Déformatage digital

Déformatage digital

En synergie avec le Congrès International de l’Intelligence Artificielle qui s’est tenu à Cannes en février dernier, la Galerie Catherine Issert présente, à Saint-Paul jusqu’au 30 avril 2022, une sélection d’œuvres de Mathieu Schmitt qui utilise et manipule les nouveaux outils numériques, algorithmes et microcontrôleurs, à des fins artistiques. Ses détournements ne sont-ils pas la seule solution pour reprendre le contrôle de l’outil digital auquel trop d’entre nous s’inféodent ?

Mathieu Schmitt a suivi une formation très importante dans le secteur digital en France et à l’international qui l’ont conduit à mener une belle carrière de technicien. Mais Mathieu refuse d’être formaté. Depuis l’enfance, ses rêves le portent vers la technique, certes, mais pour en jouer, ou en déjouer. C’est ce « côté artiste » qui le pousse à intégrer la Villa Arson, l’École Nationale Supérieure d’Art de Nice, dont il sort diplômé en 2009 avec une idée : la technique, oui, le multimédia, l’électronique, tout ce qu’on voudra, mais vu par le prisme de l’art. Son inspirateur est un théoricien : Heinz Von Foerster, l’un des pères de la cybernétique. Selon lui, « les systèmes numériques, qui ne laissent plus aucune place à l’erreur, ont fait leur temps. » L’heure est venue de créer « des systèmes permettant, voire créant des erreurs, afin de découvrir de nouvelles formes : des outils non triviaux. » Concernant son activité principale, Schmitt considère ses réalisations comme des instruments générateurs d’incertitudes, questionnant leurs fonctions, fonctionnalités ou fictionnalités, et engageant l’imaginaire, la mémoire et le corps du regardeur.

Pour la galerie Catherine Issert, l’artiste a savamment construit une installation sonore et visuelle, Songs without words, sans nécessairement dissimuler les moyens de sa réalisation. Des procédés aux procédures élaborés par l’artiste, on se posera des questions ; à moins que, pris par la force plastique de la composition ainsi établie, on décide de se laisser porter par la part du sensible qui s’en dégage, installé confortablement dans ce que Mathieu Schmitt a également imaginé pour le public.

Il n’y a pas de « transition digitale », car le digital n’est qu’un outil et ne peut être un objectif, aussi est-il très important que des créateurs détournent des outils de leur utilisation originelle, car ils assurent ainsi le contrôle de ces derniers et nous éviteront peut-être d’être formatés par ces mêmes outils, ce qui semble être le cas d’une partie d’entre nous par le biais des écrans connectés. Mathieu Schmitt est un de ces « libérateurs », de ces rebelles digitaux qui sauveront, nous l’espérons, notre liberté et notre poésie.

Jusqu’au 30 avr, Galerie Catherine Issert, St Paul de Vence. Rens: galerie-issert.com

photo : Mathieu Schmitt, Songs without words, 2022, dimensions variables, courtesy de l’ariste et de la galerie Catherine Issert © DR