Le prix des mots

Le prix des mots

À Toulon, Le Liberté accueille Le village des sourds, conte social édifiant de Léonore Confino, mis en scène par Catherine Schaub, qui s’intéresse à l’importance des mots et leur rôle dans le fonctionnement d’une société. Un spectacle présenté en français et en LSF.

À Okionuk, village indéterminé perdu loin quelque part dans le froid engourdissant des températures extrêmes, une petite communauté autonome et modeste se tient depuis toujours à l’écart du grand souk de la consommation mondiale. Ses habitants sont d’abord riches d’une forte culture orale, vivent paisiblement en osmose avec la nature et se tiennent chaud le soir autour du feu, en se racontant plein d’histoires… Jusqu’à l’arrivée d’un camion noir comme un corbillard, qui vient se planter au centre de la place. Un homme en descend pour distribuer le catalogue des objets qui remplissent son véhicule. Plongée immédiate dans les eaux profondes de la tentation, sans palier de décompression. Sauf que les gens sont à fond de cale. Pas de thune, pas de micro-ondes. Le VRP bonimenteur, surtout menteur, dégaine alors un deal machiavélique. Payer toutes ces choses en sacrifiant des mots qu’ils ne pourront plus jamais utiliser !

Très vite, à force de mots jugés inutiles, la difficulté d’employer le bon terme pour exprimer une pensée commence à faire des dégâts… Ici, 100 mots largués pour un grille- pain, là, 329 mots troqués contre une chaudière. Fin des joyeuses causeries autour du feu. Car cette braderie sauvage déclenche conflits et violence au sein d’une communauté désormais en perte d’identité, peu à peu réduite aux grognements. Heureusement, il y aura la jeune Youma, 14 ans, pour sauver ce petit monde. Youma est sourde, mais unique dépositaire de la mémoire sacrifiée de son village. Grâce à la langue des signes.

Née en 1995, Ariana Rivoire, seule membre de sa famille à être sourde, interprète Youma. Léonore Confino raconte : « Après la naissance de mon deuxième enfant, j’ai eu une période de ma vie où j’avais un vocabulaire très utile, pratique, pragmatique. Alors j’ai pris un petit carnet où j’ai noté tous les mots que je trouvais poétiques comme pistil, olibrius, etc. Je me suis dit qu’un jour, je ferais une pièce avec tous ces mots clandestins. » Pour info, selon une étude récente, un.e français.e moyen.ne adulte connaitrait entre 3000 et 5000 mots mais dans la vie courante, nous n’en utilisons que 500… Oui, oui, vous avez bien lu, 500 mots !

15 & 16 jan, Le Liberté, Toulon. Rens: chateauvallon-liberte.fr

photo : Le Village des sourds © Emilie Brouchon