[INTERDIT] Hybridation culturelle

[INTERDIT] Hybridation culturelle

Malgré ” l’interdiction ” faite aux lieux culturels de rouvrir (à nouveau) leurs portes ce 7 janvier 2021, et pour marquer (à nouveau) notre mécontentement, nous avons décidé de publier (à nouveau) les articles concernant les événements qui n’auront pas lieu, en apposant cette mention [INTERDIT] dans le titre. Nous n’avons plus envie de simplement nous adapter et de taire les efforts engagés par des centaines d’artistes, de programmateurs, de producteurs, de salariés du secteur culturel pour cette reprise. Leur travail est fait, le nôtre aussi… Pour rien !

Le collectif berlinois Slavs and Tatars travaille sur les contextes historiques et culturels ouverts par le chevauchement de l’Asie et de l’Europe. Il présente l’exposition Régions d’être à la Villa Arson jusqu’au 31 janvier 2021.

Pour les voitures comme pour l’art, l’hybride est à la mode. Marcher à la fois sur un bras et sur une jambe, penser avec un hémisphère gauche et un pied seront, n’en doutons pas, l’objet de recherches et de doctes conférences. Pour faire de l’art, mixons de l’humour, de la science, de l’histoire, de la géographie, de la religion, du politique et de la linguistique. On laisse aussi fermenter des cornichons et le parcours initiatique s’ouvre alors sur un drolatique mur de corps-nichons. Et puis, peut-être des sculptures, des images, des plans, des notes, des mots, des assemblages pour un grand bazar que nous propose le collectif Slavs and Tatars.

Mais l’hybridation étant de mise, l’aspect visuel, voire auditif, de l’ensemble requiert par ailleurs livres et conférences qui nous éclaireront sur ce grand écart entre le mur de Berlin et la muraille de Chine, là où les anecdotes et la petite histoire se confrontent à la pérennité des mythes et des constructions culturelles. Muni d’un mode d’emploi et de sa boite à outils conceptuels, le visiteur s’amusera de son soudain génie à découvrir que la terre n’est pas plate, que le temps n’est pas simple et que l’art l’est encore moins. Avouons qu’on ne s’ennuie jamais, chaque pièce réservant sa propre pirouette formelle dans une installation labyrinthique où l’intelligence et le gag jouent d’un parfait désaccord. Slavs and Tatars nous invite « à regarder ailleurs, au-delà des frontières, des idéologies et des croyances« . Et il est vrai que dans ce parcours déroutant, tout se fissure et que l’œil est ballotté d’une œuvre à l’autre comme une boule de flipper se cognant à des points lumineux. On s’amuse, on s’étonne. Et l’on a envie de rejouer la partie !

Jusqu’au 31 jan, Villa Arson, Nice. Rens: villa-arson.org

(photo : Slavs and Tatars, exposition Région d’être, 2020, Centre d’Art de la Villa Arson © Villa Arson)