Juste un doigt

Juste un doigt

Du théâtre napolitain, à mi-chemin entre la commedia dell’arte et le cinéma de Fellini… C’est La Scortecata, de Emma Dante, que Théâtres en Dracénie accueille les 21 et 22 octobre !

Il est des artistes que l’on suivrait jusqu’au bout du monde, quelle que soit la route empruntée. Emma Dante en fait partie, parce que la Sicilienne réunit dans chaque création fougue, verve, imagination sans bornes, mais aussi goût de la vérité. La tête est dans les étoiles, mais les pieds sont ancrés dans le sol… Humble et patiente comme l’artisan, cent fois sur le métier Emma remet son ouvrage, pour nous délivrer des pépites scénographiées au cordeau et follement libres à la fois, dont on se dit : « voilà, ça, c’est de l’art vivant« .

Elle avait déjà par le passé, pioché du côté du folklore de son île natale. Cette fois-ci, c’est dans un vieux conte napolitain, venu de la tradition orale et signé Giambattista Basile, qu’elle farfouille. Et comme elle avait utilisé la langue sicilienne sur scène, craignant la dilution de l’esprit de sel avec la traduction, aujourd’hui, c’est dans un Napolitain truculent et haut en couleur, rabelaisien sur les bords, qu’elle présente La Scortecata. Vous n’en perdrez pas une miette, tant les deux comédiens, Carmine Maringola et Salvatore D’Onofrio, interprètent le récit à la perfection, entre mime, Commedia dell’arte et éructations roucoulantes.

Deux vieilles sœurs, presque centenaires, aussi moches et rabougries que des vieux pruneaux (il se chuchote qu’elles étaient déjà moches jeunes), vivent dans une masure isolée. Il y a du conte de Grimm dans l’ouverture, même si on est dans le Sud… Passe par là, le roi, qui entre autres « qualités » est fort porté sur la gaudriole. La maisonnette l’affriole, il comprend – on ne sait pourquoi – que de jeunes beautés y résident, et le voilà contant fleurette aux nonagénaires, à travers la porte. L’une d’elles, joueuse, y passe juste un doigt, un petit doigt coquin qui finit d’enflammer l’imagination du souverain, déjà amoureux à la vue du bout de menotte et des promesses sensuelles que tout cela lui évoque. De là, on embarque dans une farce teintée de merveilleux sur le jeu de l’amour et du hasard, et surtout sur l’illusion. Car bien-sûr, une sorcière s’en mêlera, transformant récit, vieillardes et masure en pure féérie…

21 & 22 oct 20h30, Théâtre de l’Esplanade, Draguignan. Rens: theatresendracenie.com

(photo : La Scortecata © ML Antonelli)