03 Déc Mémoires de danse
La légende Martha Graham a écrit que rares étaient les photographes « pouvant capturer l’instant d’une danse et le transformer en un geste intemporel« . Elian Bachini, décédé en 2023, était probablement de ceux-là. Au Lavandou, la Villa Théo expose ses Mémoires de danse, jusqu’au 4 janvier prochain.
Professeur d’italien de formation, passionné de dessin et de photographie, le Toulonnais Elian Bachini (1945-2023) a connu les premiers balbutiements de Châteauvallon, créé en 1964 à Ollioules sous l’impulsion de Gérard Paquet, de son épouse Colette Paquet, et d’Henri Komatis. C’est ici, dans ce lieu devenu au fil du temps un temple de la danse contemporaine, qu’il fait ses premières armes et en devient le photographe officiel, entre 1980 et 2000. Dans le viseur de son objectif ont défilé les plus grand.e.s : Martha Graham, bien sûr, mais aussi Angelin Preljocaj, Maurice Béjart, Rosella Hightower, Maguy Marin, George Dunn… Et pourtant s’il est un sujet difficile à exploiter, c’est bien la danse, tant il est ardu d’isoler une fraction de temps, tout en tentant de restituer le mouvement, la poésie et l’idée qu’il renferme.
Ses photographies feront le tour du monde avec les compagnies de danse et de théâtre qu’il a capturées, et seront exposées jusqu’au Japon ! Il se passionnera d’ailleurs pour le Buto, « danse du corps obscur » née dans le Japon underground de la fin des années 1960, en réaction aux traumatismes laissés par la Seconde Guerre mondiale – Hiroshima en particulier – et se nourrissant des avant-gardes artistiques européennes. Invité régulier du festival international Les Hivernales à Avignon, il en est même l’invité d’honneur lors de sa 40e édition en 2018. Insatiable curieux, Elian Bachini aime explorer de nouveaux champs : il s’ouvre aux éléments du monde minéral, de l’eau, de la nature dans son ensemble, et en 2022 à Mougins, Scène55 expose ses recherches sur le corps et la roche dans Osmoses minérales, une série de créations photographiques numériques où la matière minérale rencontre l’humain.
Tout au long de sa carrière, sa pratique aura largement évolué. À la fin des années 90, il s’éloigne du papier glacé traditionnel et tire ses photographies sur toile de jute ou de lin, ou sur papier aquarelle qu’il sensibilise lui-même dans son laboratoire, créant ainsi son propre « papier photo » de façon artisanale. Des tirages argentiques grand format sur toile qui se rapprochent du dessin ou de la peinture par le relief obtenu. Deux séries voient alors le jour : Picturales de danse, et Silences écrits de danse exposée au Festival Européen de la Photographie de Nu d’Arles en 2013.
Les œuvres choisies pour son exposition au Lavandou témoignent de ce procédé unique offrant un rendu singulier à ses « photos-peintures », traduisant sa fascination pour le geste, pour le mouvement, et sa volonté de réunir la photographie pure et la photographie plasticienne.
Jusqu’au 4 jan 2025, Villa Théo, Le Lavandou. Rens: villa-theo.fr
photo : vue de l’exposition d’Elian Bachini à la Villa Théo © Ville du Lavandou