Nice : réouverture des lieux de Culture le 15 septembre 2021 !

Nice : réouverture des lieux de Culture le 15 septembre 2021 !

Le lundi 25 janvier dernier, les vœux au monde de la Culture de la Ville de Nice ont donné lieu à un tour de table avec quelques représentants de la Culture, lors duquel Christian Estrosi, Maire de Nice et Président de la Métropole Nice Côte d’Azur, a surpris tout le monde en déclarant que la vie culturelle reprendrait irrévocablement le 15 septembre 2021.

Il a défini ce jour comme « date irrévocable pour la réouverture de toutes les activités culturelles à Nice » et a également annoncé des mesures de soutien pour le secteur jusqu’à la reprise. En effet, « cela correspondrait au calendrier du gouvernement, qui s’est engagé à vacciner tous les Français d’ici le 30 août« , a déclaré Christian Estrosi. Mais cette perspective lointaine laisse profiler de longs mois encore sombres pour les cinémas, musées, théâtres et salles de concert… « Nous nous mettons au travail dès maintenant avec des cabinets spécialisés, des juristes, des constitutionnalistes » pour définir un protocole sanitaire strict et efficace, « qui fera des lieux culturels des endroits où le virus circulera moins que dans tout autre lieu de la vie quotidienne » et monter un dossier juridiquement solide. Les lieux de la vie culturelle niçoise (musées, théâtres, salles de cinéma…) peuvent déjà s’accrocher à cet objectif lointain de réouverture tout en gardant à l’esprit que nous sommes une des zones françaises les plus impactées par ce virus. Le maire de Nice, prenant exemple de l’Espagne où les lieux de culture n’ont jamais été fermés, et de l’Italie qui rouvre l’accès aux musées et annonce celui des lieux de spectacle dans le respect des règles sanitaires, a formulé la demande au gouvernement de réouverture immédiate des musées « selon le principe que tous les musées de France n’ont pas la même difficulté à gérer les flux que le Louvre et sa fréquentation hors normes. » 

Une programmation estivale ?

Le Maire a également proposé aux professionnels du secteur culturel, dans l’optique de nouveaux couvre-feux à venir, d’adapter les horaires de spectacle en fonction et de proposer, pourquoi pas, la tenue d’un « spectacle le matin ? Un opéra entre midi et deux ? (…) Le secteur y est prêt », a-t-il assuré. Par ailleurs, si les lieux clos accueillant la culture ne peuvent pas rouvrir cet été, cela ne signifie pas que les événements en extérieur seront forcément annulés. Christian Estrosi a d’ailleurs précisé lors de cette conférence de presse : « Nous travaillons d’ores et déjà au retour des grands événements de l’été comme le Festival du livre ou le Nice Jazz Festival. » Le premier événement doit se tenir fin mai, le second, mi-juillet. Pour ce faire, il demandera au gouvernement la mise en place d’un protocole Festival portant sur l’organisation et l’accueil du public, protocole pouvant ensuite être appliqué et adapté, localement, en fonction de la situation des territoires, entre les organisateurs, les préfets et les collectivités.

Christian Estrosi, Maire de Nice, lors de la table ronde en présence d’élus et d’acteurs culturels niçois, 25 janvier 2021 © Ville de Nice

Des propositions tous azimuts

Le tour de table a vu aussi des propositions intéressantes venant des acteurs locaux : le Théâtre de la Cité, par la voix de son directeur Thierry Surace, a proposé de mettre à disposition son local pour des résidences, car cela permettrait aux artistes de travailler pour le futur et à la Ville de soulager les théâtres privés de leur loyer afin d’organiser ces résidences. Échange de bons procédés où tout le monde serait gagnant. Thierry Surace a aussi évoqué la création d’une chaîne YouTube pour la Culture…

Frédéric Rey, responsable du centre culturel La Providence et du Théâtre de la Semeuse, qui possède un centre de loisirs, a proposé l’utilisation de ce dernier, en complément des écoles, pour des interventions de plasticiens, musiciens et autres créateurs dans un des derniers lieux de culture vivante à l’heure actuelle.

