Invitations au voyage

Invitations au voyage

Bas les masques ! Le Festival du Livre de Nice est pleinement de retour les 3, 4 et 5 juin 2022. Et quel retour : plus de 200 auteurs, 8 lieux emblématiques, un prix, des concours, des concerts, une dictée… Excusez du peu. Comme pour refermer la parenthèse, Sylvain Tesson, qui devait déjà en être le président d’honneur en 2020, le sera pour de bon cette année. Le thème de cette 26e édition semble d’ailleurs avoir été taillé sur mesure pour/sur lui : Écrire : une aventure !

Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !

Baudelaire ne renierait pas l’invitation au voyage insufflée par le Festival du Livre de Nice, du 3 au 5 juin 2022. Est-ce à dire que le public y ressentira « Ordre et beauté, luxe, calme et volupté  » pendant 3 jours ? Certainement, et bien d’autres sensations également. Car, que l’on écrive pour la littérature, la poésie, le théâtre, la chanson ou le cinéma, écrire reste une aventure, individuelle et collective, selon le thème choisi pour illustrer cette 26e édition du Festival du Livre de Nice. Et il fallait bien au moins 3 jours pour accueillir plus de 200 auteurs, proposer des rencontres, des débats, des conférences, assister à des projections, des concerts, se frotter à une dictée, célébrer un prix, participer à des concours de nouvelles, suivre des ateliers d’écriture…

Les aventuriers débutants croiseront des aventuriers confirmés comme Francis Huster, Christine Angot, Tonino Benacquista, Isabelle Carré, Boris Cyrulnik, David Foenkinos, Bernard Werber, Susie Morgenstern, Pinar Selek ou encore Douglas Kennedy. Cette année, le président d’honneur de cet événement culturel incontournable de Nice est une évidence : Sylvain Tesson. Non seulement il est depuis toujours un écrivain baroudeur (voir encadré Un président ordalique) mais il vient de faire paraître un ouvrage hors de ses propres sentiers battus : cette fois, pas de description de grands espaces, pas d’interprétation de grands auteurs ni de rencontres improbables, mais plutôt une aventure intérieure, métaphysique…

Sylvain Tesson © Thomas Goisque Large

Nice, ville muse

Au cours du festival niçois, vous marcherez sûrement dans les pas de son directeur artistique, Franz-Olivier Giesbert, dit FOG, le bien connu journaliste, éditorialiste, présentateur de télévision et écrivain franco-américain. Ancien directeur de la rédaction du Nouvel Observateur, du Point et actuel directeur éditorial de La Provence, il l’écrit lui-même : « (…) il est des villes où l’on est invité au voyage à longueur de journée dans sa maison, rien qu’en regardant, depuis sa fenêtre, le ciel ou la mer. C’est le cas de Nice qui aura été la muse de Nietzsche aussi bien que de Gogol, Gary, Gallo, Modiano. Nice inspire les voyageurs, les nomades comme les sédentaires. « 

Les amateurs de livres anciens, d’estampes et autres curiosités, de poésie ou de livres jeunesse et de bande dessinée ne seront pas en reste avec une trentaine d’auteurs présents. Parmi eux, notre talentueux bédéiste du cru, Jacques Ferrandez, et son exposition sur Miles Davis, accompagnée par un concert hommage au grand jazzman.

Écouter, échanger, lire, se faire dédicacer des ouvrages… sont les piliers de tout festival du livre, mais s’essayer soi-même à l’écriture c’est garantir l’inédit, le frisson de plus. Deux concours de nouvelles sont ainsi prévus : l’un pour la Jeunesse, l’autre dédiée aux seniors. Afin de ne pas faire mentir le célèbre slogan de Tintin : « le journal des jeunes de 7 à 77 ans « , et donc au-delà…

