Impressions maritimes

Impressions maritimes

Après une carte blanche, il y a 6 ans, Emmanuel Régent revient à l’Espace A VENDRE pour investir en solo la totalité des espaces de la galerie niçoise avec l’exposition Les silences de Maeterlinck.

L’artiste installé entre Villefranche-sur-Mer et Paris, débarque à Nice, sa ville natale, avec une ribambelle de créations, parmi lesquelles un ensemble de Mes Naufrages, morceaux d’épaves récupérés sous l’eau en apnée. « Mes Naufrages sont de simples morceaux de bateaux que je collectionne depuis une dizaine d’années. Équipé simplement de mon masque et d’un tuba, je pars régulièrement à la recherche d’épaves en fibre de verre qui n’ont aucune valeur marchande, des morceaux travaillés par l’érosion jusqu’à devenir les fresques d’une histoire et sur lesquels je n’interviens pas. Je les choisis simplement pour les ressortir tels qu’ils étaient au fond de l’eau comme des tableaux offerts à mes yeux à chaque fois incrédules. Il ne s’agit là que de simples embarcations récentes et modestes qui pourraient également symboliser l’horreur des drames qui se jouent ailleurs, puisqu’elles ont aussi sombré quelque part en Méditerranée…« . Cette nouvelle vision nous rappelle en effet que la Méditerranée est devenue le plus grand cimetière humain marin depuis quelques années sous le regard goguenard des puissants de ce monde et cela devient réellement le « naufrage de l’espérance ». Pour Emmanuel c’est aussi la célébration de l’eau que l’on retrouve un peu partout, à mon sens. L’accrochage de ces « restes » tous alignés à mi-hauteur rappelle cette notion de ligne de flottaison, ce dessus-dessous, ce lien entre ciel et terre ou l’eau sert d’arbitre.

Emmanuel Régent, Le naufrage de l’espérance, 2018, Cristal de Saint-Louis (Hermès), 50 x 50 x 27 cm, vue de l’exposition © S. Guillemin

Pour l’espace Château, c’est La Tempête en mer – et le silence qui suit – qu’il est parvenu à installer dans ce lieu particulier : « Le ciel et la mer visibles de mon atelier à Villefranche-sur-Mer. Ces aquarelles de coucher de soleil sont réalisées directement sur le motif jusqu’à ce que le soleil devienne silencieux. Je ne perçois que les lueurs colorées et les variations des teintes sans voir le cercle du soleil masqué par le cap de Nice où vivait Maurice Maeterlinck (écrivain francophone belge, prix Nobel de littérature en 1911). Durant une heure ou deux, je peins à l’eau sur papier ce qui représente pour moi Le dernier soleil. Je travaille les teintes du ciel couchant sans aucun détail, sans aucun autre motif ajouté aux variations de la couleur. Il s’agit de représenter à la fois l’impossible beauté de ce paysage, la difficulté d’affronter un sujet aussi présent dans l’histoire de l’art et un des plus importants clichés populaires de carte postale. C’est pourquoi je choisis ensuite l’aquarelle qui me semble la plus intéressante pour la déchirer en morceaux comme un aveu d’échec, une tentative perdue d’avance qui sera dispersée telle une lettre d’un amour impossible…« . L’accrochage ici semble aussi respecter une « ligne de flottaison » avec ces morceaux de mâts célèbres et cette idée de Tempêtes. La mer, la Méditerranée, qui n’est pas le propos central, semble pourtant imprégner de plus en plus ce géant créatif. Quant aux œuvres en cristal qui sont le résultat du travail de verriers qui comptent parmi les meilleurs de la Planète, il y a là aussi comme un « échantillon » de mer, comme si inconsciemment Régent la partageait avec nous. Etrange et délicieuse impression dont il ne parle pas, mais qui m’a permis de flotter. Dans l’air ? Dans l’eau ? Difficile d’y répondre, mais avec une sensation de liberté, de zénitude, comme si je faisais la planche, en contemplant le monde. Merci Emmanuel.

Jusqu’au 4 déc, Espace A VENDRE, Nice. Rens: espace-avendre.com

(photo : Espace À Vendre, Art Contemporain, Nice – Emmanuel Regent – Les Silences De Maeterlinck – Vue-Chateau © S. Guillemin)