08 Oct Étancher sa soif d’apprendre
Jusqu’au 20 décembre, la Scène nationale Châteauvallon-Liberté déploie son Théma #50 – Soif d’apprendre, qui questionne notre rapport à la connaissance, à l’enseignement, à l’envie d’apprendre tout au long de la vie.
À l’ère de l’accès quasi instantané à l’information et au savoir (merci ChatGPT, moteurs de recherche, et autres plateformes en ligne), il s’agit moins de « tout » savoir que de cultiver un esprit critique, d’aiguiser notre curiosité, et de retrouver le « goût d’apprendre », que l’on soit enfant ou adulte, et que l’on parle d’éducation ou de pratiques culturelles. Aussi, la programmation de ce Théma conjugue spectacles, rencontres, projections, tables rondes et concerts, afin de croiser les regards – artistiques, pédagogiques, scientifiques – sur les notions de transmission, d’effort, de plaisir et de compétition.
Interroger l’éducation par le récit
L’un des temps forts de ce Théma #50 est bien entendu le spectacle Montessori, porté par Charles Berling et la metteuse en scène Bérengère Warluzel. Le parti pris est double : restituer l’esprit de la pensée Montessori (respect du rythme de l’enfant, autonomie, observation, liberté encadrée) tout en analysant le mécanisme d’adhésion à cette méthode chez certaines personnes. Le spectacle interroge la tension entre un modèle éducatif souvent idéalisé et les contraintes scolaires, sociales, et institutionnelles du quotidien. En confrontant les rêves pédagogiques et les réalités humaines, Montessori propose une mise en récit qui invite le spectateur à repenser ce que signifie « apprendre ».
Paroles d’ado
Pour rester dans le domaine scolaire, Le processus de Catherine Verlaguet et Johanny Bert, dont nous avions pensé le plus grand bien, sera justement présenté dans différents établissements de la métropole toulonnaise. On y suit Claire, 15 ans, enceinte, dans ses plus intimes pensées : doutes, dialogues intérieurs, échanges avec ses proches, questionnements autour de sa décision d’avorter. Le dispositif (casque sur les oreilles, écoute individualisée du texte) crée une proximité troublante avec l’intériorité du personnage. Le texte, sensible et douloureux, interroge aussi la capacité d’un théâtre à accompagner des dilemmes personnels profonds, et rappelle que l’apprentissage peut aussi être une épreuve, un chemin de transformation.
L’apprentissage de soi à l’ère numérique
À l’adolescence, apprendre, c’est aussi se forger une identité. Le spectacle To like or not, écrit par Émilie Anna Maillet, plonge dans cette tension entre réel et virtuel, entre ce qu’on « like » ou cache, et la construction d’une subjectivité permanente. Le projet, qui se déploie sous deux formats – le spectacle et l’installation immersive Crari or not –, y montre l’adolescence dans toute sa complexité : faux-semblants, jugements, silences, rencontres, ruptures. Quant au numérique, il se dévoile à la fois outil et trouble, espace de projection et d’aliénation. Une proposition illustrant la manière dont l’art peut « enseigner autrement » sans prêche, mais par expérimentation.
Le débat comme espace pédagogique
Ce nouveau Théma ne se limite pas aux formes artistiques : il convoque aussi l’expertise scientifique et la réflexion collective. Le 16 octobre, Mickaël Laisney, chercheur en neurosciences, s’interrogera : Comment apprendre efficacement ? Une conférence destinée à déconstruire certaines méthodes traditionnelles (le fameux « par cœur ») et à proposer des stratégies fondées sur la mémoire, la motivation, la construction de sens, et l’engagement actif de l’apprenant.
Le 20 novembre, la table ronde Quelles alternatives pour transmettre la soif d’apprendre ? réunira quant à elle plusieurs intervenants tels que Natacha Chicot, Michel Ferrandi, Nadia Hamidi et Sylvain Wagnon, pour débattre des voies possibles – formelles ou informelles – pour stimuler l’envie d’apprendre.
Comme il est d’usage lors des Théma, le programme est foisonnant. Et à côté de ces temps forts, on retrouvera d’autres spectacles « labélisé » Soif d’apprendre, mais aussi une exposition photographique, Récréations de James Mollison, posant un regard sur les cours d’école dans le monde entier, et plusieurs ciné-familles, dont l’excellent Être et avoir de Nicolas Philibert (sélectionné à Cannes en 2002, et César du meilleur montage en 2003), qui offriront des immersions dans des univers éducatifs concrets.
Bref, ce Théma #50 devrait pouvoir étancher notre soif d’apprendre, et de comprendre, selon des formats multiples : visuels, sonores, participatifs, réflexifs. De quoi satisfaire tous les publics, toutes les humeurs.
Jusqu’au 20 déc, Théâtre Liberté, Toulon & Châteauvallon, Ollioules. Rens: chateauvallon-liberte.fr
photo: Montessori © Guillaume Castelot – Châteauvallon-Liberté scène nationale