03 Déc Un envoûtant Monaco Dance Forum
Avec le Monaco Dance Forum et la féérie des Fêtes, chaque mois de décembre se présente comme une sorte de défi à honorer pour les Ballets de Monte-Carlo. Pari relevé avec succès, année après année, grâce au dynamisme de Jean-Christophe Maillot, à la fois chorégraphe inclassable et directeur insaisissable qui aime surprendre le public.
Ses 30 ans à la tête de la compagnie monégasque n’ont jamais entamé son enthousiasme et la passion pour son métier qu’il dévoile dans l’ouvrage qui vient de paraître Jean-Christophe Maillot, La danse en festin. Curieux et facétieux, il se réjouit de la programmation de la nouvelle édition du Monaco Dance Forum qui brouille les pistes et mène sur des chemins inattendus en répondant toutefois à une condition : la qualité de la démarche mise en œuvre. Avant le spectacle célébrant la féérie des fêtes, une succession de spectacles vont s’enchaîner du 11 au 18 décembre pour offrir un panorama renversant de l’art chorégraphique où sont invitées à se produire quelques-unes des compagnies les plus fameuses du moment.
Chorégraphes et ballets prestigieux
Le collectif belge Peeping Tom ouvre la voie à une danse extrêmement théâtralisée, basée sur les relations intimes à travers un esthétisme extrêmement réaliste. Diptych : The missing door and The lost room est une plongée dans la quête intérieure de personnages embarqués dans un voyage à la poursuite d’un idéal. La virtuosité des danseurs qui se déploie dans un suspense aux allures cinématographiques offre un spectacle d’une intensité rare. À l’opposé, la pièce de l’espagnol Israel Galvan aura un effet libérateur par l’énergie incandescente que le danseur de flamenco dégage. La maîtrise incontestée qu’il a de cet art, et qu’il pratique depuis le plus jeune âge, l’a conduit à vouloir repousser les limites de la pure tradition flamenca provoquant parfois une certaine incompréhension dans son pays. La Edad de Oro, dont il célèbre le 20e anniversaire, demeure la pièce emblématique à travers laquelle il continue d’afficher sa liberté d’expression et sa créativité. Une inventivité et une indépendance dont ne manque pas non plus Ohad Naharin qui invite le Hessisches Staatsballett à interpréter Last Work, un ballet qui recèle toute l’audace de ce chorégraphe hors du commun. Inventeur d’un langage chorégraphique aisément identifiable, il provoque la fascination par l’intensité des mouvements qui puisent leur force dans l’affect des danseurs.
S’inspirer du réel
Sharon Eyal est issue de cette mouvance qui cherche au plus profond de l’individu des formes d’expression décuplées. Au cours de deux représentations, elle présentera son Autodance à la poésie animale qui ne raconte d’autre histoire que celle des corps qui dansent sur la musique hypnotique de Gai Behar. La pièce de Jean-Christophe Maillot viendra contrebalancer cette mécanique infaillible par le déploiement époustouflant des danseurs de sa compagnie qui se livrent à une célébration de la vie Vers un pays sage. Cette pièce largement inspirée de sa propre vie est également un superbe hommage à son père qui lui a ouvert les portes d’une vie trépidante. La part autobiographique de Chotto Desh est tout aussi prégnante puisqu’elle s’inspire du solo Desh d’Akram Khan. Dans cette œuvre éblouissante, l’un des plus célèbres chorégraphes britanniques partait à la recherche de ses origines tout en saluant la mémoire de son père arrivé à Londres alors qu’il fuyait le Bangladesh. Seul en scène durant 1h20, Akram Khan traversait un univers onirique empli de poésie où l’humour se mêlait au tragique, la violence se heurtait à la tendresse et le sacré se confrontait au monde contemporain. Trois années plus tard, la réalisatrice Sue Buckmaster s’empare de l’adaptation de la pièce qui devient Chotto Desh (ou Petite patrie) : tout en lui conservant sa quintessence, l’ajout subtil d’animations rend le spectacle désormais accessible à un public plus familial. Il y est question de famille, d’histoire(s) et quelque part du destin de chacun qui reste à s’inventer. C’est dans un tout autre univers que nous plonge Eugénie Andrin : les États-Unis, au cours des années 1930, où se développent les marathons de danse. Pour quelques dollars, les couples se lancent dans des concours et dansent pendant des heures, des jours, des semaines, jusqu’à l’épuisement ou la folie. La chorégraphe met en scène une quarantaine de personnes dans un spectacle participatif qui fait appel à une danse créative sur un thème sociétal complexe. Pour le final de ce Monaco Dance Forum, la création norvégienne d’une belle richesse sera mise à l’honneur avec la Jo StrØmgren Kompani qui dévoilera quelques-uns de ses secrets dans Made in Oslo.
Célébrer la nouvelle année
Puis, après l’intensité de toutes ces découvertes, viendra le temps de se laisser porter par la magie ! Jean-Christophe Maillot reprendra La Mégère apprivoisée pour assurer la transition d’une année vers l’autre. Spectacle aux multiples récompenses, créé il y a 10 ans pour le Ballet du Bolchoï, il fascine toujours autant par l’audace de son thème, l’originalité de son approche et l’éclat de sa danse. Une pure merveille.
Monaco Dance Forum, 11 au 18 déc • La mégère apprivoisée, 29 déc au 4 jan. Grimaldi Forum & Théâtre des Variétés, Monaco. Rens: balletsdemontecarlo.com
photo : Chotto Desh © Camilla Greenwell