01 Oct Fin du match…
Cannes, la France, le monde du foot et celui des médias, ont perdu l’un des derniers romantiques du ballon rond… Didier Roustan est mort à l’âge de 66 ans. Une triste nouvelle qui a eu pour effet de raviver notre envie de développer les portraits de personnalités issues du monde du sport, car, pour le journaliste sportif unique qu’il fut, le football était aussi un bien culturel et social. Ne serait-ce que pour cette raison, merci à lui.
« C’était pour moi le plus grand journaliste sportif. Intelligent, vif avec un grand sens de l’image. (…) Il va me manquer. Repose en paix mon ami. » Ces mots sont ceux d’Éric Cantona, le King, lui qui ne porte pas les médias dans son cœur. À leur lecture, on se rend compte – si ce n’était pas encore le cas – à quel point Didier Roustan était un personnage attachant, singulier, voire extravaguant, qui a marqué l’histoire du sport à la télévision. Dans un milieu médiatique et footballistique toujours plus aseptisé, il avait notamment convié Canto au micro pour commenter la Coupe du Monde 1994 ! Du Roustan pur jus, qui allait là où on ne l’attendait pas. Passionné par le football sud-américain, mais aussi africain, qu’il a contribué à importer dans les grilles de programmation française, il avait réuni son idole Diego Maradona et son ami Canto pour créer le premier syndicat de joueurs, l’Association internationale des joueurs professionnels (AIFP), l’année suivante. Absent de l’antenne depuis fin juin, il avait commenté son dernier match sur la chaîne L’Équipe accoutré de ses éternelles fringues d’ado fan de football. L’affiche ce soir-là ? Argentine-Canada, en ouverture de la Copa America. Comme un symbole…
Né à Brazzaville (Congo), le jeune Didier était arrivé à Cannes à l’âge de 3 ans. « Mon triangle d’or c’était le Moure Rouge, le stade des Hespérides et le Palm Beach…« , déclarait-il au magazine de la ville en novembre dernier, à l’occasion de la sortie de son ouvrage Puzzle. Plus qu’une autobiographie, ses chapitres constituent les pièces d’une vie multiple, presque foutraque, qui n’aura suivi aucune ligne directrice, si ce n’est son ardente passion pour le ballon rond. D’ailleurs, aucune chronologie particulière dans cet ouvrage, « au lecteur au final de reconstituer l’image complète selon son ressenti. » Il débarquera ensuite à Paris à 1976, en stage à TF1, avec pour seul bagage son immense culture footballistique et une ouverture sans limite sur le monde, sur les autres. Une ouverture qui fera de lui cet homme que le grand public connaissait au travers de la petite lucarne : un passionné, généreux, iconoclaste, qui participera à la naissance de Téléfoot, qui osait tout comme faire donner par le grand Pelé la tétée à un bébé panthère noire (surnom du joueur brésilien) en direct, qui développera une nouvelle écriture du documentaire sportif offrant notamment une place particulière à la musique, qui créera une nouvelle forme de débats sur les plateaux, qui régalera durant plus de 40 ans les téléspectateurs de ses digressions et anecdotes exotiques, qui créera le projet social et éducatif Foot Citoyen, qui, qui, qui… On pourrait continuer longtemps comme ça.
En 2022, ce flamboyant conteur, qui ne jurait que par l’esthétique du football, la beauté du jeu, et rejetait sa dimension consumériste, créait La Roustanie, une application décalée, didactique et romantique sur le football. Volontiers (très) haut perché, il avait imaginé La Roustanie tel un petit pays fictif, basé en Amérique du Sud, bien entendu. Un pays où la date de naissance inscrite sur votre pièce d’identité était celle de votre venue au monde du football. J’aurais aimé rencontrer et échanger avec son Président autour de notre passion commune, avec ce libéro de formation qui conservera jusqu’au bout son attachement à un seul club, l’AS Cannes. Et lui serrer la main, comme il a dû serrer la main de Dieu, celle que lui a tendu El Pibe de Oro pour lui souhaiter la bienvenue.
photo : Didier Roustan dans L’Equipe du Soir © E.Garnier – L’Equipe