Souvenirs de paradis perdus

Souvenirs de paradis perdus

260 œuvres présentées, dont plus de 200 du musée du Louvre ! Voilà ce qui attend les visiteurs de l’exposition Jardins et palais d’Orient, jusqu’au 6 avril 2025 à l’Hôtel Départemental des Expositions du Var, à Draguignan.

« Nous pensons toujours ailleurs« , écrivait Montaigne dans ses Essais. Rêvé, fantasmé, pour nous, cet ailleurs se cristallisa dans un orientalisme vaporeux hérité du romantisme au XIXe siècle. Aussi l’exposition proposée par le Département du Var, en collaboration avec le Musée du Louvre, a le mérite de s’ancrer davantage sur un socle géographique et historique tout en suivant un fil symbolique en un bel équilibre entre réel et imaginaire. Cet « ailleurs » s’incarne alors, par un univers stylisé, dans un « au-delà » quand le jardin murmure le souvenir d’un paradis perdu, mais s’accorde à tisser les liens d’un Éden à venir. Imaginé par les commissaires Farhad Kazemi, conservateur du patrimoine, chargé des collections de l’Iran médiéval au département des Arts de l’Islam du Musée du Louvre, et Monique Buresi, documentaliste scientifique au département des Arts de l’Islam du musée parisien, ce voyage dans le temps, qui nous transporte de l’Empire perse achéménide vers les jardins de Babylone, l’Égypte, Constantinople ou Grenade, est aussi une méditation sur l’espace, quand il se réduit au vestige ou à la trace, dans deux émouvantes œuvres contemporaines de l’artiste Stéphane Thidet.

De ce grand écart entre le passé et aujourd’hui, l’exposition nous conduit du jardin, nature humanisée et sublimée, vers le palais toujours ouvert aux fleurs, aux arbres, à la mélodie des oiseaux et aux parfums qui se diffusent entre les arabesques ajourées des moucharabiehs installés pour accompagner le visiteur dans cette promenade immersive. Là se jouent la comédie du pouvoir ou les rituels du plaisir dans ce va-et-vient entre le dedans et le dehors, l’ici et l’au-delà, l’éphémère et l’éternité. D’une pièce à l’autre, le parcours s’effectue sur le mode de la découverte à travers un riche éventail d’objets archéologiques, de documents illustratifs, de panneaux de céramiques, d’instruments de musique… Il faut saluer la scénographie qui nous transporte entre ombre et lumière, dans des récits esquissés avec leurs parts de rêve et de réalité pour un voyage où l’histoire se confond à la poésie. À travers ces instants qui se développent sur plusieurs siècles, une vision du monde transparaît en même temps qu’une architecture mentale, philosophique et civilisationnelle se construit. La relation jardin/palais en est la métaphore.

Au-delà de la richesse des objets présentés, il faut se laisser émerveiller par l’exactitude du graphisme de telle gravure ou par la qualité de la couleur dans telle illustration de la vie quotidienne. Cet univers témoigne d’un idéal, d’une perfection à la portée de l’homme, par son geste et sa pensée. Tout ici répond à une organisation parfaite dans l’aspiration d’un absolu. Certes ce n’est pas le réel qui est en jeu, mais plutôt l’image d’un paradis ponctué de feuillages stylisés, de roses et de jasmin dans lequel on se prend à rêver. Un voyage dans l’espace et le temps… à faire même sans tapis volant !

Jusqu’au 6 avr, Hôtel Départemental des Expositions du Var, Draguignan. Rens: hdevar.fr

photo : Vue de l’exposition Jardins et palais d’Orient © Département du Var

Tags: