Court ou long… Tant que c’est bon !

Court ou long… Tant que c’est bon !

C’est vrai ça, chacun ses goûts… D’ailleurs, Un festival c’est trop court!, événement dédié aux films de moins d’une heure, propose pour la première fois un programme de longs métrages. Alors, rendez-vous du 7 au 14 octobre, pour profiter d’une 22e édition qui met cette année l’écriture à l’honneur.

Organisé par l’association Héliotrope, le festival européen du court métrage de Nice ne cesse de grandir… Cela fait désormais 22 ans qu’il donne la possibilité de découvrir des films de réalisateurs français et européens, lors d’un tour d’horizon assez vaste de la création cinématographique courte, dans les genres fiction, animation, documentaire, ou expérimental. Au programme de cette édition qui donc, porte le travail d’écriture au premier plan : quatre compétitions, des séances thématiques, des rencontres professionnelles, des soirées événementielles, et inédit dans l’histoire de la manifestation, une programmation de longs métrages. Question chiffres, plus de 150 films seront projetés, dont 82 en compétition, durant 8 jours, dans une bonne dizaine d’établissements culturels de la ville. Vous en conviendrez, Un festival c’est trop court! en impose ! Et on a beau nous faire croire le contraire, la taille, ça compte… dans les salles obscures, comme ailleurs. Bon, arrêtons là les références équivoques, pour donner la parole à Laurent Trémeau, directeur artistique, avec qui nous avons longuement échangé sur cette 22e édition.

Après un focus sur la photographie en 2021, le festival met cette année à l’honneur Le mot, la lettre, la forme écrite au cinéma. Peux-tu nous en dire plus ?

L’idée c’est d’être dans un domaine qui concerne l’écriture au sens large. Ça couvre évidemment les lettres, la littérature, mais c’est bien entendu l’acte d’écrire pour le cinéma qui nous intéresse surtout, écrire un texte pour un scénario, un texte vraiment spécifique au 7e Art. On a choisi cette thématique aussi parce qu’on a créé une résidence d’auteurs, la Résidence du Sud. C’est une question qui nous taraude depuis des années. On a notamment quelques films au programme comme Bibliothèque publique, un documentaire de Clément Abbey sur les usagers de la Bibliothèque publique d’information de Paris, et qui parle du rapport qu’entretiennent habitués, étudiants ou encore artistes, avec le livre (NDLR: l’un des trois films de la sélection documentaires, hors compétition, avec Les Traverses de Félix Besson et Moi aussi j’aime la politique de Marie Voignier). Cette question de l’écriture, on la rapporte souvent aux cinéastes qui passent du format court au format long ; à un moment donné, comment le document que le cinéaste a en tête va permettre de produire un film, va devenir la base d’un projet ?

Justement, on peut lire le slogan « Nice, ambassadrice du cinéma émergent » sur vos documents de communication. Le court est-il un passage obligé pour tous les cinéastes ?

Alors pas nécessairement, non. On considère vraiment le court métrage comme un genre à part entière. On ne voit pas forcément le lien avec un parcours artistique, ou la recherche un petit peu opportuniste d’une carrière. Mais pour nous, qui avons 22 ans de festival au compteur, qui avons vu des cinéastes « naitre » par leurs films, revenir avec d’autres films, puis nous quitter, on a envie de garder le contact, de les suivre. Il est vrai que cette année nous avons plusieurs longs métrages dans la programmation. C’est atypique, et c’est une première pour le festival ! Cette thématique s’appelle Du court au long (NDLR: voir encadré ci-contre), avec des films qui ont une histoire toute particulière, empreints d’une certaine écriture. Tous les films qu’on montre n’ont pas été conçus, imaginés, développés de la même manière. Ce sera d’ailleurs l’objet de la réflexion qu’on aura lors de la journée professionnelle, le Nice Short Meeting, le 14 octobre à la Chambre de Commerce de Nice, dont la première journée aura pour thème Le passage du court au long métrage, comment faciliter l’émergence de talents. L’idée avec ce programme, c’était aussi de retravailler avec des salles avec lesquelles on avait mis notre collaboration entre parenthèses, comme le cinéma Rialto, salle Art & Essais emblématique de Nice. On a eu des envies de cinéastes auxquels nous n’avions plus accès puisqu’ils évoluaient désormais dans le long métrage. Faire ce travail, c’est aussi une manière de voir un peu comment le public va réagir. Va-t-il avoir envie de voir des longs, alors qu’aujourd’hui on ne lui propose que des courts métrages ?

