17 Juin TNN : L’été en pente douce
Pendant que vous lisez ces quelques lignes, la vie reprend ses droits, tandis que l’été s’installe un peu partout, dans les coeurs, dans les sandales, sur les terrasses. LES TERRRRRRAAASSES comme on dit en Nissart, en faisant durer le mot aussi longtemps qu’une anisette sirotée au soleil, en faisant gronder le R comme un torrent de sève grivoise, et en chantant le A comme un énorme fou-rire grasseyant, de ceux qui nous secouent entre copains, quand on devise de tout et surtout de rien. La saison estivale du Théâtre National de Nice, entre autres plaisirs, bat son plein et participe à la fête. Dix spectacles sont encore à voir, en juin et juillet, et il y en a pour tous les goûts.
Côté jeunesse, Julien Cottereau joue un clown qui joue à être un cirque à lui tout seul dans aaAAhh Bibi, soit un embarquement immédiat sous les grands chapiteaux de l’enfance. Tandis que Sofia Betz et les Belges de la Cie Dérivation délivrent un Petit chaperon rouge hilarant, qui réjouira les accompagnants autant que les pitchouns.
Côté danse, évènement de taille avec La Mégère Apprivoisée présentée par les Ballets de Monte-Carlo, dans une scénographie de notre Niçois Ernest Pignon-Ernest. Le spectacle, créé initialement pour le Bolchoï (et lauréat de trois Masques d’or tout de même), est un véritable terrain de jeu pour les solistes, libres ici de mettre leur art dramatique aussi bien que leurs pas au service du lyrisme shakespearien.
Côté théâtre, en cet été si doux, un vent de tragédie antique au parfum d’inattendu souffle sur le TNN. Il y a d’abord une tragédie grecque… du XXe siècle ; C’était un samedi, ou l’histoire de la déportation des Juifs de Grèce, les Romaniotes. Petite et grande histoire se mêlent à la suite d’Irène Bonnaud, et des nouvelles de l’écrivain Dimitri Hadzis, de manière saisissante pour ceux qui ne connaissent pas cette culture à cheval entre toutes les antiques ramifications de l’Europe et de l’Orient… Un beau voyage en amnésie à travers des chants romaniotes oubliés.
Il y a ensuite la tragédie grecque comme on la connaît, et comme on l’aime. Noire. Sanglante. Implacable. Celle qui nous fait nous sentir tout petits face aux turpitudes des Dieux, et à la fois immenses, par la force de notre libre arbitre et de nos passions. Pas de Sophocle, d’Euripide ni encore moins d’Eschyle, chez Simon Abkarian. Certes, il nous propose Electre (des bas-fonds), mais réécri par lui-même, à la manière d’une fable féroce. Affranchi de ce qui a déjà été dit, et écrit, il en garde la substantifique moelle (régicide ! parricide ! malédiction…), dans une mise en scène emportée entre jeu, danse et musique.
Enfin, dernière forme originale pour ces tragédies antiques que l’on chérit, tant elles sont nobles : la marionnette. La Cie les Anges du plafond formule une métaphore subtile : les marionnettes sont aux mains des marionnettistes-démiurges ce que l’Homme est aux mains du destin et des Dieux… Par le biais d’une scénographie originale (respectivement une arène, puis un radeau), les artistes permettent au spectateur d’avoir vue sur « les ficelles » et ceux qui les tirent, dans leur diptyque, Une Antigone de papier et Au fil d’OEdipe. Si, dans le 1er volet, on assiste à la révolte d’une jeune Antigone seule contre tous, dans le second, on suit les errances d’un jeune OEdipe perdu… perdu en lui-même ? À travers l’ensemble de la fresque, on plonge dans les grands mythes fondateurs en contemplant les secrets arcanes cosmiques, imprégnés d’une atmosphère baignée d’imaginaire et de poésie.
LE TNN HORS LES MURS
Signalons également la tenue, pour le deuxième été consécutif, de spectacles en extérieur ! Si nous ne connaissons pas encore le programme détaillé à l’heure où nous écrivons ces lignes, sachez que le TNN vous donne rendez-vous devant son Kiosque, dès le 1er juillet, avec les Contes d’Apéro, propositions théâtrales, musicales ou dansées, gratuites et quotidiennes, et à partir du 15 août, dans différentes villes de la région, pour 10 représentations de L’Ecole des Mères de Marivaux, mise en scène par Muriel Mayette-Holtz, la taulière du TNN.
Rens : tnn.fr
(photo : Electre (des bas fonds) © Antoine Agoudjian)