03 Déc Opéra de Nice : gros plan sur Schönberg et Mozart
L’Opéra de Nice a vu grand en décembre, avec Transfiguré 12 Vies, spectacle-hommage au compositeur Arnold Schönberg qui célèbre ses 150 ans, mis en scène par le niçois Bertrand Bonello, et prolonge le plaisir en janvier, avec La Flûte enchantée de Mozart, que met en scène Cédric Klapisch. Deux cinéastes aux univers très affirmés pour deux créations, tout aussi différentes.
Arnold Schönberg (1874-1951), né à Vienne, mort à Los Angeles, a pris de plein fouet la déflagration des deux conflits mondiaux. Mère juive pieuse, père libre penseur, Schönberg est incroyant. Jusqu’en 1898, où il reçoit le baptême dans sa ville. Mobilisé en 1917, puis qualifié de « dégénéré » par le régime nazi… La guerre le plonge dans la dépression. Fuir les persécutions. À Paris, en présence de Marc Chagall, il revient au judaïsme. En 1921, il confie avoir « fait la découverte qui assurera la suprématie de la musique allemande pour les 100 ans à venir » : la méthode de composition avec 12 sons, dite technique dodécaphonique, ou comment réhabiliter le classicisme d’hier tout en dégageant un nouveau son. Transfiguré – 12 Vies de Schönberg, spectacle d’art total, scanne en 12 étapes musicales les affres mystiques de l’homme à travers ses écrits, sa peinture, ses amis, entre vidéos et lumières, dans des décors entièrement réalisés à la Diacosmie. 12 étapes qu’illustrent des extraits musicaux, choisis parmi 12 de ses œuvres, et explorent sa pensée créatrice, transcendées par David Kadouch au piano, la soprano Sarah Aristidou, le Chœur de l’Opéra de Nice, et l’Orchestre Philarmonique de Nice, que conduira la cheffe Johanna Malangré. Bertrand Bonello, familier de Schönberg, l’étudiait enfant avec son prof’de piano : « Schönberg est un grand romantique. Je ne suis pas d’accord avec la vision mathématique ou froide qu’ont beaucoup de gens de sa musique… Il est probablement celui qui a le plus bouleversé la composition musicale en ce début de siècle, quitte à dérouter et à s’isoler. » C’est une première mise en scène d’opéra pour le cinéaste !
Changement d’ambiance radical avec Mozart et La flûte enchantée, opéra le plus populaire, joué partout dans le monde. Énigmatique, plus étrange et complexe qu’il n’y parait, car le génial Wolfang, né en 1756 à Vienne, comme Schönberg, était franc-maçon, loge Zur Wohltätitgkeit (La Bienveillance). En surgit une galerie fouillée de profils à travers Sarastro (Antonio Di Matteo), souverain de lumière opposé à la noirceur de la troublante Reine de la nuit (Tetiana Zhuravel) et ses quatre comploteurs. Les joyeux Papagena (Veronika Seghers) et Papageno (Joan Martin-Royo) papillonnent, pourtant ce dernier, versatile et multiple, se montre dans toute son humanité, happé par une pulsion suicidaire. L’œuvre pose des questions sensibles d’une moderne actualité : l’environnement, la relation homme-femme dans le couple Pamina (Sidney Mancasaia) et Tamino (Joël Prieto). Ce déroutant fourre-tout où s’englobent farce, philosophie, féerie, est un récit initiatique qui multiplie les styles vocaux et musicaux, nourri de l’Aufklarüng, les Lumières allemandes, et qui étourdit l’âme. Mozart reprend les codes du Singspiel et ses éléments opératiques, mais y appose sa touche pour en livrer une synthèse définitive. Cédric Klapisch, metteur en scène : « Le plus beau pour moi, c’est cette métaphore magnifique qu’est la flûte enchantée. Ce qui peut sauver Tamino et accessoirement… le monde, c’est ce petit bout de bois. Il suffit de souffler dedans et tous les conflits du monde peuvent s’apaiser« . Pour 2025, si seulement quelqu’un pouvait souffler dans ce petit bout de bois enchanté…
Transfiguré – 12 vies de Schönberg, 6 déc • La flûte enchantée, 24 au 30 jan. Opéra de Nice. Rens: opera-nice.org
photo Une : Transfiguré – 12 vies de Schönberg © Mathias Benguigui