Dites Nice avec des fleurs !

Dites Nice avec des fleurs !

En 2022, parcourez la ville de Nice au travers des expositions de la nouvelle Biennale des Arts dans 9 lieux municipaux. Un maillage pour découvrir autrement la cité azuréenne, et sa culture où les fleurs tiennent une place particulière. Nice, Reine des fleurs n’est-il-pas le titre de l’hymne si cher à cette ville ? Cet événement présente les fleurs aussi bien dans leur environnement naturel que par le truchement d’œuvres plastiques autour desquelles les 11 expositions ont instauré un dialogue entre les riches collections des musées niçois et d’ouvrages contemporains… Comme un pont fleuri entre passé et présent, tradition et modernité…

« Je trouve que cette biennale est très réussie parce qu’elle s’est emparée d’un thème essentiel pour l’histoire de l’art et l’histoire des civilisations« , estime Jean-Jacques Aillagon (1), commissaire général de cette Biennale des Arts de Nice, que nous avons rencontré il y a quelques jours. Celui-ci nous en livre un éclairage unique et trace son devenir souhaitable. « C’est un thème qui, au premier coup d’œil, peut apparaître totalement superficiel, mais qui est en fait très profond dans l’histoire de l’art, dans l’histoire de la création. Un thème marqué par la relation particulière entre les artistes et les fleurs, et, dans leurs représentations et leurs usages pour ce qui est des artistes contemporains. » Les fleurs sont par ailleurs profondément enracinées dans l’histoire niçoise, dans la mémoire de la ville et même dans sa mythologie. « Cette ville a sans cesse voulu associer son image et sa réputation à celle des fleurs. Ce n’est pas sans raison que, dès le 16e siècle, les récits de voyageurs soulignent le caractère fleuri du paysage niçois et même l’usage que les jeunes femmes font à Nice des fleurs, pour se parer la coiffure et se parer les corsages. C’est sans doute de là que vient cette invention très touchante qu’est la poupée folklorique niçoise : la niçoise avec sa jupe de toile rayée, son petit tablier brodé de fleurs, sa capeline sur laquelle on place du mimosa et son panier fleuri à la main. On voit bien qu’il y à là un élément mythologique très fort qu’on retrouve d’ailleurs dans l’hymne niçois Nissa la bella, où la ville est qualifiée de « Regina de li flou », à savoir « Reine des fleurs » ! C’est la raison pour laquelle j’ai choisi ce titre pour l’exposition du Musée Masséna » (2), dont Jean-Jacques Aillagon a le commissariat, en compagnie de Jean-Paul Potron, Marion Duvigneau, François Laquièze, Jean-Pierre Barbero et le concours de Robin Cauvin et Jérôme Mosso. Voilà bien ce qui rassemble les quatre biennales précédentes avec son édition 2022 : un sujet ancré dans la culture populaire, et d’un fort retentissement dans l’histoire de l’art ancien et de l’art contemporain.

