Une dystopie ? Vraiment ?

Une dystopie ? Vraiment ?

Geoffrey Le Guilcher est journaliste indépendant. Il est l’auteur de trois ouvrages d’immersion, dont Steak Machine, récit édifiant sur son infiltration dans un abattoir industriel, et Flic. La Pierre Jaune est son premier roman.

Collaborant régulièrement avec Le Monde, Médiapart ou encore Le Canard Enchaîné, Geoffrey Le Guilcher est aussi co-fondateur de la maison d’édition Goutte d’Or, spécialisée en littérature et grands reportages immersifs. C’est elle qui a édité ce roman qui cette fois nous immerge dans une France frappée par un attentat contre une centrale nucléaire. Au moment où l’on veut en construire 40, il est temps d’y réfléchir plus sérieusement…

Février 2024. Deux avions s’écrasent sur l’usine nucléaire de La Hague. L’explosion de la centrale, située à 300km de Paris et de Londres, plonge l’Europe dans le chaos. « Un attentat contre l’usine nucléaire de La Hague serait au moins 7 fois plus grave que Tchernobyl. » Cette hypothèse admise par l’État français devient réalité dans la dystopie de Geoffrey Le Guilcher. La Pierre Jaune raconte l’histoire de Jack Banks, un policier chargé d’infiltrer une communauté d’acti-vistes, les “Jauniens”, sur la presqu’île de Rhuys. Après l’attentat, le gouvernement français contraint Jack à rester sur place pour démasquer les auteurs du crime, qui ne sont pas ceux que l’on croit. Ce scénario cauchemardesque nous entraîne dans le quotidien d’un groupe d’activistes abandonnés en zone radioactive, frappée par des pluies toxiques alors que toute la Bretagne a été évacuée. Le personnage de Jack Banks est inspiré par le policier anglais Mark Kennedy qui a infiltré des milieux anarchistes pendant 7 ans.

Les personnages sont à la fois charismatiques et attachants, et soulèvent des questions importantes : comment survivre en zone radioactive ? Faut-il fuir le plus loin possible ou rester calfeutré chez soi ? Le danger vient-il de la radioactivité, ou bien des autres survivants ? Geoffrey le Guilcher nous plonge dans l’horreur d’une Europe ravagée par le nucléaire. Une histoire captivante et bien documentée sur le nucléaire français, qui tient le lecteur en haleine et le met face à ses peurs les plus sombres. Cet ouvrage qui s’appuie sur des rapports très sérieux repose sur une hypothèse que beaucoup de responsables ne veulent pas admettre, car si la possibilité d’un attentat est prévue par l’État, il ne tient compte que d’une opération menée par des avions ou des objets volants légers. La Hague est non seulement une centrale nucléaire, mais aussi un lieu d’enfouissement de déchets radioactifs très important.

Cet ouvrage nous éclaire aussi sur le double langage du nucléaire, comme Pierre Messmer qui parle de « l’indépendance énergétique » quand il pense puissance nucléaire et bombe… Bien entendu, en pleine transition énergétique, beaucoup de politiques parlent de construire de nouveaux réacteurs de type EPR, sans prendre en compte le danger, sans prendre en compte le coût et les problèmes futurs pour des dizaines de siècles qu’entraînera l’enfouissement des déchets. Cette dystopie pose des questions philosophiques quant à la notion de morale en cas de catastrophe, et nous informe sur les « tabous d’État » et sur les options à court terme que représente le nucléaire. Ces solutions, qui semblent par-fois plus simples, condamnent en fait les générations futures à en subir les conséquences.

Geoffrey Le Guilcher – La pierre jaune (La Goutte d’or)

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