Sur les chemins de la transhumance

Sur les chemins de la transhumance

Qui ne s’est jamais retrouvé bloqué sur une petite route de campagne par un troupeau de moutons ? Si d’aucuns pestent de se voir inopinément freinés dans leur quotidien effréné par cette scène de vie pastorale, il est bon de rappeler que la transhumance est entrée en 2023 au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO. Voilà pourquoi Dracénie Provence Verdon Agglomération rend hommage à cette pratique séculaire avec l’événement Sur les chemins de la transhumance.

Certains animaux ont des prédispositions génétiques leur indiquant le moment d’entrer en hibernation, quand d’autres suivent leur instinct de survie en se déplaçant vers des latitudes plus clémentes quand arrive l’hiver : en milieu naturel, on appelle cela migration. Mais dans un environnement agricole régenté par l’Homme, ce phénomène s’appelle transhumance : autrement dit, un moyen d’adapter son mode de vie à son environnement et à ses besoins. Au-delà des causes climatiques, ces déplacements ont aussi un intérêt écologique : sans rentrer dans un propos scientifique que je risquerais de galvauder, par cette pratique, les animaux façonnent le terrain et assurent un équilibre de la biodiversité et des écosystèmes.

Dans les usages depuis plus de 4000 ans, la transhumance est entrée au patrimoine culturel immatériel (PCI) de la France en juin 2020, avant d’être reconnue par l’UNESCO en 2023. L’organisation internationale consacre ainsi l’apport à l’humanité des modes d’élevage et les pratiques de gestion pastorale en altitude, les pratiques coutumières de gestion collective des territoires pastoraux, les savoir-faire liés à l’artisanat et à l’élaboration de produits alimentaires. Le tout découlant d’une connaissance approfondie de l’environnement et impliquant des pratiques sociales et des rituels relatifs à la gestion des ressources animales et naturelles. De plus, les transhumances sont souvent prétexte à des fêtes organisées dans les villages traversés par les troupeaux. Bref, c’est tout bénef’ pour le bien-être de l’humanité, des animaux et de la planète !

Doisneau des villes, Doisneau des champs

L’artiste photographe Robert Doisneau avait très tôt compris toute la richesse de cette pratique millénaire, et la fascination qu’elle est susceptible d’exercer. Si le seul nom de Doisneau suffit à réveiller en nous des images en noir et blanc d’enfants, de femmes et d’hommes au hasard des rues du Paris d’après-guerre, on sait moins que le célèbre photographe humaniste était aussi passionné par le monde rural et n’a pas manqué de l’immortaliser au cours de ses nombreux voyages dans les campagnes françaises. En juin 1958, Doisneau accompagne notamment des bergers sur les chemins de transhumance, entre Lorgues et les hauteurs de Valberg. Au mois d’octobre, il les rejoint pour vivre avec eux la descente des troupeaux. Ce voyage, le photographe l’a raconté dans un carnet aujourd’hui retrouvé, et publié intégralement aux éditions Actes Sud. Un ouvrage précédé de quelques libres propos sur son amour de la Provence, né d’une admiration ancienne pour les livres de Jean Giono. A cette occasion, le Musée des Arts et Traditions Populaires à Draguignan accueille une exposition inédite de ces clichés, complétée par celle du photographe Patrick James Michel, parti plusieurs mois à la rencontre des éleveur.euse.s du haut Var. Muni d’appareils photographiques datant du XIXe siècle, il a photographié ces femmes et ces hommes, et a enregistré leurs inquiétudes et leurs espoirs quant à la conservation de ce patrimoine protégé pour les générations futures.

Lancé le 12 septembre prochain, et englobant plusieurs lieux de l’agglomération, l’événement Sur les chemins de la transhumance permettra aussi de découvrir les clichés de Vincent Floreani au Musée Honoré Camos à Bargemon, de participer à des balades littéraires Sur les traces de Jean Giono et des balades gourmandes, à des ateliers et des rencontres avec des bergers varois, ou encore d’assister à des conférences, des projections, au ciné-concert Dralhas en décembre, et à des veillées de contes en famille… De quoi entretenir la mémoire de cet inestimable patrimoine jusqu’au 18 janvier 2025.

12 sep au 18 jan, Musée des Arts et Traditions Populaires & lieux divers, Dracénie Provence Verdon Agglomération. Rens: culture.dracenie.com

photo : © Patrick James Michel