Dans un verre d’eau ?

Dans un verre d’eau ?

Peter Brooke himself sera aux manettes de Tempest Project, nouvelle lecture de La Tempête de Shakespeare à Théâtres en Dracénie. Une version rêvée, condensée, et voulue comme métaphysique à l’infini. Car ce qui compte ici, au-delà de péripéties plutôt délirantes, c’est bien la dimension symbolique et la force de chaque figure.

Cette ultime œuvre de Shakespeare est une pièce envoûtante, qui déroute parfois. Le ton est celui d’une comédie fantastique, sombre et divertissante, tirant vers le conte moral. Cela fait beaucoup ! C’est aussi l’une des œuvres les plus jouées du dramaturge, car son charme n’a échappé à personne. Pourtant on a du mal à la cerner totalement. Si on n’ajoute pas un élément principal, le pouvoir qu’a exercé le fantasme de l’ile lointaine sur l’auteur, on perd en substance. N’oublions pas que les grandes explorations étaient toutes fraîches au siècle où se déroulait la pièce, et que le récit de l’échouement de Magellan sur une île semblable, ainsi que les Caraïbes dépeintes par Montaigne dans ses Essais, passent pour avoir été sources d’inspiration chez l’auteur.

Et nous, que ferions-nous si nous devions à notre tour jouer les Robinson ? Question que nous nous sommes vraisemblablement mille fois posée, depuis l’enfance. Il y a quelque chose de l’introspection ultime dans cette idée. Shakespeare élève le propos demandant « pourquoi« , ce qui implique une morale et une causalité. Pourquoi Prospero, duc de Milan, survit à un naufrage avec sa petite Miranda à la suite d’un complot ? Pourquoi sur ce banc de sable perdu au milieu des océans, trouve-t-il Ariel, esprit de l’air, et le terrible Caliban, démon de la terre, qu’il parvient tous deux à assujettir grâce ses dons de sorcellerie ? Pourquoi un souverain-magicien subit-il une telle épreuve et quel vent joueur attire dans ses filets ses ennemis, auteurs de la conjuration ?

De là, Prospero, échoué depuis 12 ans sur son nouveau petit royaume sauvage, s’amuse avec les naufragés, avec l’aide de ses esclaves surnaturels, et tire les ficelles comme un marionnettiste. Les uns ont atterri d’un côté de l’île, les autres de l’autre, d’où surprises en cascade… Miranda et Fernando tomberont amoureux, Antonio demandera pardon pour sa faute, et tout finira bien, finalement. Car nous sommes dans une comédie pleine d’indulgence et d’humanité, où l’on questionne l’âme, mais où l’on ne sévit pas. Alors suivons les pas de Peter Brooke et de Marie-Hélène Estienne dans cette nouvelle revisite que nous espérons plus magique que jamais.

13 nov 20h30, Théâtre de l’Esplanade, Draguignan. Rens: theatresendracenie.com

(photo : Tempest Project © Pascal Gely)