[Spécial femmes] Maryam Rousta Giroud, le cinéma au féminin

[Spécial femmes] Maryam Rousta Giroud, le cinéma au féminin

Depuis L’Odyssée du Cinéma, Biennale des Arts qui célébra en 2019 le 7e Art à Nice, la Direction du Cinéma de la Ville de Nice et les Studios de la Victorine sont devenus un fleuron culturel. Déjà sous l’impulsion d’Odile Chapel, cette activité s’était structurée de manière importante, avec la Cinémathèque de Nice, en collaboration avec Henri Langlois. Quant à la cité azuréenne, elle est, et reste, depuis bien longtemps une destination prisée par nombre de productions grâce aux Studios de la Victorine, et tout simplement grâce à sa beauté. Une nouvelle directrice a récemment été nommée : Maryam Rousta Giroud. Nous l’avons rencontrée.

Une amoureuse de Nice et du cinéma

La féminité a marqué et marque encore le 7e Art à Nice. Ce n’est pas un hasard. Maryam Rousta Giroud est issue d’une famille iranienne très cinéphile, pourtant son parcours est atypique. Elle a suivi une partie de ses études à Nice, puis à la Sorbonne – Paris, et a passé son doctorat d’économie à Sophia Antipolis. Une trajectoire qui l’a ramenée finalement vers sa passion : le cinéma.

Sa famille étant francophile, elle a, dans sa prime enfance, reçu un enseignement dans une école où les cours étaient dispensés aussi bien en iranien qu’en français. Il faut dire aussi qu’elle passait tous ses étés à Nice, avant de s’y installer définitivement avec toute sa famille, après la « révolution » iranienne. Leur adaptation n’en fut que plus facile. Cette double culture est pour elle une vraie richesse.

Elle est très attachée à la ville, tout comme le reste de sa famille, et indique être très fière que ses deux filles y aient vu le jour. « À défaut d’être Niçoise par mes parents, je le suis devenue grâce à mes enfants« . D’ailleurs, quand elle se rend à la cinémathèque, elle est toujours émue : « Ma mère était abonnée à la Cinémathèque de Nice, je recevais le programme. Que je puisse occuper ce poste aujourd’hui, cela me touche beaucoup. Je me rends compte de la chance que j’ai aujourd’hui de travailler ici, dans cette structure fréquentée jadis par ma mère, et ce pendant de nombreuses d’années. »

Être décideur au féminin

N’oublions pas que Nice a connu un nombre important de femmes dans son histoire cinématographique, comme Alice Guy, qui en son temps a fait un véritable audit de la Victorine ainsi qu’une des premières études de marché pour développer ces studios. Mais la direction du cinéma elle-même, et la cinémathèque en particulier, furent fondées par une autre femme d’exception : Odile Chapel qui, alors qu’elle était étudiante fonda la Cinémathèque de Nice grâce à l’aide d’Henri Langlois en personne.

Le challenge était donc double : prendre leur suite dans une direction qui aujourd’hui regroupe la Cinémathèque, le Bureau d’accueil et de promotion des tournages et les Studios de la Victorine, mais aussi diriger tout en restant femme. Car « une femme est un peu trop dirigiste, ou trop sévère, ou trop stricte, tout de suite, on lui colle des étiquettes. On parle souvent de femme hystérique quand une femme pousse une gueulante… Chose que l’on critique moins chez l’homme ! Mais c’est vrai que je suis contente d’être à ce poste-là, c’est un exemple que je veux donner à mes filles, à toutes les filles, montrer qu’on peut aller toujours plus loin… » Elle a appris à gérer, à diriger sans illusions sur ses propres défauts, à décider dans la concertation, dans la participation, en continuant d’ignorer comment un homme pourrait le faire, mais en pratiquant tant qu’elle le peut la pédagogie.

Ses objectifs

Mariam Rousta Giroud poursuit les objectifs que la Ville s’est fixés. Elle travaillait auparavant pour la Ville de Cannes. Bien entendu, le cinéma est devenu un point d’orgue tant culturel qu’économique pour Nice, depuis la reprise des Studios de la Victorine et la fameuse Biennale d’Art autour du cinéma. Qui plus est le développement prend une importance accrue quand on connaît les ambitions niçoises, notamment sa candidature posée pour le titre de Capitale Européenne de la Culture. Des ambitions si fortes que la destination audiovisuelle des Studios de la Victorine a été sanctuarisée au Plan Local de l’Urbanisme métropolitain. Il s’agit de dynamiser le secteur ! Mais comme elle le dit, elle a la chance de pouvoir appliquer un projet pour le site qui a été approuvé par le Comité Victorine – coprésidé par Costas-Gavras et Eric Garandeau ! Elle peut aussi compter sur l’appui et l’implication du directeur général adjoint à la Culture et au Patrimoine, Thomas Aillagon, et à l’équipe qui l’entoure.