Sylvain Lizon, directeur général de la Villa Arson, a quant à lui évoqué l’impact de la crise sur les artistes émergents, sur la trajectoire de formation qu’il reçoive à la Villa : « Il faudrait fabriquer ensemble un territoire fertile avec la Ville, les collectivités, l’Université, pour faire de la place à ces artistes émergents, qui n’ont, dans cette période, pas d’événements ou de lieu pour exister. Déjà, en temps normal, ils doivent faire face à la pression foncière qui les pousse à partir vers Bruxelles, Marseille, Nantes ou Berlin. Il faut envoyer un signal extrêmement clair à ces artistes émergents, pour leur dire qu’ils ont leur place à Nice, qui est une terre d’accueil avec les ateliers du 109 notamment ».

Stéphane Brunello, auteur compositeur, interprète, estime qu’il faut « éveiller la curiosité sur les artistes locaux. Le fait de se grouper, de se fédérer, d’échanger nos idées va nous aider pour déboucher sur une visibilité… »

Quant à Gilles Marsala, délégué régional du syndicat national de producteurs de spectacles rock et variétés (PRODISS), qui a créé un groupe de travail avec les acteurs maralpins du spectacle vivant continue de travailler sur le territoire du 06 pour conseiller tous les acteurs locaux ainsi que les collectivités locales, afin de rendre possible une réouverture plus rapide des petites salles de spectacles et de pouvoir imaginer pour les plus « grosses machines« , structures importantes ou festival, une réouverture le 15 septembre qui, pour lui aussi, est une date cohérente : en raison de la prévision de vaccination de 75% de la population à cette date, mais aussi de la remise en marche qui demande du temps pour programmer et promouvoir des événements qui regroupent un public important.

Enfin, Stan Palomba, président de l’association Nissa la belle, a proposé de mettre à disposition l’atelier de cuisine niçoise pour des repas solidaires à destination des anciens et des étudiants en difficulté, mettant aussi en avant le patrimoine gastronomique niçois qui fait aussi partie de la Culture.

PLUS QU’UNE CRISE, UNE CATASTROPHE

Étant présent à cette réunion, non comme simple rédacteur de presse, mais comme chef d’entreprise culturelle, je me suis permis de faire remarquer que tous ces efforts étaient louables, que l’échange était riche et la mairie à l’écoute, mais que nous traversions une catastrophe et non pas une crise. Catastrophe, car au sens de Boris Cyrulnik, nous ne traversons pas une crise, qui une fois passée nous permettra de vivre dans le « monde d’avant », mais une réelle catastrophe qui changera nos comportements et qui nous forcera à une adaptation, car ce n’est qu’un début : les changements climatiques et certainement l’arrivée d’autres virus nous forceront à organiser la société autrement.

Aussi me suis-je permis de faire remarquer que la Culture est le lien social qui fait nation en République, c’est un principe qui a fait rayonner nos idées et notre pays à travers le monde. Voir nos dirigeants se permettre de classer la Culture comme « non essentielle » est inquiétant au niveau de la conception de notre société, car si l’on évacue le concept d’identité collective ou nationale, nous avons en revanche une culture qui nous lie, l’appartenance à des idées communes que l’on nomme citoyenneté. Comment expliquer cette faute si ce n’est en constatant un problème culturel chez qui décide pour le pays ?

D’autre part le « stop and go » affecte énormément le secteur de la Culture et pas seulement celui du spectacle vivant qui n’est qu’un des domaines de ce secteur économique, qui par ailleurs n’existe pas officiellement. En effet, aucune institution n’a réservé un domaine économique à la Culture. Pire, on divise pour mieux régner, car si les grands producteurs de tournées, les grands producteurs de cinéma ont été aidés, n’ont pas été pris en compte ceux qui diffusent et qui font la richesse et la diversité du tissu culturel français, symbole de notre excellence et de notre image de marque sur la Planète.