DU COURT AU LONG, UN PROGRAMME INÉDIT
Des avant-premières, des réalisateurs et réalisatrices déjà passés par Un festival c’est trop court! et qui sortent leur premier long métrage et des films inédits à Nice, pour une sélection spéciale de longs métrages. Voilà ce qui vous attend avec ce programme de longs métrages inédit dans le festival. À l’affiche : La Cour des Miracles de Carine May et Hakim Zouhani, un film sélectionné au Festival de Cannes 2022, dans la section Cinéma de la plage (11 oct 20h, Cinéma Rialto), Mourir à Ibiza d’Anton Balekdjian, Léo Couture et Mattéo Eustachon, qui a obtenu le Grand Prix du FID, le Festival International de Cinéma Marseille (avant-première nationale, 12 oct 19h, Cinéma Belmondo), et Grand Paris de Martin Jauvat, qui était en sélection à l’ACID, au Festival de Cannes 2022 (avant-première à Nice, 15 oct 20h, Cinéma Rialto.

Comme chaque année, de nombreux invités sont attendus. Qui croisera-t-on à Nice ?
On reçoit Regina Pessoa. Le grand public va peut-être se demander qui est elle ! Mais la vocation de notre travail, c’est aussi la découverte, c’est mettre en lumière des artistes qui n’ont peut-être pas eu l’éclairage qu’ils auraient mérité, ou qui évoluent dans des milieux « parallèles ». Regina Pessoa, c’est la grande réalisatrice du cinéma d’animation portugais, elle a un univers très graphique, en noir et blanc, en ombre et lumière. C’est une chance de l’avoir pendant une semaine, dans le jury, car c’est quelqu’un qui parcourt le monde entier. Le 9 octobre, on projettera ses courts-métrages, dont Histoire tragique avec fin heureuse (primé au Festival international du film d’animation d’Annecy et au Festival international du film d’animation d’Hiroshima), et quelques films d’Abi Feijó sur lesquels elle a travaillé.
On accueille aussi Mikhaël Hers pour une rétrospective. Lui, c’est une toute autre personnalité, c’est un réalisateur français de fiction, qui emprunte beaucoup de thèmes qui concernent la vie, la vie en famille, la vie en groupe. Ce sont des histoires plutôt urbaines, contemporaines, aussi très datées sur les années 80. Il a fait un film qui s’appelle Les Passagers de la nuit, avec Charlotte Gainsbourg, sorti au printemps dernier. Et son film précédent, Amanda, avec Vincent Lacoste, était remarquable ! Ça faisait pas mal de temps qu’on essayait de le faire venir, et il sera là trois jours. Il animera notamment une masterclass à la Cinémathèque de Nice, le 13 octobre, et projettera Primrose Hill (moyen métrage) et Memory Lane (1er long métrage).
Là encore, on a la chance d’avoir des lieux emblématiques comme la Cinémathèque, la Villa Arson, ou le TNN qui nous accueillent. Ça renforce vraiment la programmation qu’on essaie de construire.

Dans tous ces lieux se tiendront des séances thématiques, des événements… Que nous réserve le festival cette année ? Des nouveautés, des surprises peut-être ? La Battle de courts, à laquelle participera le big boss du journal, Michel Sajn, remet le couvert notamment…

