Pierre Boulez déboule sur le Rocher

Pierre Boulez déboule sur le Rocher

Le Printemps des Arts de Monte-Carlo, sous la présidence de la Princesse Caroline, signifie un temps d’exception dédié à la musique classique et contemporaine. Du 2 mars au 27 avril, les mélomanes ne craignant pas d’être chahutés seront bien servis grâce à la stimulante programmation que leur soumet le compositeur et chef d’orchestre Bruno Mantovani, aux manettes de la direction artistique de la manifestation depuis 2022.

Cette année, l’édition honore l’immense compositeur et chef d’orchestre Pierre Boulez, mort en 2015. Bruno Mantovani qui l’a côtoyé de près, tenait à célébrer l’artiste autant que l’homme, à travers un portrait qui sera aussi l’occasion de marquer son centenaire. Gustav Malher, Maurice Ravel, Igor Stravinsky, Claude Debussy, Richard Wagner, Ludwig van Beethoven, Anton Bruckner, Béla Bartók… Des compositeurs que Pierre Boulez aimait diriger, et en qui il se reconnaissait de franches connivences, seront mis à l’honneur. En mars et avril, ses contemporains Luciano Berio, Karlheinz Stockhausen, Olivier Messiaen, seront aussi au programme. Monté à 17 ans à Paris, Boulez est dans la salle de musique de l’École normale de musique. Il entend Thèmes et variations de Messiaen. Il entre dans sa classe d’harmonie en 1944. Puis entend le nom de René Leibowitz, disciple de Schönberg. De ricochet en ricochet, ainsi se créent les affinités électives…

« Si pendant les 3 précédentes années, j’avais choisi une thématique purement esthétique et artistique pour structurer la saison du Printemps des Arts, cette année j’ai voulu me consacrer à une personne. Le 26 mars 1925 est né un des grands génies de la musique, à la fois compositeur, chef d’orchestre, écrivain, pédagogue, polémiste, créateur, directeur d’institution, que j’ai eu le grand plaisir de connaitre et qui a, définitivement marqué l’histoire : Pierre Boulez, expliquait Bruno Mantovani lors de la présentation de l’édition 2025 du Printemps des Arts, après la lecture, par le comédien Alain Carré, du poème Azur de Mallarmé, qu’aimait le maître français. Je voulais rendre hommage au compositeur, mais aussi faire un portrait à 360° de cette personnalité qui fut l’artisan d’un dialogue permanent entre les différentes disciplines artistiques. La musique de Boulez sera peu jouée durant l’édition 2025. Les 13 et 14 mars, à la Fondation Bacon, deux œuvres : une de Luciano Berio, Sequenza VIII pour violon, une de Pierre Boulez, Anthèmes pour violon, devant les tableaux et les photographies du peintre. Et l’occasion d’écouter la pianiste Aya Kono, pour une déambulation musicale… Le 26 mars 2025, jour du centenaire de la naissance de Pierre Boulez, sous ma direction, nous donnerons une œuvre de jeunesse, Sonatine pour flûte et piano, au Théâtre National de Nice – Salle des Franciscains, écrite à 21 ans, suivie de Dérive 2, œuvre fondamentale qui dure 45mn et qui donne à l’édition 2025, son intitulé. »

Dérives, oui, mais tout en subtilité…

…et sous le signe de la littérature, de la poésie, de la musique et des arts plastiques. Lesquels annoncent la couleur avec le percutant Study for Portrait (1971), une toile de l’anglais Francis Bacon choisie pour l’affiche de l’édition 2025. Tout se tient… Pierre Boulez avait rencontré le peintre et « dans un premier temps, l’avait trouvé dérangeant« . Pourtant, son travail sans concession ne rejoint-il pas cette même intransigeance chez le compositeur resté sur le qui-vive jusqu’au terme de son existence ? « Je me fabrique des règles pour le plaisir de les détruire plus tard. Inventer sans règles est inepte. Se conformer à des règles sans inventer est inepte aussi. »

Boulez disait devoir une part de son inspiration à Arnold Schönberg, Alban Berg et Anton Webern, remuant trio formé par ses mentors de l’école de Vienne. Ils sont au programme. C’est d’ailleurs Berg, représentant de la Seconde école de Vienne que, le 15 mars, l’exclusivement féminin Quatuor Akilone se chargera de mettre en lumière, ainsi que Beethoven pour la Première école de Vienne. Le 16 mars, Beethoven bis, suivi de Schönberg, avec Sindy Mohamed et Henri Demarquette en invités d’honneur… 

Impossible de passer en revue l’ensemble des manifestations du Printemps des Arts, mais sachez que d’autres moments de haut vol sont annoncés. Tels les concerts donnés les 22 et 23 mars, par le BBC Symphony Orchestra, que Boulez a dirigé de 1971 à 1974, ou encore les concerts jazz du pianiste Hervé Sellin proposant une Relecture jazz d’œuvres de Debussy et Ravel, le 28 mars, et un voyage Marciac New York Express, le lendemain. Plus un concert en famille, Le voyage de Noah, le 5 avril, avec les instruments à vent du Quintette Altra, la récitante Marion Fontana et les illustrations d’Emma Bertin… Plus de la danse, du 23 au 27 avril, avec les Ballets de Monte-Carlo, dont Les Quatre Tempéraments chorégraphié par George Balanchine sur une musique de Paul Hindemith

Dans Libération, Bruno Mantovani réagissait au décès de son ami en 2016 : « Je suis plus que bouleversé par sa disparition, car humainement et artistiquement, c’était un modèle. Il avait su trouver un équilibre musical entre hédonisme et rigueur. C’était un transmetteur, un pédagogue, il aimait expliquer. Il était toujours en mouvement, il marchait plus vite que moi. Grand séducteur, grand sensible, il pouvait parfois surprendre par sa connaissance de domaines que l’on ne l’aurait pas cru capable de considérer. Il regardait la télévision, lisait de nombreux journaux et je me souviens l’avoir présenté à de jeunes admirateurs qui l’avaient reconnu. Tu es aussi célèbre que Madonna, lui ai-je dit. Et lui de me répondre : Tu es un ringard, maintenant c’est Lady Gaga. » En 2025, le Printemps des Arts de Monte-Carlo sera Pierre Boulez ou ne sera pas.

2 mars au 27 avr, lieux divers, Monaco. Rens: printempsdesarts.mc

photo : Bruno Mantovani & l’Orchestre Philharmonique de Radio France, Chapiteau Fontvieille © Alice Blangero

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