Le petit chat n’est pas mort

Le petit chat n’est pas mort

Marivaux répondit à L’École des femmes de Molière, 50 ans plus tard, avec une École des mères plus légère, plus optimiste, mais toujours bien engagée. À la Marivaux quoi ! Cet été, c’est Muriel Mayette-Holtz qui s’y colle, en faisant de la pièce une fête bucolique. Le TNN bouge donc hors les murs, à Nice et dans plusieurs communes du département, ainsi que tous les soirs d’été devant son kiosque pour quelques Contes d’Apéro

Non, Angélique n’est pas Agnès ! Certes, elle est aussi proprement cloîtrée par sa mère qui la couve comme une bête de concours, pour la donner à terme au plus « sécurisant » des maris. Entendez par là, brader sa virginité contre monnaie sonnante et trébuchante à un vieillard. En revanche, Angélique ne compte pas plier l’échine et s’en tenir à la résignation, résumée toute entière dans un « petit chat est mort ». Tout d’abord, il faudrait déjouer les subtilités rhétoriques de Madame Argante, sa mère, qui ne présente pas les choses de manière si triviale. Elle cherche quelqu’un qui n’exalterait pas l’inconstance de sa fille, qui prendrait le chemin d’un mariage vertueux, c’est-à-dire ennuyeux à vous faire espérer l’extrême-onction avec impatience. C’est mal connaître le cœur des jeunes filles… D’où le titre pied de nez, sans doute, de L’École des mères.

Il y aurait en effet beaucoup à apprendre à observer les petites filles et à respecter leur libre-arbitre. L’heureux élu choisi par la génitrice ? Il est beaucoup moins du goût de la donzelle qu’Eraste, son fils. Avec la complicité des valets et servantes, voilà un imbroglio bien amorcé, qui nous fait sauter à pieds joints dans la ronde des malentendus chers à Marivaux. Ici, on rit, et on égratigne à fleurets mouchetés, là où Molière taille à coups de sabre dans le charme très discret de la bourgeoisie…
C’est entre moutons et herbes folles que Muriel Mayette-Holtz plantera avec son équipe le décor de cette comédie de mœurs : Augustin Bouchacourt, Jonathan Gensburger, Frederic de Goldfiem, Pauline Huriet… et Mister Gérard Holtz à l’habillage musical. L’ensemble interprété dans une ambiance années 30. Pourquoi ? Parce que cette époque compte parmi les plus rigides, pour les droits des femmes, dans l’ère moderne. La guerre frappe à la porte, dans toute l’Europe le chaos monte, et la famille se recroqueville sur elle-même, étouffant ses filles au passage. Le « travail-famille-patrie » n’est pas si loin, et si le propos de la pièce nous paraît inoffensif aujourd’hui, croyez-nous, il est drôlement transgressif. Pensez donc, une histoire où la jeune fille refuse ce qu’on lui impose, où l’amour triomphe, et qui débouche néanmoins sur un happy end…

L’École des Mères : 19 au 29 aou, Nice, St Etienne de Tinée, St Martin de Vésubie, Clans, Aspremont, Villfranche, Beaulieu / Les Contes d’Apéro : jusqu’au 15 aou 19h, Kisoque du TNN, Nice. Rens : tnn.fr

(photo : répétition de L’École des Mères au TNN © Léa Saboun)