Tout ça pour rien

Tout ça pour rien

Les jeux sont-ils faits ? La Culture doit-elle subir des interdictions pour lutter contre la pandémie ? Était-ce vraiment la seule solution ? Ne doit-on pas s’interroger sur ces transports publics et ces grands magasins bondés alors qu’on ferme des théâtres équipés et soucieux de la distanciation entre spectateurs avec une jauge contrôlée ?  Certains responsables de théâtres ont déposé un référé-liberté auprès du Conseil d’État, à l’instar des Églises de France, en espérant avoir, comme elles, gain de cause… Après tout, les théâtres ne sont-ils pas les temples de la laïcité ?

N’étant pas compétents pour en juger, nous avions bouclé notre édition n°334 quand le Premier Ministre a fait sa déclaration condamnant les salles de spectacle et les espaces culturels à ne pas rouvrir le 15 décembre 2020, contrairement à ce qui avait été évoqué quelques semaines plus tôt si les seuils de contaminations et d’hospitalisations envisagés étaient atteints… Tout le travail fourni par leurs équipes a été vain : remboursements, renégociation de contrats, changement d’horaires et de dates, etc., tout ce qui a nécessité des efforts incroyables, sans compter les investissements pour le matériel sanitaire, la perte de recette et de confiance du public.

Le bât blesse vraiment, car il semble que l’on ne considère pas la Culture sous ses deux aspects les plus importants : nous n’avons pas les chiffres exacts à ce jour, mais le secteur culturel employait en 2014 plus de 1 300 00 personnes, et représentait 7 fois le chiffre d’affaire de l’Industrie automobile… De plus, c’est un secteur économique qui ne comprend pas uniquement des métiers artistiques : catering, acousticiens, sérigraphe, fondeur… Pourtant, il n’est pas considéré sous cet angle. Ensuite, la Culture en France a une fonction essentielle : c’est grâce à elle que notre cohésion nationale existe, nous n’avons pas une identité nationale, mais une culture républicaine. C’est le fait d’adhérer à des idées qui constitue la nation et non pas la naissance. Ne pas réaliser que la consommation ne peut remplacer le lien social nous pose question. La vie culturelle n’intéresse pas que le loisir, elle assure une fonction bien plus essentielle qui a l’air d’échapper à certains de nos dirigeants, puisqu’ils la classent dans les activités non essentielles. Le shopping a l’air plus important pour eux, c’est là où le paradoxe nous choque quelque peu.

Aussi avons-nous décidé de publier malgré tout les articles concernant le travail engagé par ces équipes créatives ou qui gèrent des lieux culturels, et dont les événements n’auront pas lieu, en apposant la mention [INTERDIT] dans les titres !

Certains seront reportés, tandis qu’une autre partie doit hypothétiquement se tenir début 2021, mais sont à ce jour frappés d’une « clause de revoyure » en date du 7 janvier prochain, c’est-à-dire susceptibles d’être annulés en fonction du nombre de cas et d’hospitalisations dans les prochaines semaines… Nous nous contenterons donc dans l’immédiat de vous donner les dates frappées d’interdits, par des articles « obsolètes », « non essentiels » pourrait-on dire, tandis que d’autres papiers évoqueront des sorties de livres, de CD, ou des initiatives « autorisées » par le Gouvernement, comme les expositions en galerie ou les diffusions sur le web, et seront donc d’actualité.

Nous sommes impactés de la même façon que les lieux de Culture. Nous n’avons plus envie de simplement nous adapter et de taire tous les efforts vains qu’ont faits des centaines de salariés, d’artistes, de programmateurs, de producteurs pour essayer coûte que coûte de rouvrir le 15 décembre. Leur travail est fait, le nôtre aussi… Tout ça pour rien !