L’ancien Ministre de la Culture avoue avoir été « impressionné par la véritable ferveur des responsables de nos musées » qui ont répondu à l’invitation. « Le musée Matisse l’a fait de façon très virtuose en invitant David Hockney« , pour établir un dialogue entre le peintre britannique, auteur de nombreux paysages, et Henri Matisse qui n’a cessé de « parler » des fleurs toute sa vie durant, jusqu’aux dernières fleurs peintes en papier découpé qui ont retrouvé leur place au musée, récemment. Par ailleurs, le Musée d’archéologie de Nice-Cimiez a eu la générosité d’accueillir un autre musée, actuellement en défaut d’espace d’exposition : le Muséum d’histoires naturelles. « Il était inconcevable qu’on fasse une programmation sur les fleurs sans que le Muséum prenne sa part, tant les collections de botanique sont immenses. Il faut savoir que les botanistes des 18e, 19e et 20e siècles ont joué un rôle très très important dans l’histoire de cette science. » Le musée Masséna met pour sa part l’accent sur la « dimension historique, comme toujours« , tandis que « deux de nos musées ont fait le choix de faire un focus sur leurs collections et sur la place des fleurs dans leurs collections, le Musée des Beaux Arts Jules Chéret et la Palais Lascaris. » Jean-Jacques Aillagon insiste aussi sur l’invitation faite à des artistes contemporains par de nombreux lieux de la Biennale : « le 109 l’a fait tout naturellement parce que c’est sa vocation, le MAMAC le fera dans son exposition, qui est décalée chronologiquement parce qu’il présente actuellement son exposition Vita Nuova. Le Musée de la photographie Charles Nègre a fait double invitation à Nick Night et à Catherine Larée, et même le Palais Lascaris a invité une artiste ancienne élève de la Villa Arson, Eve Pietruschi ! » Le Musée International d’Art Naïf Anatole Jakovsky a quant à lui confié « un très beau commissariat d’exposition à Élodie Antoine qui a intitulé son exposition Fleur du mâle, avec une sorte de dialogue entre les œuvres de la collection d’art naïf et des œuvres contemporaines, une remarquable création végétale, une sorte de tableau de cactus sur la terrasse du musée. Donc on le voit bien, c’est une véritable biennale d’art contemporain qui se répand également dans la ville ! D’un côté, à l’Est, le 109, à l’Ouest le musée d’art Naïf, au Nord le musée Matisse, au Sud le Palais Lascaris… Une proposition extrêmement riche, extrêmement dense et diverse.« 

Cette Biennale positionne l’art contemporain au centre des évènements culturels de la Côte d’Azur. Preuve que le tourisme change de stratégie, et que l’on ne craint plus de placer l’art comme facteur motivant afin d’attirer un nouveau public en été. Il s’agit de la 5e édition, ce qui démontre sa pérennité, d’autant plus qu’elle fédère 9 lieux de la ville, auxquels s’est associé un lieu privé, la Galerie Eva Vautier, qui présente une exposition dont le commissariat a été confié à Tatiana Trouvé, A rose is a petunia is a mimosa (voir article Valse fleurie). Comme le souligne Jean-Jacques Aillagon, « l’évolution souhaitable de cet évènement pour les prochaines éditions voudrait que ce soit uniquement une biennale d’art contemporain, y compris dans les lieux patrimoniaux, puisqu’ils ont démontré leur capacité à accueillir des artistes contemporains. Elle se décentraliserait et se répandrait ainsi dans toute la ville. » Maintenant, place à la découverte de ce parcours d’art !

Musée Masséna

Nice, Reine des fleurs explore les affinités historiques et électives de Nice avec les fleurs, leur évocation dans les décors des architectures de la ville, leur importance dans la diffusion de l’image de celle-ci, la place de leur production et de leur marché dans l’économie locale et leur usage dans les célèbres batailles des fleurs qui deviendront l’une des signatures de Nice.

Commissariat : Jean-Jacques Aillagon avec Jean-Paul Potron, Marion Duvigneau, François Laquièze, Jean-Pierre Barbero et le concours de Robin Cauvin et Jérôme Mosso

Musée d’archéologie de Nice-Cimiez

Herbiers, aquarelles, lithographies… Proposée par le Muséum d’Histoire naturelle de Nice, Flos Vitae. Histoire naturelle des Fleurs, nous fait découvrir les subtilités de la botanique et l’histoire de cette science à Nice.

