Merci Jean-François

Merci Jean-François

« Soyons fous, exigeons l’impossible… » La devise du Che, si chère à Jean-François Roubaud, ne pourra s’appliquer cette fois. Jeff nous a quittés. Nous perdons un grand journaliste, un homme de cœur, un militant progressiste, mais surtout un camarade, un ami et même un cousin, comme on dit dans nos quartiers du Sud !

Avec lui s’en va l’un de ceux qui ont contribué à faire de LA STRADA ce qu’elle est aujourd’hui. Il eut la sympathie de glisser la première version du journal et ses quelques numéros à Michel Comboul, alors PDG de Nice Matin. Un geste qui nous a permis de profiter d’un « vaisseau porteur » pendant deux ans et de le quitter quand Hersant arriva… Nous ne le remercierons jamais assez de ce coup de pouce.

« J’ai fait trois mois de droit et tout le reste de travers », se plaisait-il à lancer pour déballer son parcours. Journaliste, chef d’agence, syndicaliste, et même président du conseil de surveillance du groupe Nice-Matin, Jean-François était avant tout un homme de cœur, un grand amoureux des enfants, des femmes, des gens en général, mais aussi de la musique, de la littérature et du cinéma. C’est avec ce cœur qu’il mena le combat pour sauvegarder son journal et ne pas laisser « l’obscurantisme financier engloutir cet héritage de la Résistance qu’est Nice-Matin ». Ses mots étaient redoutés d’ailleurs par ses ennemis, ses opposants, mais aussi ses amis, lui qui était capable de la même intransigeance envers les voyous comme les puissants, envers la gauche comme la droite, et pire pour l’extrême droite.

Jean-François, c’est aussi cette foi et cette force de conviction qui lui permit de fédérer pour traverser la période la plus difficile de Nice-Matin. Syndicaliste pragmatique du SNJ (Syndicat National des Journalistes), il avait su rallier, bien avant 2010, les journalistes et tous les salariés de Nice-Matin pour repousser le groupe prédateur de Robert Hersant qui voulait dépouiller « son » journal. Plus tard, en 2014, il était toujours au front pour épargner un carnage social et avait initié une aventure inédite dans l’histoire de la presse régionale en France : la reprise d’un canard par ses propres salariés, marquant sans aucun doute l’histoire contemporaine du groupe Nice-Matin et de la région. Un exemple dans cette dévolution qui a vu huit oligarques s’approprier 80% de la presse française. L’autogestion n’était plus un rêve, il avait permis qu’enfin, on le vive.

Comme le reconnaît la rédaction du quotidien niçois, SON quotidien : « Journaliste d’investigation à l’incroyable carnet d’adresses, observateur avisé du monde qui l’entourait, Jean-François Roubaud n’aimait pas les idées reçues, les a priori, les facilités et les raccourcis de l’information, refusant en permanence de mettre les gens dans des cases.

Jeff était sur tous les fronts de l’actualité, surtout là où on ne l’attendait pas. Pour offrir un regard pertinent et décalé sur le monde qui nous entoure. Il aura trempé sa plume aiguisée avec la même aisance aussi bien dans le tapis rouge du Festival de Cannes que dans le sable du désert libyen à l’occasion des printemps arabes. Et souvent pour rapporter des scoops à la une de Nice-Matin. Toutes les histoires l’intéressaient, il était resté curieux des petites et des grandes. »

Il est même parvenu à réaliser un rêve qui lui tenait à cœur : organiser un festival de rock, un beau, un grand festival, pour toutes et tous… N’écoutait-il pas en boucle New Order, Joy Division, Oasis, LCD Soundsystem et Gorillaz ? Il aimait le foot, il donnait envie de vivre à quiconque l’approchait tant il croquait la vie à pleines dents. Fidèle en amitié, toujours speed, ne lâchant jamais l’affaire, il avait en même temps un côté sensible qui a fait de lui ce personnage adorable, bourré de talent, généreux qui était devenu le catalyseur d’une partie des forces créatives de cette région.

Gageons qu’il retrouve Guillaume Bertolino, son frère d’armes au Royaume des Anges, ils ne sont pas loin, ils veillent sur notre Baie. Gardez-moi une place pour pouvoir pantailler avec vous et boire un coup pour transformer le Paradis en bar des amis…

Evelyne Pampini, Michel Sajn et toute l’équipe de La Strada présentent leurs plus sincères condoléances à ses trois filles Coline, Lisa et Thélénia, à Marjorie, son épouse, à ses sœurs ainsi qu’à ses parents, à ses amis et à ses proches.