Effectivement, et c’est toujours un moment sympa, qui aura cette année pour thème À la lettre. On aura aussi un grand weekend d’ouverture, avec deux événements en plein air qui lanceront le festival. Notamment le Quartier Cinéma, comme on l’appelle, le 7 octobre, avec de nombreuses projections. Depuis 3 ans maintenant, on ouvre ainsi, dans notre quartier, sur la rue Defly, juste en dessous du MAMAC, au pied de la librairie Les Parleuses. C’est un événement festif, populaire, accessible à tous, on peut manger un morceau, boire un coup. On aime beaucoup cette idée d’un festival qui s’ouvre en plein air et gratuitement. La soirée du lendemain sera, une nouvelle fois, le fruit d’une collaboration croisée, dans ce cas avec Panda Events, l’Université Côte d’Azur et l’association Il était un truc… On va accueillir un grand artiste de la scène musicale électronique française, Para One, qui est également compositeur de musiques de film. On va montrer son film Spectre : Sanity, Madness & the Family, qui est sorti l’année dernière. Un long métrage qui parle du passé trouble de sa famille à partir d’images d’archives. Puis il donnera un concert, tout ça dans la cour intérieure du 109. C’est une belle soirée, car on pourra aussi visiter l’expo du festival L’Image_Satellite, qui aura déjà démarré, et qui est un de nos partenaires dans le nouvel événement qu’est L’Automne de l’Image.
C’est intéressant de voir comment les festivals peuvent mutualiser leurs forces, leurs idées, leur communication… Tout ça au service des œuvres et du public. On a peut-être des programmations qui sont plus ou moins accessibles selon que l’on soit un cinéphile, un étudiant en cinéma, ou autre. Mais, on affirme qu’on fait un festival ouvert à tous. La meilleure preuve est le programme jeune public qui est très suivi. On attend plus de 2000 scolaires cette année, et je viens d’apprendre qu’il y aura même des lycéens de San Remo ! C’est dire l’attrait pour cette programmation jeune public que l’on propose, dont une grande Journée cinématographique à la rencontre des professionnels du cinéma qui aura lieu le 10 octobre aux Franciscains. C’est une des belles réussites de cette édition.

Tu évoques les scolaires, mais Héliotrope travaille aussi avec d’autres structures. Peut-on dire que le festival revêt aussi une dimension sociale ?

Oui, c’est exactement ça. On ne travaille pas seulement pour la réalisation du festival, toute l’année on anime aussi de nombreux ateliers auprès de différents publics. On a lancé ce qu’on appelle des ateliers de programmation, qui sont en fait la transmission de notre savoir, de notre savoir-faire en quelque sorte. On réalise un travail spécifique autour de films, on découvre des œuvres ensemble. Les gens découvrent une vingtaine de films, les commentent, écrivent dessus, et en choisissent 4 ou 5. Puis ils trouvent un titre, qui « éditorialise » leur programme, et le montrent au grand public. On l’a fait avec un centre de santé, Addictions France, pour des gens qui sont suivis pour des addictions (NDLR: ce Programme Santé sera présenté en présence de la réalisatrice du film En piste!, Emilie de Monsabert, le 11 octobre à l’auditorium du MAMAC). On a aussi travaillé avec les détenus de la Maison d’arrêt de Grasse, c’est le programme Aller-Retour. Eux aussi ont procédé à une sélection : S’éloigner pour se rapprocher est la thématique de cette programmation. On est vraiment dans un travail pédagogique, de transmission, autour du cinéma, mais qui a une résonnance publique, puisqu’accessible à tous (NDLR: 8 octobre au Cinéma Belmondo).

Quatre compétitions au programme : Européenne, Animation, Expérience, Courts d’ici. Que retiens-tu de cette sélection ?

Ce que je ressens, c’est qu’il y a, comme chaque année, la découverte de nouveaux talents. C’est un peu dans l’ADN de ces compétitions. On aura un certain nombre de cinéastes qui viennent de réaliser leur premier film. C’est là notamment que réside l’intérêt d’un tel festival, le fait pour ces créateurs de rencontrer un public pour la première fois. Et lorsque c’est ta « première fois », tu as un peu les chocottes ! (rires) Mais Un festival c’est trop court! est un endroit tout à fait privilégié, car ils y sont toujours très bien accueillis.
On a aussi de « vieux routiers », je pense notamment à un très grand nom du cinéma expérimental, Matthias Müller, qui a plutôt un profil à travailler dans les galeries d’art contemporain et qui revient avec un nouveau film (NDLR: Misty Picture, réalisé en collaboration avec Christoph Girardet). On est vraiment heureux parce qu’on avait plus de nouvelles de lui… Je pense aussi à Olivier Smolders, par exemple, documentariste belge qui sera dans la compétition européenne avec un nouveau film, Masques. Il y a donc des valeurs sûres si je puis dire, et des premières venues.
Bien entendu, concernant les thématiques abordées, les deux années qu’on vient de subir ont marqué les esprits. Il y a donc quelques films où les villes sont désertes, on se demande pourquoi ! (rires) Des créations où l’on filme depuis sa fenêtre, on se demande pourquoi ! (rires) En fait, le cinéma est le reflet de son époque en quelque sorte.

7 au 14 oct, divers lieux, Nice. Rens: ufctc.com

photo : Laurent Trémeau, directeur de Un festival c’est trop court! © DR