03 Déc Francisco Tropa, l’anarchéologue
Cet hiver, la Villa Paloma – Nouveau Musée National de Monaco nous fait découvrir la Paésine, une typologie particulière de calcaire métamorphique que l’on trouve en Italie, en compagnie du sculpteur et plasticien portugais Francisco Tropa.
Cette exposition monographique, sobrement intitulée Paésine, et présentée en collaboration avec la Fondation Serralves à Porto, habille les murs de la Villa Paloma d’un décor de roche, d’eau et de lumière. Le visiteur est invité à parcourir les salles d’un lieu antérieur à l’invention même des musées, rejouant les origines de l’art et proposant au public une autre histoire des formes. Déconstruit, l’espace du musée devient alors une caverne platonicienne.
Grâce à une expérimentation continue de la matière, Francisco Tropa développe une pensée analogique du minéral et de l’organique, du naturel et de l’artificiel. Les visiteurs suivent un parcours ascensionnel : le premier étage étant lié au monde souterrain, le niveau supérieur au monde terrestre, et le dernier étant consacré à l’au-delà. Des drapeaux sont hissés sur le toit du musée, conçus à partir de coupes d’agates collectionnées par l’artiste, signalant l’exposition et rappelant la proximité de la grotte de l’Observatoire. De plus, de fines tranches d’agate sont projetées sur les murs des salles d’exposition, projections lumineuses assimilant l’architecture de la Villa Paloma à celle d’une grotte.
Au deuxième étage, on découvre un théâtre d’ombres, ancêtre du cinéma, au sein d’une œuvre intitulée Eclipse. Les images inversées sont projetées sur une lune suspendue, évoquant en creux le corps féminin et la maternité, thèmes récurrents chez Tropa. Son œuvre majeure, Terra Platonica, se trouve au dernier étage, celui de l’au-delà. Il s’agit d’une des pièces en bronze les plus complexes jamais réalisées par l’artiste, inspirée de la photographie de l’ethnologue Edward Curtis. Ce dernier documente au début du XXe siècle les rites des populations indiennes, dont la dessiccation du corps humain, objet de la photographie qui eut fasciné Tropa. Artiste complet, virtuose, technique et profond, il détourne avec humour les méthodologies scientifiques, et invite le public à envisager une autre histoire des formes, que l’on peut situer dans l’héritage du concept d’anarchéologie.
6 déc au 21 avr, Villa Paloma – Nouveau Musée National de Monaco. Rens: nmnm.mc
photo : Francisco Tropa, Agate, 2023. Projection lumineuse, dimensions variables. © Francisco Tropa. Courtesy de l’artiste et Galerie Jocelyn Wolff