Commissariat : Olivier Gerriet, en collaboration avec le Musée d’Archéologie de Nice/ Cimiez

David Hockney,16th February 2021, iPad painting (peinture sur iPad) © David Hockney

Musée Matisse

Hockney-Matisse, un Paradis retrouvé est l’un des moments majeurs de cette biennale, car Claudine Grammont, directrice du Musée Matisse, a réussi la performance d’inviter David Hockney à montrer en primeur mondiale une série récente de ses fleurs peintes à l’i-Pad. Elle est parvenue à instaurer un dialogue entre ces nouvelles créations, mais aussi d’autres de ses pièces et certaines œuvres d’Henri Matisse, dont Hockney est un fervent admirateur. Ce dialogue inédit révélera des résonances surprenantes entre les univers des deux artistes, entre l’espace de l’atelier et de ses objets, lieu de la création, et le dehors, le paysage, que ce soit Nice, Tahiti ou Los Angeles. La Côte d’Azur rejoint ainsi la Californie à travers les thèmes de la piscine, de la fenêtre et du jardin luxuriant…

Commissariat : Claudine Grammont, en collaboration avec David Hockney

Musée de la photographie Charles Nègre

Avec Roses from my Garden, le grand photographe de mode Nick Knight célèbre l’intemporelle beauté des roses. Personnage rare, photographe de mode et des stars de la pop, il est devenu le pionnier du cinéma de mode, offrant une plateforme unique en 2000, ShowStudio, aux cinéastes, écrivains et personnalités culturelles les plus influentes pour les nourrir et les encourager à s’engager avec l’image en mouvement, à l’ère numérique. Étonnamment, voici qu’il recourt à un i-phone banal et l’intelligence artificielle pour « retoucher » des roses de son jardin – symbole on ne peut plus british ! Une pratique accessible à tous, dont l’objectif est de rendre encore plus belles ses photos : voilà paradoxalement le challenge pour un tel artiste…

Commissariat : Stéphane Tallon, en collaboration avec Nick Knight

En miroir de l’exposition de Nick Nighty, le même musée présente également Anthèse de Catherine Larré, dont les photographies de photographies, les mises en scène et en lumière, dans lesquelles les fleurs associées à des visages suscitent des sentiments complexes, entre inquiétude et volupté.

Commissariat : Stéphane Tallon, en collaboration avec Catherine Larré

Sunday 6th November, 2016 © Nick Knight, Musée De La Photograhpie Charles Nègre

Palais Lascaris

Avec Fleuraisons Baroques, cette merveille de l’architecture baroque qu’est le Palais Lascaris met à l’honneur le motif floral que l’on retrouve dans de nombreux motifs de son architecture, de ses décors et de son mobilier, car ce sont des éléments décoratifs de prédilection des XVIIe et XVIIIe siècles.

Commissariat : Elsa Puharre

Avec Artemisia, l’artiste niçoise Eve Pietruschi a choisi elle aussi de faire écho aux éléments décoratifs baroques et éléments floraux du palais en semant partout dans le Palais Lascaris ses créations poétiques et ses cueillettes locales : fleurs séchées, empreintes de fleurs, offrandes et autres créations issues de la nature…

Commissariat : Elsa Puharre, en collaboration avec Eve Pietruschi

Grande Halle du 109

La présentation dans la Grande halle du 109 des œuvres de 42 artistes, dont certaines produites in situ, convoque les aspects symboliques de la fleur. De la métamorphose à l’évolution du vivant, de la puissance à la fragilité, Power Flower s’empare de sujets sociétaux et environnementaux contemporains. La fleur s’y affiche comme un icône féministe ou politique grâce à sa forme sexuellement connotée et assumée. Elle symbolise ainsi la métamorphose et l’évolution du vivant.

Commissariat : Marie Maertens et Cédric Teisseire

Bharti Kher, My Inside Out, 2013 Diptyque, bindis sur panneau de bois peint, encadrement, 250 x 189 cm par panneau Courtesy of the artist and Perrotin, Photo : Claire Dorn

Musée international d’art naïf Anatole Janovsky

Avec Les Fleurs du Mâle, le Musée d’art naïf a lui aussi choisi d’établir un dialogue entre certaines des œuvres de sa collection et celles d’autres artistes contemporains. Elodie Antoine, l’une des commissaires, traite ainsi très finement la représentation par les fleurs du féminin/masculin et de l’ambivalence entre ravissement et crainte. Le Musée niçois, qui célèbre son 40e anniversaire cette année, présente également un « herbier vivant », reproduisant par les floraisons du parc une dizaine d’œuvres du musée.

