08 Oct La passion selon Matisse
Le Musée Matisse de Nice et le Baltimore Museum of Art co-organisent une exposition consacrée au Chemin de Croix d’Henri Matisse, créé pour la chapelle du Rosaire à Vence. Jusqu’au 19 janvier 2026, et pour la 1e fois, 85 dessins préparatoires sont présentés d’un seul tenant au musée niçois, révélant une œuvre majeure mais méconnue du XXe siècle, menée à bien dans les dernières années du peintre.
Dans son testament, Henri Matisse précisa que la Chapelle du Rosaire resterait réservée au culte. À ses amis communistes étonnés de le voir décorer un lieu religieux, lui qui se disait anticlérical, il rétorqua : « Oui, je vais décorer une chapelle. Une chapelle, une salle des fêtes ou une maison de rendez-vous, quelle différence ? Je vais y mettre des fleurs partout. » Pourtant, de 1947 à 1951, il s’engagea obsessionnellement dans ce qu’il concevait comme une « œuvre d’art totale », pensée dans ses moindres détails : vitraux, céramiques, carrelages, autel, crucifix, chandeliers, nappe d’autel, chasubles… Rien n’a été laissé au hasard.
À l’origine de ce projet, l’amitié avec Monique Bourgeois, infirmière et modèle du peintre, entrée chez les dominicains sous le nom de sœur Jacques-Marie. Affectée à Vence en 1946, elle devint le trait d’union entre Matisse et le projet de la future église.
Si la renommée mondiale de la chapelle, fascinante par sa beauté épurée et baignée de lumière naturelle, est incontestée, il n’en fut pas de même pour le Chemin de Croix, qui offre un contraste radical avec les deux autres œuvres murales de la chapelle, et plus largement avec l’ensemble de la production picturale de Matisse. Ce panneau en céramique déroute par son style : un trait noir sur blanc, réduit à l’essentiel. Peu étudié, il embarrassa longtemps les puristes. Pourtant, Matisse y consacra un nombre d’esquisses et d’études préparatoires comme jamais il ne l’avait fait durant toute sa carrière. Selon le commissaire d’exposition Yve-Alain Bois, professeur émérite à l’université de Princeton et chercheur reconnu dans le monde de l’art, notamment pour ses travaux sur Matisse, le peintre se faisait lire un texte sacré pour chaque station, puis invitait un modèle à adopter l’attitude suggérée par le récit. Ensuite, il reprenait inlassablement ses dessins, seul, crayon à la main.
Cette première exposition entièrement dédiée au Chemin de Croix, co-organisée avec le musée de Baltimore – qui possède l’une des plus grandes collections de Matisse au monde, et accueillera l’exposition du 29 mars au 28 juin 2026 –, présente au total 85 dessins, issus des fonds du musée niçois, de la chapelle du Rosaire et de collections privées. Des œuvres complétées par des éléments d’archives retraçant l’évolution du projet, des premières idées à la réalisation finale, où l’on découvre les études multiples du maître, souvent à partir d’éléments d’œuvres connues.
« Pour Matisse, pour Baltimore, pour Nice, il fallait partager avec le plus grand nombre l’importance du Chemin de Croix conçu par l’artiste pour la chapelle du Rosaire, son originalité, sa modernité et sa dimension universelle« , souligne Aymeric Jeudy, directeur du musée Matisse. Les sœurs dominicaines de Vence ont prêté l’ensemble des dessins préparatoires du Chemin de Croix qu’elles conservent, mettant en lumière le legs inestimable d’Henri Matisse. En contrepartie, une exposition consacrée à Saint-Dominique se tient à Notre-Dame-du-Rosaire, avec des dessins prêtés par le musée Matisse pour la céramique du saint.
Henri Matisse. Chemin de Croix – Dessiner la Passion, 1er oct au 19 jan, Musée Matisse, Nice. Rens: musee-matisse-nice.org
Saint-Dominique, un pilier, 5 sep au 4 juil, Chapelle du Rosaire, Vence. Rens: chapellematisse.com
photo: vue de l’exposition © Ville de Nice – David Nouy