03 Nov Confinement, saison 2 épisode 1
D’ordinaire, je suis quelqu’un de globalement souriant, de bienveillant, bref, de “facilement” heureux si je puis dire. Mais ces derniers temps, ce en quoi je ne pense pas être le seul, il devient de plus en plus difficile de continuer à vivre béatement et de donner du sens à ce que l’on fait, lorsque l’on voit le monde qui nous entoure partir en cacahuète. Crise sanitaire, terrorisme, catastrophes naturelles, élections américaines, parcours de l’Olympique de Marseille en Ligue des Champions (!)… Les raisons de ne pas se réjouir sont nombreuses. La bienveillance dont je fais preuve habituellement s’étiole, tout comme ma confiance en l’humain, déjà bien entamée. Et ce ne sont pas les derniers événements qui vont mettre fin à cette spirale négative…
Jusqu’à présent, lorsque des choses me contrariaient, eh bien, comme beaucoup, je relativisais. Je me disais que demain irait mieux. J’en parlais à ma compagne, j’attendais le week-end pour décompresser, sortir, voir des amis, la famille… Si ma compagne est toujours là, pour le reste, il va falloir s’asseoir dessus pendant un petit moment…
Ce mercredi 28 octobre 2020, il était environ 20h10, lorsque notre Président nous annonça un nouveau confinement. Bien sûr, nous nous y attendions. Depuis quelques jours déjà, la perspective d’un couvre-feu élargi, voire d’un semi-confinement, était évoquée par les différents médias du pays. Mais tout de même… Se prendre dans la gueule une nouvelle période d’isolement, alors que le “traumatisme” du printemps dernier est encore tout frais, ce n’est pas évident.
Nous étions en train d’amorcer le n°334 de La Strada. Éplucher les mails, contacter les différents organisateurs, artistes, producteurs, faire des choix, construire un chemin de fer, et distribuer les sujets aux différents rédacteurs… pour rien. Une fois de plus, un nouveau numéro qui ne sortira pas.
Pour nous, à La Strada, qui faisons partie du secteur culturel, cette nouvelle claque est rude. Et ce n’est pas le discours du Président de la République qui va pouvoir nous rassurer. Pas une seule fois, le mot “culture” n’a été prononcé lors de son allocution mercredi dernier. Bien sûr qu’il y a des urgences à régler, et je le comprends, mais … pas une seule fois ! Pas un mot pour les centaines de milliers de personnes qui œuvrent à la diversité et à la cohésion sociale et culturelle du pays dans les théâtres, les salles de concerts, les salles de cinéma, les librairies… “La culture ne se limite pas aux objets culturels et aux lieux dans lesquels ils se partagent et s’échangent, c’est une émanation impénétrable qui met à la disposition des gens les outils utiles au développement de leur sensibilité, de leur personnalité et de leur individuation. C’est le conseil du libraire, le parfum d’une fleur, les légumes fraîchement récoltés dans le potager et cuisinés avec passion par le chef d’un restaurant, etc. C’est tout ce qu’Amazon, Netflix et leurs algorithmes, Auchan et ses plats surgelés ne sont pas en mesure de procurer”, écrivait très justement un libraire, il y a quelques jours, dans une tribune publiée par le journal Libération. On préfère caresser dans le sens du poil les quelques nantis qui possèdent l’essentiel des richesses mondiales, plutôt que de réfléchir à une solution qui ne contentera peut-être jamais tout le monde, mais qui soulagerait une majorité de la population. Ah si, pardon, ils en ont trouvé une de solution : empêcher les “gros” de vendre ce que les “petits” vendent aussi !
– « Vous savez quoi ? C’est le plus simple les gars hein !… De toute façon, ils s’en foutent tellement plein les poches d’habitude les copains. Et au moins, le populo ne nous accusera pas de faire du favoritisme…” J’imagine les discussions en off…
Bref, continuer de travailler lorsque vous faites un journal culturel papier 100% indépendant, sans aucune aide publique, financé à 100% par la publicité, pendant que vos sources et vos clients sont eux-mêmes confinés sagement chez eux, puisqu’ils font eux aussi partie de ce secteur culturel… eh bien, ce n’est vraiment pas évident ! Mais grâce à une équipe de pigistes (bénévoles, rappelons-le), La Strada va continuer à exister et à vous informer, sur le web ! Enfin une raison de se réjouir… Ces derniers temps, c’est chose rare.