Réjouissances ciné-queer

Réjouissances ciné-queer

Un doux vent de cinéma souffle régulièrement sur la Côte d’Azur. Le mois de mai est celui du festival de Cannes, quand le Covid ne vient pas jouer les trouble-fête, pendant que le mois de septembre célèbre ses Rencontres Cinématographiques In&Out. Plus longues, plus accessibles, mais aussi plus spécialisées, elles arrivent à la rentrée pour (r)éveiller les azuréens avec un programme terriblement pointu à faire pâlir le géant Cannois.

Si la rentrée rime souvent avec la fin des beaux jours et des vacances, elle est parfois synonyme de fête, de joie et de culture. C’est d’une manière étonnement tranquille que Benoît Arnulf, directeur artistique des Rencontres cinématographiques In&Out, s’avance, lui, vers le mois de septembre. Et pour cause : cette fois, aucune emmerde avec le Covid à déplorer, et aucune censure malvenue de la part de Facebook n’a entravé la préparation de cette édition dont la programmation fait déjà saliver. Que dis-je, pas une, mais trois éditions ! Est-il bon de rappeler que le festival phare dédié aux films Queer se décline dans trois villes de la Côte d’Azur ? À Cannes, on fête son 10e anniversaire avec un beau cadeau, à savoir l’exploitation du nouveau Cinéum dont les salles sont équipées de technologies de pointe. À Toulon, le petit dernier ne bénéficiera pas cette année du partenariat avec le Théâtre Le Liberté. Le festival, dans la version où il s’était tenu l’an passé, reviendra en 2022. Mais pour ne pas laisser les Toulonnais sur leur faim, Les Ouvreurs maintiendront la partie cinéma avec de nombreuses projections.

Des films, des films, des films…

À Nice, la doyenne des différentes éditions du festival ouvrira le bal, le 9 septembre. Une 13e saison qui reprend les codes de la précédente avec une rétrospective de l’immense réalisatrice Catherine Corsini à la Cinémathèque. « La question LGBT+ est toujours plus ou moins présente dans ses films« , explique Benoît Arnulf. Qui plus est, « la quasi-totalité de ses personnages principaux sont des femmes et elle a tourné avec les plus grandes. » Dont Marina Foïs, à l’affiche de la dernière Queer Palm, La Fracture, projeté à Nice, Toulon, mais surtout à Cannes – où la réalisatrice sera présente. Le tout en avant-première. Une histoire entre deux femmes qui se retrouvent un soir à l’hôpital suite à une manifestation des gilets jaunes. Une histoire entre amour et violence… Cinq films de Catherine Corsini seront à voir au total.

Les avant-premières seront même monnaie courante. Comme lors de l’ouverture du festival niçois : A good man, qui raconte la grossesse d’un homme Trans dont la compagne ne peut pas avoir d’enfant. Marie-Castille Mention-Schaar, la réalisatrice, sera présente lors des trois projections. Autre long-métrage à ne pas manquer – vous n’aurez aucune excuse, il est lui aussi à l’écran des trois villes : Great Freedom, de Sebastian Meise. Prix Un Certain Regard à Cannes, il traite de la répression de l’homosexualité dans l’Allemagne de l’Ouest, qui a sévi jusqu’aux années 80. On y suit Hans, d’incarcération en incarcération, soumis à l’effroyable paragraphe 175 du code pénal qui déclarait son orientation sexuelle comme il-légale. Enfin, toujours en avant-première, comment ne pas parler de No hard feelings, de Faraz Shariat, prix LGBT du festival de Berlin. Le film narre l’histoire d’immigrés iraniens homosexuels, établis en Allemagne, mais menacés d’expulsion vers leur pays d’origine où il ne fait pas bon être homo…

Uner Pride, des débats, des ateliers…

In&Out, ce n’est pas que du ciné. C’est aussi des échanges, une réflexion, une ouverture d’esprit… Mille et unes questions trottent dans la tête des organisateurs et les réponses se trouvent peut-être chez les invités ou les participants. Cette année, à Nice, Benoît Arnulf et sa troupe réfléchiront à « la manière dont les corps sont pensés et montrés dans la communauté Queer. » Est-ce qu’elle peut repousser les limites en termes de normes et de représentations ? Éléments de réflexion autour de la table ronde Corps (im)possibles à la Villa Arson où seront présents Barbara Butch, DJ et activiste féministe/lesbienne qui milite notamment contre la grossophobie, Antoine Idier, sociologue et historien de l’art et de la sexualité, et deux cinéastes qui traitent de la question des corps : Jean-Gabriel Périot et Alexis Langlois, dont les films seront à l’affiche. Retour à Reims, pour le premier, qui raconte en archive une histoire intime et politique du monde ouvrier français des années 50 à nos jours. Fanfreluches et idées noires, pour le deuxième : un after un peu étonnant où la joie laisse peu à peu place au désespoir.
Mais que seraient les Rencontres In&Out sans leur versant festif, sans ce grain de folie qui les habite chaque année. Si Toulon accueillera bien une Pride, sa 2e Marche des fiertés, le 25 septembre, les organisateurs ont souhaité que nous nous amusions encore un peu plus… Pour ce faire, In&Out nous entraînera à la découverte du Voguing. Késako ? Une danse dont l’histoire remonte au New York des années 90. Des personnes Queer et de couleur ont désiré se manifester dans l’espace public et s’approprier une identité. Aucune origine ancestrale au Voguing : ces artistes se sont inspiré des poses des mannequins en couverture du magazine Vogue (d’où le Voguing, héhé !) pour créer une danse de toute pièce. Puis, ils se sont réunis dans des « houses », dirigées par une « mother » qui n’est pas forcément une femme, pour s’affronter en battle. Le photographe et journaliste Xavier Heraud a couvert l’une de ces houses et présentera son exposition photo Voguing : Welcome to the ball à la Librairie Vigna de Nice. L’un de ses documentaires est également au programme : Hold that pose for me. Et cerise sur le gâteau : le journaliste ne viendra pas seul. Le danseur Nunoy animera un workshop ouvert à tous, aux danseurs étoile comme aux danseurs de salles de bain – comme moi.

9-18 sep, cinémas Le Rialto, Le Mercury & Cinémathèque, Nice / 26-28 sep, cinémas Le Royal (Toulon), Six N’Étoile (Six-Fours) & Francis Veber (Le Pradet) / 30 sep-4 oct, cinéma Les Arcades & Cinéum, Cannes. Rens : FB rencontresinout & lesouvreurs.com

(photo Une : expo Voguing – Welcome to the ball © Xavier Héraud)