08 Oct La nature humaine, au cœur de la saison baroque
Pour sa saison 2025-2026, l’Ensemble Baroque de Nice, fondé et dirigé par le violoniste Gilbert Bezzina, explore les passions de l’âme au prisme de la musique des XVIIe et XVIIIe siècles. Huit grands concerts, des récitals gratuits et des projections pour une invitation à redécouvrir la musique baroque tel un miroir des émotions universelles.
« Mais vous savez bien que je suis incapable de m’attendrir sur les végétaux…« , écrit Charles Baudelaire dans une lettre adressée à son ami et homme de lettres Fernand Desnoyers en 1855. Heureusement, les temps ont bien changé, même si nombre de personnes affichent aujourd’hui encore cette même insensibilité … Ce texte, dans lequel le poète oppose la beauté des paysages à la grandeur – et aux petitesses – des hommes, a inspiré à Gilbert Bezzina la thématique de la nouvelle saison de l‘Ensemble Baroque de Nice : le directeur musical et violoniste a choisi de scruter ce qu’il appelle « la véritable nature« , celle des passions humaines.
De La colère à L’espoir, du Désir à L’amour, en passant par La joie, La surprise, La contemplation, ou La gratitude, chaque programme est conçu comme une exploration des émotions qui ont animé les âmes baroques, à travers les œuvres de Bach, Vivaldi, Haendel ou Rameau. Et les jeunes solistes de l’Ensemble, en véritables artisans de l’émotion musicale, y seront particulièrement à l’honneur.
Un parcours en 8 étapes
Après un prélude, le 3 octobre, avec un concert gratuit Tempêtes baroques et une journée de conférences Art-Science en partenariat avec le CNRS et l’IFREMER, la saison débutera le 17 octobre, en l’église Saint-François-de-Paule. A cette occasion, la fureur sera de mise en compagnie du contreténor Maximin Marchand, pour son premier concert avec l’ensemble : non pas en raison du tempérament du jeune artiste, mais parce qu’il interprètera des « airs de colère », ou aria di furore, ces morceaux lyriques spécifiquement composés pour exprimer des émotions intenses. Formé à l’ERAC (École régionale d’acteurs de Cannes et Marseille) – « comme devraient tous l’être les chanteurs lyriques », estime Gilbert Bezzina –, le chanteur déploiera toute sa puissance dramatique au Furibondo Spira il vento deHaendel ou la cantate Cessate Omai Cessate de Vivaldi.
La joie permettra ensuite de mettre du baume au cœur, le 14 novembre, avec la violoniste Federica Basilico, benjamine de l’Ensemble, qui a débuté dans ses rangs à l’âge de 15 ans ! Charismatique et curieuse, elle étudie aujourd’hui la viole de gambe et co-dirige par ailleurs L’Ensemble Les Emissaires. On l’écoutera cette fois en soliste, dans le Concerto RV 582 de Vivaldi, et en compagnie de la bande à Bezzina pour le Concerto pour deux violons de Manfredini.
En plein mois de décembre, Gilbert Bezzina et Laura Corolla s’empareront des sonates de Corelli et de la célèbre Follia de Vivaldi pour mettre en musique Le Désir, force motrice universelle selon le philosophe humaniste Montaigne. Un concert qui se tiendra à l’Église du Gesù, que l’ensemble n’avait pas investi depuis longtemps, et en présence du violoncelliste Frédéric Audibert qui prend toujours plaisir à revenir jouer avec un Ensemble qu’il a fréquenté par le passé.
L’année 2026 débutera par une Surprise ! Celle qui donnera l’occasion d’entendre, avec le claveciniste Arnaud de Pasquale, des pièces de deux des plus grands boss de l’histoire de la musique : Bach et Mozart. Leurs œuvres du jour dévoileront des éclats inattendus, telle la 1e Sonate pour violon et clavecin – « ou pianoforte« , précise Gilbert Bezzina – du compositeur autrichien. Car oui, à l’époque apparaissaient les premiers pianos, et notre cher Wolfie pouvait très bien l’interpréter indifféremment, avec l’un ou l’autre instrument. Deux « outils » qui, malgré la présence d’un clavier, présentent pourtant des mécanismes de jeu singulièrement différents.
À la veille de la Saint-Valentin, place à… L’Amour. Colin Heller, spécialiste d’un instrument idoine pour cette soirée, la viole d’amour, interprétera des concertos de Vivaldi, ainsi qu’une œuvre de sa propre composition : un concerto, en forme d’hommage contemporain au style de Bach, qui a reçu la note maximale lors de son passage devant les examinateurs de la prestigieuse Schola Cantorum de Bâle, où il s’est formé à la composition.
La Contemplation guidera ensuite le programme du 13 mars : véritables sommets violonistiques, les sonates et partitas de Bach côtoieront les duos de Leclair et Bartók, interprétés par Gilbert Bezzina et Laura Corolla. Tandis qu’en avril, La Gratitude sera à l’honneur, avec l’Offrande musicale de Bach et le Concerto pour deux flûtes de Vivaldi. Amélie Michel, qui a fait ses débuts et découvert le répertoire baroque avec l’ensemble niçois, partagera la scène avec son ancienne élève Zuzanna Dubiszewska, unissant ainsi trois générations de musiciens.
La saison se conclura le 22 mai sur des notes pleines d’Espoir. Jeanne Zaepffell, soprano française née à Paris dans une famille de musiciens, incarnera la voix d’Ulysse endormi dans l’œuvre d’Élisabeth Jacquet de la Guerre, alors que Haendel fera résonner son Ode à Sainte Cécile.
Le Palais Lascaris, écrin baroque
Nouveauté ! Le Palais Lascaris, lieu emblématique de l’art baroque à Nice, accueillera une série de concerts et récitals gratuits (sur réservation). Des solistes comme la violoniste Hélène Coloigner, le claveciniste et organiste Charlotte Marck ou le flûtiste Michel Quagliozzi y présenteront leur art dans ce cadre intime et classieux. C’est d’ailleurs dans ce palais que s’est tenu, le 24 septembre, la conférence de presse de lancement de saison, marquant la volonté de l’Ensemble d’ancrer encore davantage sa programmation dans le patrimoine vivant de la ville.
Un dialogue entre musique et cinéma
Enfin, comme chaque année, les concerts s’accompagneront de rendez-vous cinématographiques au cinéma Belmondo. Chaque projection entrera en résonance avec le programme musical : un film autour de la colère (Anora de Sean Baker), une réflexion sur la joie (L’art d’être heureux de Stefan Liberski), une méditation sur le désir ou encore une variation sur l’espoir (De grandes espérances de Sylvain Desclous)…
Exploration des passions humaines, mise en valeur de nouvelles générations, ouverture vers le cinéma et le patrimoine… Cette saison illustre à merveille la conviction de Gilbert Bezzina : c’est dans la Nature humaine que le baroque trouve sa force et sa modernité intemporelle.
Dès le 3 oct, église Saint-François-de-Paule, Église Saint-Martin – Saint-Augustin, Église du Gesù, Nice. Rens: ensemblebaroquedenice.com