03 Sep Un Forum en grande forme
De têtes d’affiches en petites pépites, le Forum Estérel Côte d’Azur a présenté sa saison 2024-2025 il y a quelques semaines. Et le moins que l’on puisse dire c’est que ça démarre fort puisque certains spectacles affichent déjà quasi complet.
Depuis la nuit des temps, la création artistique permet aux humains de se transcender et d’exprimer les sentiments qui les habitent. Et quoi de mieux qu’un Forum, lieu autour duquel la vie d’une cité s’articulait à l’époque romaine, pour symboliser cette transmission de la culture et du savoir. Implanté au cœur d’une ville fondée il y a plus de 2000 ans et très justement dénommée Forum Julii à l’origine (soit la place publique de Jules), le théâtre varois a programmé pas moins de 52 spectacles, de septembre 2024 à mai 2025 !
Le corps… encore et toujours
Mode d’expression sans doute aussi ancien que l’humanité elle-même, la danse ouvrira cette nouvelle saison du Forum Estérel Côte d’Azur. Nouvelle création du Malandain Ballet Biarritz, conjuguant écritures néo-classiques et contemporaine, Les Saisons réunira au sein d’un même programme Les Quatre Saisons de Vivaldi et celles de son contemporain Giovanni Antonio Guido. Une création virtuose portée par le charismatique soliste Hugo Layer à découvrir le 28 septembre. De ses modestes origines rituelles à ses formes contemporaines mondialisées, la danse, pratique tout aussi artistique pour certains que spirituelle pour d’autres, a évolué au fil des siècles en s’adaptant aux mutations culturelles et aux modes de vie, pour laisser une marque indélébile dans l’histoire de l’humanité.
Ce n’est sans doute pas un hasard si Christophe Merigout, directeur du Forum, et Claire Giron, sa programmatrice, ont choisi d’ouvrir et de clore cette nouvelle saison par la danse ! Car le 17 mai, c’est bien une création du chorégraphe Sylvain Giroud, à l’origine du spectacle Let’s Move avec lequel le Forum avait célébré son 10e anniversaire, qui rappellera combien la danse se plaît à plonger au cœur de l’humain. Mais comment danser la foi en l’humanité, quand la tragédie nous cerne de tous côtés ? Comment croire encore en l’avenir ? Voilà le propos du Banquet des merveilles, avec lequel danseurs et musiciens comptent bien faire tomber les masques, mais aussi le « quatrième mur ».
Et entre ces deux créations, le public pourra croiser Émilie Lalande, ancienne première danseuse d’Angelin Preljocaj, qui présentera sa dernière création jeune public Petrouchka ou le choix d’Holubichka, mais aussi Mehdi Kerkouche dans une exploration des rapports familiaux dans Portraits, ou encore l’emblématique chorégraphe Amala Dianor, qui s’est entourée du plasticien Grégoire Korganow et du compositeur électro Awir Leon pour imaginer Dub, manifeste lumineux de danse contemporaine.
Et puisque de la danse au cirque il n’y a qu’un pas (de deux), le public pourra en prendre plein les yeux avec le bien nommé Homme cirque de l’acrobate, jongleur et funambule David 96-39Dimitri – tête de gondole du Festival Estérel Circus, qui se déroulera du 15 au 30 mars dans les communes de l’agglomération, et dont la programmation sera dévoilée prochainement –, ou avec Yé! (L’eau!) de la prestigieuse compagnie guinéenne Circus Baobab, qui se penche, prend appui, saute, bref s’intéresse à la disparition de cet élément essentiel à toute vie.
Carpe Diem !
« Le théâtre, c’est la vie ; ses moments d’ennui en moins« , disait un certain Alfred Hitchcock. Alors, certes, il représente un élément vital plus dispensable que la flotte, mais tout de même ! Une vingtaine de dates sont attendues au cours de cette saison, et puisqu’il est impossible de tout citer dans notre (espace) temps imparti, dévoilons le gros coup de cœur de la direction artistique. Si l’on vous dit : « Oh Capitaine, mon Capitaine…« , vous l’avez ? On parle bien sûr du Cercle des poètes disparus, adaptation risquée du film culte de Peter Weir, avec un flamboyant Robin Williams, portée ici par Stéphane Freiss qui relève avec brio le pari de succéder au regretté acteur américain dans le rôle du « Capitaine ». À travers la personnalité charismatique et anticonformiste du professeur Keating, cette histoire émouvante et toujours très actuelle dans le propos, célèbre l’amitié, l’émancipation, la transmission, dans un véritable hymne à la vie et à la liberté qui aura marqué toute une génération : « Carpe diem » D’ailleurs, la dernière cérémonie des Molières ne s’y est pas trompée en décernant deux récompenses à la pièce : meilleure mise en scène pour Olivier Soivérès, et révélation masculine pour le jeune Ethan Oliel, qui interprète le rêveur au destin tragique Neil Perry.
Autre récipiendaire de la célèbre statuette, Benoît Solès est de retour dans cet univers quasi mystique qu’il affectionne particulièrement avec Le secret des secrets. Une aventure théâtrale, basée sur une histoire vraie, autour des recherches d’une doctorante de l’université d’État de Géorgie, Megan Piorko, sur la pierre philosophale…
Spectacle comptabilisant plus de 700 représentations, et trois Molières en 2011, Le repas de fauves de Vahé Katcha reviendra à nouveau, cette fois-ci sous la houlette du metteur en scène Julien Sbire, sur une période sombre de notre Histoire : la collaboration avec l’occupant nazi. Une descente fascinante au cœur de la lâcheté et de la médiocrité humaine, sous les traits d’un Thierry Frémont abject à souhait, que l’on peut mettre en regard du courage d’hommes qui n’ont pas hésité à risquer leur statut social et leur existence pour défendre une noble cause : Émile Zola (Romain Lagarde), qui enquêtera contre l’avis de son éditeur sur le cas Dreyfus et sortira J’accuse, et George Méliès (Stéphane Dauch), qui s’engagera à dénoncer un mensonge d’État dans L’Affaire Dreyfus, premier film censuré au monde, sont Les Téméraires.
Bref, un beau programme ! Et encore, nous aurions pu évoquer Denali de Nicolas Le Bricquir, choc théâtral au festival off d’Avignon qui transpose les codes des séries au théâtre, La blessure et la soif, autre coup de cœur de l’équipe, avec une Fanny Ardant magistrale, mais aussi une œuvre du maître à tous : Le malade imaginaire, dans une mise en scène contemporaine signée Tigran Mekhitarian, où se mêlent théâtre, rap, danse et musique live…
Enfin, puisqu’on parle du loup, plusieurs concerts et spectacles musicaux seront bien sûr à l’affiche, avec notamment Pascal Obispo (déjà complet), Umberto Tozzi qui fait ses adieux à la scène, l’Orchestre Symphonique de l’Opéra de Toulon accompagné de la violoncelliste-soliste Julie Sévilla-Fraysse, ou encore le créateur de musiques de films américains Joachim Horsley, qui revisite en quintet, et en version cubaine, des œuvres de Mahler, Bach et Chopin !
Dès le 28 sep, Théâtre Le Forum, Fréjus & Palais des Congrès, Saint-Raphaël. Rens: theatreleforum.fr
photo : Cercle des poètes disparus © Louis Josse – JMD Production