LES LIEUX CULTURELS, PAS DES FOYERS ÉPIDÉMIQUES

La Culture ne peut être considérée juste comme un loisir ou une distraction, elle est essentielle. Et si la gestion de la crise est une gestion de risque : ne valait-il pas mieux réserver la prise de risque pour la Culture que pour aller dans un grand magasin ? Ces derniers sont tous très bien équipés en services de drive, de click & collect ou de livraison. Comment se fait-il que certaines galeries marchandes aient pu organiser des concerts lors des vacances de Noël devant plus de mille personnes, ou la venue de Miss France avec un regroupement effrayant de public alors que les théâtres sont équipés pour de telles manifestations et qu’ils sont fermés ? À ce propos, j’ai signalé que deux expériences concluantes ont été menées à Leipzig et Barcelone avec évaluation épidémiologique et médicale de spectacles ayant accueilli du public en salle équipé de masques FFP2. La conclusion est sans appel : une salle de spectacle ne peut être un cluster, un foyer épidémique. Plus loin encore, une étude de Dassaut Industrie a modélisé avec une équipe médicale spécialisée et des ingénieurs, une salle de spectacle. Le résultat est encore plus probant : si la ventilation et les normes sanitaires sont respectées (masques correctement placés et pincés sur le nez, mesure de température, lavage des mains au gel hydro-alcoolique), on peut jouer sur scène devant une salle pleine sans aucun problème. La réflexion progresse enfin en France, puisqu’on envisage de se livrer une expérience du même type à Marseille et à Paris. Ceci viendrait appuyer la vision du Maire de Nice sur ce fameux dossier qu’il essaie de monter pour défendre le spectacle vivant. D’ailleurs, la Ville de Marseille organisera deux concerts tests en février. Un millier de personnes y seront attendues, avec le même objectif : étudier les risques de contamination à la Covid-19. C’est que la mairie phocéenne et ses acteurs culturels ont appelé « l’état d’urgence culturel ».

En fait, il faut souligner que les collectivités locales se préoccupent bien de la Culture, comme elles l’ont fait pour les masques, pour les couvre-feux, comme elles essaient de le faire pour les vaccins et que le gouvernement, comme à son incorrigible habitude, est en retard et à côté de la plaque.

Il est donc très clair que le problème ne vient pas des collectivités locales qui font ce qu’elles peuvent sur le terrain pour rouvrir les espaces de culture. C’est la stratégie même du gouvernement et ses choix de société qui peuvent être discutés. On l’a bien vu pour l’achat des masques, on le voit pour la vaccination : les gens de terrain ont tout de même été beaucoup plus réactifs que les instances nationales, Nice en est un bon exemple, la région PACA aussi.

QUELLE PLACE POUR LA CULTURE EN FRANCE ?

Nous soutiendrons bien entendu toutes ces initiatives et ces acteurs, mais cette catastrophe est un révélateur pour nous d’un grave problème français : la place de la Culture dans la société, mais aussi dans l’économie, ne peut être traitée comme elle l’est en ce moment. Nous ne pourrons pas accepter encore très longtemps une vision qui nous impose métro-boulot-dodo, shopping en grand magasin, travail, écoles transformées en garderies, confinement et absence de concertation. Bien entendu, une épidémie est en cours : encore faudrait-il que le gouvernement le reconnaisse pour que les assurances pertes d’exploitation fonctionnent et que le droit d’exception cesse de nier le droit commun et les libertés publiques. À ce propos, les assurances annulation excluent la Covid-19 comme cause acceptable depuis janvier, comme l’a fait remarquer Gilles Marsala, gérant de la société Directo Productions. Le mépris de la Culture est un mauvais signe laissant place à la confusion qui, toujours dans l’Histoire, a été la première pierre pour ériger les murs du populisme et du totalitarisme.

Le tour de table organisé lors de ces vœux nous laisse un espoir, pas seulement de réouverture, mais de démocratie, car la concertation ainsi organisée le 25 janvier nous semble être la seule solution démocratique et républicaine.

Nous souhaitons la poursuivre avec un colloque annuel qui pourrait nous rappeler la place du lien social, c’est-à-dire de la Culture, dans notre pays. Pour ce faire, discutons du statut économique des « fabricants de lien« , des entrepreneurs culturels : spectacle vivant, cinéma et vidéo, presse, communicant, plasticiens, littérateurs… mais aussi tous les métiers non-créatifs, mais essentiels pour la Culture, et ils sont légions. Discutons aussi sur le contenu que développent ces métiers et leur adaptation à cette catastrophe et celles à venir. Ces contenus seront peut-être un jour notre salut, car l’on voit bien que la conception uniquement économique de la société ne peut convenir à l’Humain qui a une nécessité impérieuse : la considération de l’entretien du lien social, pour que le vouloir-vivre commun cher à Ernest Renan, la cohésion sociale, nous permettent vivre encore très longtemps ensemble et en liberté.