Quant à la cinémathèque, les possibilités de développement sont nombreuses : organisation de mastersclass prestigieuses, événements… Elle y travaille, mais développe aussi le travail en collaboration avec les autres directions de la Ville de Nice, à l’image du Concert du Nouvel An qu’elle a co-organisé avec l’Opéra. Bien entendu, la démolition du Palais Acropolis, où se trouve l’actuelle Cinémathèque, pose aujourd’hui la question de la localisation de la nouvelle Cinémathèque. À ce sujet, des arbitrages sont en cours. Si la Direction du Cinéma et des Studios travaille régulièrement avec les autres services de la Ville, elle est également en contact étroit avec le tissu associatif niçois très riche dans le domaine du cinéma et de l’image. Les actions « hors les murs » l’intéressent beaucoup, car c’est un moyen pour elle d’aller vers les gens : ce qu’elle a fait l’été dernier, avec les projections de plein air qui ont connu un franc succès auprès du public. Bref, elle veut diffuser par tous moyens !

Mais quand on parle de développement, on ne peut évincer le problème de la formation et de la création. Pour elle, il est important de concrétiser les échanges initiés par Eric Garaudeau avec l’École Nationale Supérieur Louis Lumière. Meilleure école technique de cinéma en France, elle est aussi une véritable institution du cinéma à l’instar de la Victorine. Mais avec le bel avenir promis à cette dernière, l’ENS a décidé d’y proposer des stages de formation continue. C’est tout aussi important pour la Victorine que pour l’école, car il s’agit de décentraliser le cinéma. D’après elle, trop de choses ne se passent encore qu’à Paris. « D’ailleurs notre bonne entente avec l’ENS Lumière nous permet de développer d’autres projets et programmes : c’est comme ça notamment que la Victorine a eu l’opportunité de s’associer avec Prime Vidéo et ENS Lumière pour développer un programme d’écritures de long métrage qui a cours en ce moment, avec six lauréats sélectionnés parmi une centaine de candidatures et qui bénéficient de la connaissance, expertise, et des compétentes de scénaristes aguerris« .

En fait, la direction du cinéma comprend : la cinémathèque avec ses trois missions de diffusion du patrimoine cinématographique, d’éducation à l’image et de conservation ; les Studios de la Victorine ; et enfin le bureau d’accueil de promotion des tournages, l’objectif étant de promouvoir le territoire auprès des sociétés de production et d’augmenter le nombre de tournages sur le territoire. « Ceux-ci ont une vraie plus-value pour le territoire, notamment en termes de notoriété à l’international. Ce sont aussi des retombées économiques sur le territoire : directes, dans la mesure où des professionnels locaux sont recrutés, mais aussi indirectes, avec l’hébergement, la restauration… »

Maryam Rousta Giroud conclut notre rencontre en se remémorant un article d’un vieux journal, L’Illustration, cité dans le bel ouvrage Cinémapolis : « On y dépeint un divan sur la terrasse de la villa où un cabaret arabe qui occupe le terrain de tennis de la propriété de Louis Nalpas, personnage à l’origine de la Victorine. À la même époque, Germaine Dulac, une des pionnières du cinéma, fait de la colline de Cimiez, le cœur de la Fête Espagnole, où acteurs et techniciens déambulent entre la chaleur et le velum (…) Bientôt Nice devient l’Orient, les grandes productions s’y installent, recréent en studios des décors gigantesques et puisent dans les extérieurs niçois leur miroir. Nice est Ispahan ! » Tout est dit de son « amour méditerranéen » pour Nice… Bienvenue chère Madame.

NABIL AYOUCH À LA CINÉMATHÈQUE DE NICE !
La Cinémathèque de Nice reçoit le réalisateur franco-marocain, le 19 mars prochain, pour une masterclass, suivie de la rétrospective de ses films
. Au programme : Mektoub, Ali Zaoua prince de la rue, My Land, Les Chevaux de Dieu, Much Loved, Razzia, et son dernier long métrage, sélectionné en compétition lors dernier Festival de Cannes : Haut et fort. L’intégrale de ses courts métrages sera également proposée, en sa présence, dans le cadre de la Fête du Court Métrage le même jour à 18h.
Parmi les autres temps-forts de ce mois de mars : un focus sur Kinuyo Tanaka, réalisatrice de l’âge d’or du cinéma japonais, avec la projection du film La Nuit des femmes, le mardi 8 mars à l’occasion de la Journée de lutte pour les Droits des Femmes, la suite et fin de la rétrospective Fritz Lang, ou un hommage à Gaspard Ulliel avec la projection de Saint Laurent de Bertrand Bonello, La Troisième partie du Monde d’Eric Forestier et Le Dernier jour de Rodolphe Marconi. Enfin, signalons la tenue d’un atelier de programmation de la Villa Arson, sur le thème La maison, le monde, les habitants, avec les projections de Dodes’Kaden d’Akira Kurosawa, Playtime de Jacques Tati et Cadet d’eau douce de Buster Keaton.

(photo : Maryam Rousta Giroud © DR)

Les femmes sont des actrices de la culture, qui reste un des meilleurs vecteurs pour lutter contre les violences qu’elles subissent et la régression de leur condition à l’heure actuelle. À l’occasion de la Journée Internationale pour les Droits des Femmes, retrouvez les portraits de quelques-unes d’entre elles ! Ci-dessous les autres textes de ce dossier :
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Ultra Panache… Ultra plastique
Comme un ovaire dans le potage