[Spécial femmes] Ciao Bella Ciao

[Spécial femmes] Ciao Bella Ciao

Teresa Maffeïs nous a quittés le 4 février 2022. Si l’on doit rendre hommage à une femme, c’est bien elle. Cette militante qui lutta pour les droits des migrants, des enfants et des femmes, le droit au logement, l’écologie, qui allait chercher les enfants roms dans les camps pour les scolariser, etc., a connu un parcours politique et humain exceptionnel. Nous adressons notre soutien à ses proches et sa famille.

Teresa Maffeïs est née en 1949 à Orléans d’une famille nombreuse d’immigrés italiens. Elle est étudiante à Nanterre, et n’a que 19 ans, lorsqu’elle commence sa lutte. Nous sommes en Mai 1968… Une vingtaine d’années et de nombreux combats plus tard, elle co-fonde l’Association pour la Démocratie à Nice (ADN) pour protester contre la candidature de Jean-Marie Le Pen aux élections régionales à Nice. Elle fut aussi l’une des principales opposantes de la gauche alternative et écologiste à Jacques Peyrat qui devint maire de Nice après avoir milité au FN de 1973 à 1994. Éternelle révoltée, Teresa Maffeïs a lutté contre « toutes les injustices« , comme elle aimait le répéter. A ceux qui la qualifiaient de militante, elle répondait qu’elle ne faisait que « faire ce qu’il y avait à faire » et ne comprenait pas qu’il puisse en être autrement. Elle s’est battue pour aider les défavorisé·es, résidants ou migrants, sur tous les fronts de la justice, du logement, de la précarité. Son humanisme ne se cantonnait pas à des discours, mais se vivait sur le terrain, avec ceux qu’elle défendait, comme le montre son dernier ouvrage, écrit en collaboration avec Aurélie Selvi et paru en 2020 : Les Sentinelles, Chroniques de la Fraternité à Vintimille, journal de bord de l’aide apportée aux réfugiés à la frontière italienne. Pour Aurélie, « Teresa était un peu une punk » ! Avec son côté « ultracash, à vouloir toujours de l’art et de la poésie partout. Elle était très affectée par la noirceur, même si dans le fond c’était quelqu’un de très drôle, très festif« , souligne la journaliste. Alors, « après son départ, nous restons ses obligés« .

En fervente citoyenne qui tenait à participer aux affaires de sa ville, elle assistait aux conseils municipaux, maîtrisant les dossiers « sensibles ». Sa plume était redoutée tant elle était alerte et incisive. Si bien que l’ancien maire Peyrat, la surnomma « la punaise verte » ! Frêle silhouette, toujours de vert vêtue, on ne pouvait pas la manquer. Bien entendu, cette couleur était celle de l’écologie et des alternatifs, mais elle se plaisait à répondre qu’elle revêtait cette couleur, car elle a « grandi dans une famille nombreuse, et comme nous n’avions pas d’argent, les parents achetaient des vêtements tous de la même couleur pour les garçons et les filles…« . C’est avec son compagnon dans la vie et dans tous les combats, Guy Ouillon, qu’elle formait ce que leurs proches qualifiaient de « duo formidable » : elle, l’activiste, et lui, le taiseux qui documentait, archivait, rédigeait. Ils montèrent une petite boîte de production maison, Le Radis Calciné, grâce à laquelle ils réalisèrent des courts-métrages poétiques et grinçants.

Teresa Maffeis réfléchissait sur son engagement humanitaire et soulignait l’absence de relève parmi la nouvelle génération dans le journal Le Ravi : « On veut changer le monde. Mais jusqu’à présent, les partis politiques ou les syndicats ne s’emparent pas de ces questions. Dans le meilleur des cas, ils accompagnent les actions. Même dans les rangs des militants, il y a de moins en moins de relève. Quand je vois la moyenne d’âge dans les réunions, on a intérêt à vivre vieux ! Si les gens savaient la richesse que ça apporte de rencontrer des personnes d’autres pays, d’autres cultures… Moi ça m’a beaucoup enrichie. Mais les gens ont peur qu’on leur prenne leur temps« .

Elle n’ira plus à Vintimille, plusieurs fois par semaine, avec ses conserves et ses vêtements à distribuer. C’était les seules fois où elle ne s’habillait pas en vert, pour passer le plus discrètement possible la frontière, trop connue qu’elle était de la police des frontières. Mais qu’importent les risques, le tout était d’aider… Pour ta mémoire, nous continuerons le combat. Ciao Bella Ciao…

(photo : Teresa Maffeïs © DR)

Les femmes sont des actrices de la culture, qui reste un des meilleurs vecteurs pour lutter contre les violences qu’elles subissent et la régression de leur condition à l’heure actuelle. À l’occasion de la Journée Internationale pour les Droits des Femmes, retrouvez les portraits de quelques-unes d’entre elles ! Ci-dessous les autres textes de ce dossier :
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