Commissariat : Frédérique Olivier-Ghauri et Michèle Perez / Elodie Antoine

Musée des beaux art Jules Chéret

Fleurs d’artifice est comme une explosion de couleur ! Les fleurs permettent au musée des Beaux-Arts Jules Chéret de faire redécouvrir certaines des pièces de sa riche collection, chargées de messages spirituels, symboliques, affectifs ou politiques.

Commissariat : Johanne Lindskog, Juliette

Musée d’art moderne et d’art contemporain (MAMAC)

Avec les avancées scientifiques sur l’intelligence du végétal et une fascination renouvelée pour la pensée sauvage, le désir de multiplier les tentatives d’interrelation avec la nature s’enrichit. Symbole de fragilité et de renaissance, la fleur devient un marqueur particulièrement puissant pour éclairer les enjeux écologiques et anthropologiques actuels. Elle fait éclore une botanique de l’histoire mondiale ainsi que de nouvelles formes de sensibilités et de gestes. Le MAMAC accueillant actuellement l’exposition Vita Nuova. Nouveaux enjeux de l’art en Italie. 1960-1975, visible jusqu’en octobre prochain, Devenir Fleur ne débutera qu’en novembre.

Commissariat : Hélène Guénin et Rebecca François

CALENDRIER EXPOSITIONS
Hockney-Matisse, un Paradis retrouvé, 9 juin au 18 sep, Musée Matisse
Nice, reine des fleurs, 10 juin au 9 oct, Musée Masséna
Flos Vitae. Histoire naturelle des fleurs, 10 juin au 9 oct, Musée d’Archéologie de Nice – Cimiez
Les Fleurs du Mâle, 10 juin au 19 sep, Musée International d’Art Naïf – Anatole Jakovsky
Nick Knight – Roses from my Garden, 11 juin au 25 sep, Musée de la photographie Charles Nègre
Catherine Larré – Anthèse, 17 juin au 11 sep, Musée de la photographie Charles Nègre
Fleuraisons Baroques et Artemisia, 11 juin au 9 jan 2023, Palais Lascaris
Power Flower, 17 juin au 3 sep, Le 109
Fleurs d’artifice, 18 juin au 30 oct, Musée des Beaux-Arts Jules Chéret
Devenir Fleur, 10 nov au 14 mai 2023, MAMAC
Rens : biennalearts2022.nice.fr

(1) Jean-Jacques Aillagon a été directeur des affaires culturelles de la Mairie de Paris (1993-1996), président du Centre Georges-Pompidou (1996-2002), ministre de la culture et de la communication (2002-2004), président de TV5 Monde (2004-2005), et président de l’Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles (2007-2011). Il est le conseiller des affaires culturelles de François Pinault, et directeur général de Pinault Collection depuis 2018. Il est l’artisan de la loi du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations, dite loi Aillagon. Il pilote la mise en autonomie des musées français, et mène une politique de décentralisation de la culture qui se concrétise avec la création du Centre Pompidou-Metz et du Louvre-Lens.
(2) Nice, Reine des fleurs : « Ô ma belle Nice, reine des fleurs… » Ainsi débute la chanson écrite en 1903 par le poète Menica Roncelly, devenue depuis l’hymne niçois, très souvent entonné, aujourd’hui encore, lors de manifestations officielles, de fêtes de fin d’année dans les écoles ou par les supporters du club de football OGC Nice.

photo : Marc Chagall, La Baie des Anges (Nice, Soleil, Fleurs) 1962. Lithographie, 99 × 62 cm Nice, Bibliothèque patrimoniale Romain Gary, AFF.854 © Ville de Nice / photo : Laurent Thareau

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