
30 Mar La Chanson de Lorànt
On a sacrément besoin d’énergie et de mouvement ces derniers temps et le moins que l’on puisse dire c’est que Lorànt Deutsch incarne le bouillonnement. Dans son spectacle Romanesque, joué en direct d’Anthéa le 25 mars dernier, le survolté retrace ainsi au grand galop la folle histoire de la langue et des mots.
« Ce n’est pas comme cela que l’on doit voir le théâtre », rappelle en préambule Daniel Benoin le directeur d’Anthéa. Mais c’est notre manière de rester avec vous et en contact avec vous ». Place alors au 9e spectacle retransmis en direct du théâtre d’Antibes pour les abonnés, avec quelques professionnels de cet art et des collaborateurs d’Anthéa dans la salle, afin d’encourager le « seul en scène ».
Romanesque, de et avec Lorànt Deutsch, est une épopée coproduite par Anthéa, créée d’ailleurs dans la salle Pierre Vaneck du théâtre antibois et jouée pendant un an à Paris.
Lorànt Deutsch déboule en scène et tel un professeur d’histoire, certes atypique, s’accompagne d’un fauteuil club en cuir, d’une carte et d’un écran qui s’animent au fil de la foule des vraies informations et des digressions et autres anachronismes humoristiques.
« Un pays comme la France ne peut vivre sans poésie ! Et qu’est-ce qui définit un peuple et ses origines ? Sa religion ? Sa couleur de peau ? Le fait de vivre dans son pays de naissance ? Pour moi, ce qui définit indéniablement un peuple, c’est sa langue, c’est ça notre identité. Je vous propose un petit voyage pour savoir comment on est arrivé à parler le français à partir du latin de Jules César ». Vaste programme !
À partir de là, et pendant près de 2 h, c’est un véritable tourbillon avec ce guide au débit incroyable qui nous emmène tour à tour chez les Romains, les Gaulois, les Grecs, les Francs, auprès de Clovis, Charlemagne, Hugues Capet, Marco Polo, au cœur des croisades, mais qui convoque aussi le hongrois, les footballeurs, Lionel Messi, Mbappé, le match de légende France-Allemagne de 1982 (!), la fête de la bière, les gilets jaunes, Orelsan, Stéphane Bern, Jane Birkin, Harry Potter, Elton John, les « sans-dents », les tontons flingueurs… Lorànt Deutsch n’hésite pas non plus à se déguiser afin de mieux illustrer son propos.
Ça va tellement vite que Lorànt Deutsch lance : « ça va, c’est clair ? J’ai bossé hein ? 1 an de confinement, j’ai pu travailler ! ». Le nombre de données à la minute est tout bonnement décoiffant. Le compteur affiche que près de 700 personnes suivent cette odyssée électrique derrière leur poste.
Le spectacle se termine sur la chanson Respire de Gaël Faye. C’est à présent le temps des questions des spectateurs sur l’esperanto ou encore les anglicismes. « Je les attendais depuis des mois ces applaudissements ! », s’émeut Lorànt Deutsch. « On n’est pas acteur dans sa salle de bain ! Merci à la volonté et à l’amour de Daniel Benoin et de sa famille. On a besoin de vous le public. Ça fait vraiment du bien de voir des yeux braqués sur soi ».
Lorànt Deutsch en profite pour rendre hommage à Jacques Frantz « qui vient de nous quitter, un grand acteur qui était, entre autres, la voix française de Robert de Niro, de Mel Gibson… »
Conscient de la tornade qui allait suivre, Lorànt Deutsch a annoncé en boutade que son spectacle était « sponsorisé par Doliprane ». Un spécial « mots de tête » effectivement !
Une petite histoire dans la grande
Romanesque, c’est lui ! Lorànt Deutsch est né d’une mère roumaine, et d’un père d’origine hongroise. « Le hongrois est la seule langue que le diable respecte », cite-t-il pour en évoquer la difficulté. Après une licence de philo, il suit un cursus « langue et civilisation hongroise ». On l’a compris dans le spectacle, Lorànt Deutsch est fou de foot — il a fait sport-études au Football Club de Nantes. Il est également passionné par les enquêtes, l’histoire bien sûr, et il a prêté sa voix pour divers médias (dessins animés, reportages, séries radio…). En tant que comédien de films, acteur de théâtre, il a endossé nombre de rôles historiques : Mozart, Jean de la Fontaine, Nicolas Fouquet, Jean-Paul Sartre… Il a connu une forte popularité grâce à son livre Métronome, l’histoire de France au rythme du métro parisien, soit 5 ans de travail en collaboration avec Emmanuel Haymann, un écrivain, historien et biographe suisse francophone. Après cette première collaboration, se sont ensuivis Métronome illustré, Métronome 2 et… Romanesque. Lorànt Deutsch a également publié Hexagone et Hexagone illustré, sur le mouvement des peuples, et une série de BD Histoires de France, en collaboration avec Sylvain Runberg pour le texte et Eduardo Ocaña pour le dessin…
(photo Une : illustration extraite de la couverture de l’ouvrage de Lorànt Deutsch, Romanesque © éditions Michel Lafon)