
28 Jan Transe en danse
Présenté en première française lors du dernier Festival de danse de Cannes, Los Bailes Robados du sévillan David Coria, spectacle de flamenco rebelle et politique, investit la scène du Minotaure à Vallauris, le 7 février.
Strasbourg, 1518. Nous sommes en juillet, dans les rues étroites de la ville, une femme se met à danser sans raison apparente. Jour et nuit. Rapidement, elle est rejointe par d’autres femmes, des hommes et des enfants. En quelques jours, ils sont plusieurs centaines à avoir été « contaminés » par une fièvre dansante aux origines encore inconnues aujourd’hui. Cette choréomanie inquiète alors le pouvoir en place, qui décide de soigner le mal par le mal et dépêche des musiciens pour accompagner cette bande – qui n’a rien de joyeuse, puisqu’elle implore de l’aide – jusqu’à l’épuisement, et parfois la mort.
C’est de cette épidémie dansante, bien réelle, dont de nombreux auteurs, – parmi lesquels Jean Teulé le romancier (Entrez dans la danse) et auteur de B-D disparu en 2022 – et chorégraphes se sont emparés que David Coria s’inspire ici. Une histoire à laquelle il donne une autre dimension en puisant aussi dans le ballet Gisèle, œuvre dans laquelle les Willis, esprits féminins de la forêt, condamnaient les hommes à mourir en dansant. Sauf que dans Los Bailes Robodos, il inverse le propos du livret écrit par Théophile Gautier, estimant que ces Willis pourraient très bien être « un groupe de non-conformistes, en désaccord avec les normes établies » qui ne souhaitent rien d’autre que d’offrir la liberté par la danse. Aussi, dans la réflexion du Sévillan, les Alsacien.ne.s dansaient peut-être parce qu’ils n’avaient « pas le droit de crier. Et nombreux étaient les cris étouffés d’un peuple privé d’espoir, écrasé par les peurs, les incertitudes, les pressions sociales et religieuses« , explique-t-il.
Chorégraphe novateur et engagé, danseur virtuose et visuellement puissant, il est accompagné sur scène par 7 danseur.euse.s et musicien.ne.s, dont le maître du chant flamenco David Lagos et la violoncelliste Isidora O’Ryan, pour donner un spectacle s’appuyant tout autant sur la tradition de son art ancestral que sur les nouvelles perspectives que développe le flamenco contemporain. « Si je ne peux pas danser, je ne veux pas être dans votre révolution« , a écrit la militante anarchiste Emma Goldman. Avec Los Bailes Robodos, franc manifeste politique et libertaire, tel propos n’a jamais été aussi vrai.
7 fév, Le Minotaure, Vallauris. Rens: FB LeMinotaure06
photo : Los Bailos Robados © Esteban Abion