre 2024, ce nouveau cycle alignera également conférences, expositions, projections… et une 3e édition de la biennale queer Liberté + In&Out, en partenariat avec l’association Les Ouvreurs, en novembre prochain. « Derrière le terme intrigant de queer, il y a la volonté d’aborder la question des sexualités à travers le prisme de la création artistique et de parler librement d’identités, d’orientations, de genres et des systèmes normatifs qui les contraignent souvent. Nous voulons inviter à l’ouverture d’esprit et à la curiosité, tout simplement. » Merci à Châteauvallon-Liberté pour cet engagement au long cours.
25 au 28 sep, Théâtre Liberté, Toulon. Rens: chateauvallon-liberte.fr
3 oct, Théâtre Princesse Grace, Monaco. Rens: tpgmonaco.mc
9 au 11 oct, La Cuisine – Théâtre National de Nice. Rens: tnn.fr
6 déc, Théâtre de l’Esplanade, Draguignan. Rens: theatresendracenie.com
photo : Dom Juan © Juliette Parisot