03 Juin Monomythique
Pascal Mono est un des rares musiciens français à avoir fait un pied de nez au show-business populiste… Majors ou chaînes de TV mainstream, personne n’est parvenu à le soumettre. Il a été chez eux, mais n’a jamais lâché. C’est presque de l’entrisme. Il ne s’est jamais contenté de déclarations, il l’a fait et a su rester libre. Il a pris son destin en main, avec des potes, pour continuer sa vie, comme un road movie vécu « plein gaz ». Il sort une version remastérisée de Dustynations qui vaut le détour et mérite le respect.
Au lieu de se morfondre sur l’absence de concerts depuis plus d’un an, Mono en a profité pour sortir Dustynations Remastered. Dans les bacs et sur toutes les plateformes depuis mai dernier, il a également produit trois clips, toujours chez le même label indépendant : NDH Music, fondé Misslin (Mano Negra, NTM). Mono renoue aussi avec Philippe Paradis, le guitariste et compagnon de route de l’époque bénie où ils écumaient ensemble le Sud dans les 90’s avec le batteur de Scorpions pour mentor… Depuis, chacun a fait du chemin — Paradis a réalisé des albums pour Thiéfaine, Christophe, Daran, entre autres, et Mono a écrit 4 albums… Ils se retrouvent pour magnifier le travail de prise de son et de mix du réalisateur Stephan Blaëss (Eno, Fela Kuti, Led Zeppelin…). Loin d’une réédition, on y retrouve pourtant les mêmes musiciens et ce son si particulier, puissant, finaud…
Rock, blues, pop, « Mono l’unique » (comme l’a qualifié Patrick Eudeline dans Rock’n’Folk) transcende les genres et envoie balader le sectarisme et les marchands de « soupe ». Il a eu le courage d’opter pour la liberté artistique, depuis sa rupture de contrat avec Mercury / Universal. Prenant le temps de laisser retomber la poussière, le « dusty » man reprend les thèmes éternels de l’existence chers au rock : vie, mort, amour, sexe et violence… Tout cela en 9 titres ciselés à la slide, à l’électrique crunchy, à l’éternelle six-cordes acoustique ramenée de New York et avec une Gibson « Studio » dealée dans la rue !
Cet album a une histoire atypique : de retour de son road-trip irlandais, de Dublin à Belfast, histoire de prendre l’air et après plus de 300 dates en France et en Italie, Mono rencontre alors Bono. Le même soir, il se fait inviter par des hommes d’affaires américains, à jouer à New York au B.B.King Club ! Après dix jours « initiatiques », sur les traces de ses maîtres, il en revient, avec un « anglais de feu » ; plutôt la langue de Bowie accrochée que celle de Shakespeare un peu trop classique. Il écrit et maquette une vingtaine de titres, en garde 10, évitant de nous resservir les éternelles faces B, et autres remplissages inutiles… C’est de l’extrait, du « stretto », qu’il a concocté avec Dustynations, album sans fard ni hypocrisie. Au-delà du jeu de mots des « destinations » de tout voyageur libertaire qui se respecte, le natif du Vieux-Nice nous parle des « nations de poussières » (« dusty nations »)… « L’impression majeure que j’ai aujourd’hui, c’est que les pays, l’humanité, les nations, nous tous sommes en retard sur le planning ! Je croyais encore qu’on était là pour trouver le bonheur. Au lieu de ça : hypocrisies, violences sous toutes ses formes, verbales, physique, racisme, sexisme, phobies de toutes sortes, isolement, je passe la liste, il n’y a jamais eu autant de pain sur la planche», nous confie-t-il.
Mono, nous emmène de Foundations à Big Time de sa voix toujours plus chaude, qui n’est pas sans rappeler un certain Léonard Cohen sur le dernier titre. Dustynations Remastered s’écoute en mode canapé-whisky ou dans la bagnole, il nous a donné envie de vous en parler. Pascal Mono est un libertaire, brut et non formaté. Dans cette période où la musique sert d’ambiance au restaurant (lounge music) ou de fond sonore dans les ascenseurs, il est agréable de renouer avec un songwriter de chez nous qui reste fidèle au rock si loin de ce monde d’après où les algorithmes fabriquent des émotions synthétiques… Tant pis pour Les points, mettez les gaz avec lui.
Dustynations Remastered
Pascal Mono
Ndh Music