Retour de flamme

Retour de flamme

La crise sanitaire — qui n’est pas terminée — aura permis de prendre conscience de l’urgence de certains changements dans nos vies… Nous avons ainsi découvert un peu plus de la nécessité de prendre le contrôle de notre temps, comme certains ont pu l’expérimenter avec un certain bonheur pendant le confinement. De même nous commençons à voir que l’enjeu environnemental ressemble fort à l’enjeu social : les changements nécessaires sont inconcevables au sein de nos sociétés néo-libérales. Nous avons découvert l’existence d’un bouton «pause», nous comprenons qu’il ne sera jamais décidé par les États d’en faire un «stop». Notre chance sera peut-être d’avoir compris cela. Et il s’agit peut-être de l’une des dernières occasions, si l’on considère froidement les enjeux climatiques. Le confinement nous a aussi montré de façon simple et criante l’importance d’autrui. Du contact avec nos semblables. Du commun. Voilà de bien innocents constats. Pourtant, nous sommes loin d’appliquer ce principe de nécessité. L’exemple le plus criant est la situation dans laquelle la société tient ses anciens. Relégués en de tristes endroits qu’on n’appelle plus maisons de retraites, mais d’un ignoble acronyme technocratique (EPHAD), nous confinons depuis des années ceux que nous ne voyons que comme des ombres errantes dans l’antichambre de la mort. Cette logique — il serait trop simple de ne la qualifier que d’économique — c’est bien aussi celle d’un glissement culturel de relégation de ceux qui n’ont plus de potentiel productif, au sens capitaliste, qui est à l’oeuvre ; tout comme le névrotique est envoyé à l’asile ou en prison : nous ne supportons plus l’idée de la vieille qui bave un peu sous notre toit ou du fou qui déambule en psalmodiant dans le village. Drôle de coïncidence, ils ne peuvent produire. La coopération, c’est-à-dire l’entraide sur la base du volontariat, est pourtant la logique la plus efficace pour faire corps face à un mal qui nous affecte tous. Pourtant, ce que nous savions par les statistiques s’est rendu visible autour de nous, dans la rue, dans les entreprises, pendant cette crise : les travailleurs les plus nécessaires au fonctionnement de la société sont en général les moins bien payés. Et les plus inutiles, ceux qui peuvent cesser de travailler sans que personne ne les regrette, sont les mieux payés. Bref, tout cela devrait mener à rompre avec l’absurde et inique système qui dévalorise le plus utile et rémunère grassement l’inutile…