Claire Deya : « La paix se construit ! »

Claire Deya : « La paix se construit ! »

La Fête du Livre du Var s’est tenue du 17 au 19 novembre dernier à Toulon. À cette occasion, le Président du Département, Jean-Louis Masson, a remis le Prix des lecteurs du Var, catégorie adulte, à Claire Deya pour son 1er roman Un monde à refaire (L’Observatoire). Le silence de rouge de Mathieu Pierloot et Giulia Vetri (Versant Sud) et La Quête de Frédéric Maupomé et Wauter Mannaert, ont été lauréats dans les catégories jeunesse et BD. 

« Mon livre est un cri d’amour au Var, au Sud ! » Et lorsqu’on lui demande si elle s’attendait à un tel succès, la primo-romancière avoue être très surprise. Claire Deya, également lauréate du Prix RTL-Lire Magazine 2024, porte bien son nom : lumineuse et belle, vissée à son bureau, laborieuse comme Balzac, elle est capable d’écrire pendant dix heures non-stop. 

Un monde à refaire, qui se déroule à l’été 1945 entre Hyères et Saint-Tropez, dresse le portrait saisissant de personnages et d’une période paradoxale et méconnue, pleine de douleur, d’espérance et de secrets indicibles. « À la fin de la guerre, l’Allemagne et la France se haïssent mais vont travailler main dans la main. Les Allemands avaient miné le Sud pour empêcher le débarquement de Provence. On a fait travailler 50 000 prisonniers de guerre pour déminer, avec les Français, les côtes de Normandie et de Provence… » Car sur les rives de la Méditerranée, des millions de mines avaient été laissées par les Allemands. Qui s’en souvient ? « Mon grand-père, médecin militaire interné dans un camp à Kassel et mon grand-oncle, arrêté cinq fois, restaient toujours entre eux et jamais ne se sont plaints. Mais leur foi en l’humanité a été profondément ébranlée…« , nous a révélé l’autrice. Aussi a-t-elle voulu raconter, au travers de différents personnages, « les deuils, les traumas, les blessures. En proie à l’indifférence, il leur fallait faire semblant pour pouvoir rester dans le cercle des humains. Euphorie après la guerre, on veut être heureux quand d’autres déminent et risquent leur vie…« 

Claire Deya vit retirée dans un coin de campagne propice à la réflexion, à deux pas de L’Isle-sur-la-Sorgue. Elle a écumé toutes les archives de la région, de Saint-Tropez à Toulon. L’idée première était de montrer la tension existante entre le désir de vivre et le danger de mort. En filigrane, Claire inscrit aussi une histoire d’amour. « On ne se rencontrait pas sur des réseaux autrefois, et on n’avait qu’une hâte pendant ces longues séparations dues à la guerre, celle de retrouver l’amour perdu« , résume-t-elle. 

Claire Deya a également recueilli le témoignage d’une rescapée d’Auschwitz, « Saskia, qui m’a parlé voici 10 ans. Ça bouillonnait en elle, mais on l’avait adjurée à sa libération de ne pas faire d’histoire. Ça l’a bloquée. Pendant 70 ans, elle n’a jamais réussi à parler, jusqu’au jour où elle m’a confié son récit. Si, de retour des camps, les rescapés ne parlaient pas, c’est qu’on ne les écoutait pas… Après la guerre, ils étaient une ombre dans l’espoir qui commençait à renaître. On a enfoui, on a voulu oublier, mais de l’ignorance découle l’intolérance. La paix se construit ! » Comme ce premier roman, qui lui a demandé, entre documentation et écriture, plus de 2 ans de travail, aujourd’hui salué par la critique et les lecteurs.

Un monde à refaire de Claire Deya (L’Observatoire)