04 Déc Secrets d’Histoire… de l’art
Le Musée des Beaux-Arts de Draguignan vient de célébrer le premier anniversaire de sa réouverture ! Pour l’occasion, il accueille une exposition importante, superbement scénographiée, autour de la représentation des épisodes de la vie des artistes de la Renaissance. Sous le commissariat de Grégoire Hallé et Yohan Rimaud, Passion Renaissance, Légendes d’artistes au XIXe siècle, elle est visible jusqu’au 23 mars prochain.
Comme en un jeu de miroir, l’artiste souvent se mesure à l’aune de ses prédécesseurs. Il s’y confronte parfois pour en parfaire les leçons, souvent aussi pour se contempler à travers l’aura d’un mythe, comme ce fut le cas de bien des peintres du XIXe siècle lorsqu’ils rendirent hommage aux grands maîtres de la Renaissance. Ce sont ces Légendes d’artistes que nous raconte le Musée des Beaux-Arts de Draguignan, sous le commissariat de Grégoire Hallé, nommé en 2021 Conservateur du Musée des Beaux-Arts de Chartres après avoir dirigé la réhabilitation de celui de Draguignan, et de Yohan Rimaud, conservateur en chef du musée dracénois. Au-delà du seul point de vue anecdotique, l’exposition Passion Renaissance nous propose une réflexion sur la relation formelle qui se joue d’un artiste à l’autre et sur la mise en abyme d’un tableau par la rencontre d’un artiste avec ceux qui l’ont précédé.
Il exista au début du XIXe siècle, cette « veine troubadour » qui, dans le sillage du Romantisme, répandit une vision idéalisée du passé en littérature comme en peinture. L’Histoire est alors revisitée sous le filtre de l’héroïsme et, dans les arts, sur celui du mythe du génie créateur, comme il le sera plus tard sous le signe de celui de l’artiste maudit. Entre imaginaire et réalité, un récit se construit donc et, en 27 œuvres provenant de musées français et italiens, l’exposition explore ces instants de fascination et nous permet de saisir comment ceux-ci peuvent paradoxalement aveugler le regard des artistes et susciter en eux le désir de les dépasser par la seule puissance narrative.
Se confronter à Giotto, à Léonard, à Raphaël ou à Michel-Ange témoigne d’une aventure quelque peu déroutante quand on l’aborde dans un style académique. Pourtant qu’il s’agisse de peintres reconnus tels Fragonard, Ingres ou Granet ou d’autres plus confidentiels, leur lecture du passé nous permet de considérer que l’Histoire n’est toujours qu’une réécriture qui se réalise à partir du présent. Et l’art nous permet d’anticiper ce présent.
D’un tableau à l’autre, il faut alors saisir l’aventure des regards, la direction qu’ils empruntent quand ils se rencontrent ou qu’ils capturent tel ou tel détail d’une œuvre passée. Ainsi Cesare Maccari repeint-il La Joconde en train d’être exécutée par Léonard. Parfois, c’est la fascination du modèle qui l’emporte chez d’autres artistes tels Francesco Valaperta, comme La Fornarina pour Raphaël et toujours, dans une vision académique, le trouble des sentiments perçus au travers de mises en scène très étudiées au terme d’une véritable théâtralisation.
Ce parcours insolite entre la Renaissance et le XIXe siècle qui concerne aussi bien l’histoire de l’art que l’histoire politique est aussi un jeu de piste dans lequel il faudrait démêler les fils de la légende et les traces du réel. Les œuvres présentées nous fournissent des bribes de réponses tout en demeurant des énigmes. Mais les plus belles œuvres ne sont-elles pas celles qui recèlent cette puissance du mystère ?
Jusqu’au 23 mars 2025, Musée des Beaux-Arts, Draguignan. Rens: mba-draguignan.fr
photo : vues de l’exposition © Ville de Draguignan