Pinar Selek serait-elle devenue zinzine ?

Pinar Selek serait-elle devenue zinzine ?

On ne présente plus la combattante Pinar Selek, réfugiée turque devenue française. Sociologue, militante féministe et écrivaine, elle présentera son dernier ouvrage Azucena ou les fourmis zinzines lors du Festival du Livre de Nice, les 4 et 5 juin, puis le 9 juin à la librairie Masséna. Rencontre.

Torturée, relâchée, condamnée à perpétuité après plusieurs procès ubuesques, Pinar vit à Nice où elle enseigne les sciences politiques à l’université de Sophia-Antipolis. Mais notre Niçoise d’adoption ne se contente pas seulement de donner des cours, elle lutte comme elle l’a toujours fait. Elle se bat pour les minorités, les opprimé.es, les exilé.es, les femmes victimes de violences en organisant des pétitions, des manifestations, des colloques, mais aussi en prenant la plume. Son dernier roman, Azucena ou les fourmis zinzines, se déroule à Nice. Un titre qui ressemble à première vue à un album jeunesse… Mais il n’en est rien. Les fourmis ce sont les migrant.es, les sans-abri, ces invisibles des rues qui surgissent de nulle part et poursuivent leur route sans réelle destination.

Est-ce que Zinzine est le féminin de zinzin, ou une référence à une radio anarchiste créée dans les années 80 ?

La Radio Zinzine existe toujours, d’ail-leurs je l’écoute encore ! Mais ce n’est pas tout à fait pour cette raison que j’ai choisi ce titre. En effet, la traduction littéraire de la version turque est Les fourmis fêtardes. Mais ce n’est pas joli en français. Et comme dans le roman, on parle beaucoup de zinzins et de fourmis invisibles dans la région niçoise, j’ai dé-cidé de donner ce titre : Les fourmis zinzines.

Qui sont ces curieux personnages de votre livre, Gouel le Chanteur des rues, Alex le Prince des pou-belles, Manu la fondatrice des Paranos et Azucena la Zinzine aux chaussures rouges ?

Ce sont des personnages qui ont su dépasser les multiples frontières sociales, culturelles, politiques et qui ne sont amoureux que de la vie, de l’amitié et des valeurs comme la justice. Ces personnes sont disponibles pour les autres et toujours dans l’entraide… Ces personnages ouvrent des galeries invisibles comme des fourmis. Comme disait Alex le Prince des Poubelles dans le roman : « Même séparément on est en contact. Ceux qui aident les évadé.es, celles qui dépassent les frontières, ceux qui produisent des graines pour les distribuer gratuitement, celles qui se déguisent en arbre pour sentir la terre, ceux qui cachent les arcs-en-ciel pour ne pas qu’on les vende, celles qui peignent les sirènes de la couleur des poissons pour ne pas qu’on les montre à la télé. Tu les connais forcément. Parce que celui ou celle qui entre dans la mer tombe sur une algue, une méduse, ou une sirène ».

Existent-ils dans la vraie vie ? Les avez-vous ren-contré.es ?

Oui, je les ai rencontré.es. J’ai réussi à créer un roman surréaliste dans le réel. Bien évidemment, c’est une fiction, mais chaque personnage est façonné par des personnes réelles. Sinon, ça serait inintéressant !

Pourquoi avoir choisi une nana ailée de Niki de Saint Phalle comme couverture de votre livre ?

Quand on lit le roman et quand on entre dans la vie d’Azucena, on comprend pourquoi. Niki de Saint Phalle nous propose des images des femmes libres et fortes, des femmes hors normes, déviantes et belles… et sans frontières. C’est l’image d’Azucena, mon héroïne.

Comment définissez-vous votre livre ?

C’est un roman qui se sent comme un conte. Un conte comme un roman. En fait, c’est un roman vagabond…

Pourquoi dites-vous que ce livre vous a transformée ?

C’est difficile à décrire cette expérience d’écriture. J’étais en pleine réflexion sur la façon dont on aborde notre vie, nos relations. Je lisais en même temps des passages de Simone Weil qui parlait de monter vers le Rien… Les personnages de mon roman ont fait écho en moi et m’ont fait réfléchir sur les différentes possibilités qu’offre la vie. Ma réflexion s’est transformée à travers l’écriture de ce roman et quand je l’ai réalisée, je me suis sentie comme une figure de Niki de Saint Phalle, comme un soleil, une actrice en plein éveil et épanouie. Aujourd’hui, je suis totalement dans une sorte de force douce… Grâce à Azucena !

Pinar Selek, Azucena ou les fourmis zinzines (Ed. Des Femmes Antoinette Fouques)

Rencontre-dédicace : Conférence le 3 juin à 15h au Lycée Masséna (entrée libre), 4 & 5 juin au Festival du Livre de Nice • 9 juin, Librairie Masséna, Nice.

Rens : facebook.com/selekpinarwww.pinarselek.fr