Ce qui doit advenir…

Dans son sens originel, Aventure signifie « ce qui doit arriver, ce qui doit se produire, advenir « . Une aventure cela peut être tout à la fois une épopée, un accident, une liaison, une épreuve… Toutes choses que l’on peut trouver dans le fameux prix Nice Baie des Anges décerné également lors de ce Festival, avec huit romans en lice, attribué par un jury composé d’auteurs, de journalistes, de l’adjoint au maire de Nice et de 10 lecteurs. Cette année, une première encore, car deux lauréats ex-aequo ont été désignés le 13 mai ; Thierry Vimal et David Foenkinos (voir encadré Un prix, deux lauréats). Le prix sera remis le 3 juin, en ouverture du Festival. Sylvain Tesson a d’ailleurs remporté ce prix en 2014, pour S’abandonner à vivre. L’aventurier, tel le criminel, reviendrait-il toujours roder sur les lieux de ses émois ?

Thierry Vimal © Claire Deweggis

UN PRÉSIDENT ORDALIQUE
Noir… du peintre Pierre Soulages ? Non, de Sylvain Tesson. À 50 ans tout rond, l’écrivain voyageur, guetteur d’animaux sauvages, photographe, auteur de feuilletons radiophoniques sur Homère ou Rimbaud (1), se relance dans l’aventure du dessin. Déjà, en 2004, paraissaient Les Pendus, aux éditions du Cherche Midi. Et Sylvain Tesson écrivait à leur sujet : « J’ai un gibet dans la tête auquel mon esprit est toujours prêt à accrocher une idée nouvelle. Je suis incapable de dire pourquoi je couvre mes cahiers de potence, de gibets, de branches d’arbres auxquelles se balancent de pauvres hères arrivés au bout de leur ligne de vie« . On retrouve dans Noir, cette fois chez Albin Michel, ces pendus et suicidés, ce goût de la dérision, du grinçant, du dérangeant, dont l’idée centrale est de prendre le contre-pied, d’exorciser la mort afin de mieux célébrer la vie. « La mort c’est l’aphrodisiaque de la vie « , précise Sylvain Tesson. Vous voulez en savoir plus ? Venez l’écouter le 3 juin, à 16h, lors d’une conversation animée par Franz-Olivier Giesbert.

UN PRIX, DEUX LAURÉATS
Le 26e prix Nice Baie des Anges a couronné – et c’est une première – deux auteurs : David Foenkinos pour son roman Numéro deux (Gallimard) et Thierry Vimal pour Au titre des souffrances endurées (Le Cherche-Midi). Si l’on ne présente plus David Foenkinos, romancier, dramaturge, scénariste et réalisateur français, Thierry Vimal s’est pour sa part imposé comme un écrivain du vécu, usant du sien pour interpeler sur des sujets sociétaux actuels et universels. Après quatre récits autobiographiques salués par la critique, cette fois-ci, c’est dans une fiction qu’il transpose son expérience personnelle pour dénoncer la violence faite aux victimes : une peine supplémentaire infligée par une société qui manque à ses responsabilités. À 14 ans, Emilio a survécu à une attaque terroriste et vu son père mourir sous les balles. Déscolarisé, addict aux jeux vidéo, il grandit auprès de sa mère, Serena, embourbée dans le désespoir et les interminables parcours médicaux, juridiques et indemnitaires liés à leur statut de victimes. Devenu un jeune homme désabusé, à 19 ans, Emilio veut agir. Du fond de ses abîmes, Serena peut-elle voir celles qui menacent son fils – la haine, les théories du complot, la radicalisation… la violence ? À travers le portrait sensible d’une mère et d’un fils qui ne partagent plus que la douleur, la colère et l’amour, ce roman interroge les failles de l’engagement de la société envers toutes les victimes et dessine les limites de sa compassion.

3 au 5 juin, Jardin Albert 1er, Nice. Rens : lefestivaldulivredenice.com

(1) Un été avec Homère ou Un été avec Rimbaud sur France Inter

photo : Festival du livre de Nice © Ville de Nice