03 Mar Dessine-moi une fleur
Nassima Reutlinger dessine des fleurs pour cette 13e édition de Femmes en scènes qui s’ouvrira du 3 au 13 mars au Théâtre Francis Gag à Nice. L’artiste utilise une méthode originale, le light painting, pour mettre en valeur ses modèles avec la complicité du photographe Jilam. Leur série, Dessine-moi une fleur, sera exposée pendant tout le festival aux côtés du travail d’autres artistes et photographes. Une création poétique qui joue avec la lumière, le modèle et le hasard. Rencontre avec la lumineuse Nassima Reutlinger.
Vous participez pour la 2e fois à Femmes en Scènes, quelle est votre touche artistique à cette 13e édition ?
J’aime beaucoup le conte philosophique du Petit Prince, mais il reflète beaucoup son époque. Mon seul repère féminin dans l’histoire de Saint Exupéry, c’est cette rose envoutante et immobile. Dessine-moi une fleur, c’est la suite du Petit Prince avec un focus sur les femmes, d’autant plus que le festival Femmes en Scènes montre bien notre grande diversité. Jilam et moi avons passé avec chacune d’entre elles des moments inoubliables et enrichissants. Dans un contexte de confinements asphyxiants et de psychose générale, c’est une bouffée d’oxygène de rêver en trio entre Jilam à la photo, moi au dessin et le modèle, au centre de notre créativité. Et si je devais dessiner un mouton pour Le Petit Prince, cet animal aurait de grandes cornes serpentines pour défendre sa liberté.
Comment avez-vous rencontré Françoise Nahon ?
En 2021, Françoise Nahon voyait ses efforts et son festival Femmes en Scènes repoussés d’un an avec le confinement. Je lui ai proposé d’ouvrir notre projet de light painting aux artistes de son festival afin de les mettre en lumière. Je devais exposer mon travail de croquis et d’aquarelles de modèle vivant, Mémoire de corps. Au final, notre série en light painting a été choisie.
Qu’est-ce que le light painting ?
Il s’agit d’une technique qui repose sur une fixation longue de la lumière car par définition, la photographie est une fixation de la lumière sur le capteur mais sur des fractions de secondes. Les poses longues peuvent durer plusieurs secondes. Il faut être dans l’obscurité sans quoi la photo est cramée. Cela permet de fixer en quelques secondes un dessin à l’aide d’une lampe torche. J’aime explorer de nouveaux outils de peinture à l’instar de l’aquarelle et du dessin. Le light painting me permet de lâcher prise en dessinant aveuglément et en quelques secondes. Le résultat final de l’objectif est toujours une surprise.
Vos réflexions sur l’évolution des droits des femmes en France…
Les femmes ne sont pas assez représentées dans l’art et leurs créations passent sous silence alors que beaucoup y ont consacré leur vie. Il y a un nouveau souffle avec des médiatrices et médiateurs culturels qui luttent pour les mettre en avant et briser le silence. Mais il règne encore une léthargie du public qui ne s’intéresse un peu trop souvent aux artistes femmes qu’à travers leurs romances avec de « grands artistes ». Dans le travail, c’est la même chose, il faut se battre pour y arriver. Quand j’étais stagiaire, mon directeur artistique me disait que je n’étais bonne qu’à faire des copier-coller. Fort heureusement ce n’était pas un visionnaire, car à l’heure actuelle, je peux prétendre être créative. On accorde toujours plus de crédit et de confiance à un homme dans le monde professionnel. Nos salaires sont plus bas, nous avons moins d’opportunités et lorsque nous fondons une famille, s’ajoutent les contraintes quotidiennes. Il faut éduquer les garçons et les filles à se respecter, mais l’esprit de compétition des entreprises n’aide en rien cette inégalité. Aujourd’hui je n’attends plus de validation sociale. J’essaie juste de me dépasser et d’apprendre chaque jour, car peindre et créer me rendent plus vivante.
Exposition Dessine-moi une fleur de Nassima Reutlinger: vernissage en présence de l’artiste, 5 mars 17h30, Théâtre Francis Gag, Nice. Rens: reutlinger-art.com & femmesenscenes.com
(photo : Light painting de Nassima Reutlinger, avec Emilie Jobin © Jilam)