22 Oct Antibes : le jazz autrement
Philippe Baute est directeur de l’Office du Tourisme d’Antibes Juan-les-Pins, en charge de l’organisation du Jazz à Juan. Il en connaît l’histoire et veille à son développement. Nous l’avons rencontré, à l’occasion de Jammin’Juan, événement dédié aux talents émergents et marché professionnel qui permet chaque année aux nouvelles tendances de la Note Bleue de trouver un public et des scènes…
Les racines de Jammin’Juan sont à rechercher dans une première expérience : Jazz à Juan Révélation. Une expérience qui éveilla le besoin de transmission et de participer aux « lendemains du jazz« , estime Philippe Baute, à son avenir… C’est un peu l’ADN de l’équipe organisatrice, qui a conscience de l’importance du festival azuréen aux 60 printemps. Le Off a par la suite pris une importance accrue, car il permet de présenter les nouvelles tendances, les talents émergents. Ainsi est venue l’idée de rencontrer la SACEM, afin de créer un marché professionnel. Une initiative alors inédite en France pour le jazz, même s’il existait d’autres événements de ce type autour de la musique urbaine comme Babel Med’…
Et Jammin’Juan fut…
Jammin’Juan fut donc lancé il y a 5 ans, dans l’idée de créer un événement annexe à Jazz à Juan pour permettre aux professionnels du secteur (directeurs artistiques de festival ou de salle, agents, labels…) de se rencontrer et d’échanger, et d’offrir la possibilité à une sélection de groupes et artistes émergents de pouvoir se produire devant ces professionnels lors de showcases en journée, et de concerts en soirée. Des sets ouverts au grand public, dans la limite des places disponibles, rappelons-le ! Du 2 au 4 novembre 2022, 24 groupes sont donc à découvrir, pour un total de 21 showcases et de 3 concerts.
Une nouveauté vient cette année compléter ce dispositif : une masterclass, le 2 novembre à 9h45 à la Médiathèque Albert Camus, à destination des jeunes saxophonistes. Thomas Pourquery, auteur, compositeur, acteur et producteur, que l’on a pu voir sur la scène de la Pinède Gould, le 14 juillet dernier, se chargera de l’animer. Le soir même, il sera en concert en compagnie du Brass Band Méditerranée, ensemble issu du Conservatoire d’Antibes.
Le jazz a un problème d’ouverture séculaire et récurrent, estime Philippe Baute, et ce Jammin’Juan automnal, tout comme les sessions estivales en off du festival, consiste à montrer que le jazz n’est pas seulement réservé à certaines oreilles « sectaires ». Autant d’événements qui marquent la volonté d’Antibes Juan-les-Pins d’ouvrir le genre à un public local plus large pour toujours cultiver cette âme du jazz, sans a priori, sans frontières.
Un réseau international
Jazz à Juan fait partie de l’European Jazz Network (EJN), réseau international d’organisateurs. Avec son statut « d’ancien », il assume légitimement le rôle de carrefour pour la nouvelle vague qui agite et fait revivre le jazz, avec toujours cette éthique qui va davantage vers le qualitatif que le quantitatif. Si les grands festivals n’attendent pas après Jammin’Juan pour constituer leurs programmations, les plus « petits » viennent y dénicher les pépites de leurs prochaines éditions. Sly Johnson, Hugh Coltman, et bien d’autres sont « sortis » de Jammin’Juan et on les retrouve désormais sur les scènes spécialisées et dans de nombreux festivals, à l’image du Jazz au Château, événement breton mené par des bénévoles qui ont toujours une jolie programmation, Jazz à Sète, ou encore Jazz à Bucarest. Sept pays européens sont représentés à Jammin’Juan. L’objectif est surtout d’éviter l’entre-soi, d’être ouvert à tous les festivals et à tous les budgets… Tout le monde ne peut pas se payer des artistes à « 5 zéros » !
Développer la transversalité
Nous l’évoquions, Jazz à Juan développe chaque été un festival Off avec des Jammin’Summer Sessions gratuites qui rencontrent un franc succès. Un Off qui se déroule bien au-delà des dates du festival : en 2022, plus de 24 concerts ont eu lieu durant tout l’été ! Philippe Baute rappelle ainsi la volonté de la ville de mailler le territoire de lieux où le jazz résonne. C’est la transversalité qui permettra d’après lui de développer autrement la musique jazz. Il a d’ailleurs créé un pont avec les Nuits Carrées, autre festival antibois axé quant à lui sur les musiques urbaines, sur un public plus « jeune ». Une idée lancée l’an passé à l’occasion du concert des Snarky Puppy, pour lequel les aficionados des Nuits Carrées pouvaient bénéficier d’un tarif spécial, plus abordable. Il y a avec le Jammin’Juan une « clientèle » commune, car le jazz se mélange de plus en plus, prend autant de sources dans ses racines jazz que dans les musiques urbaines. Et pour développer ce genre de démarche, il n’y a que la rencontre, la transversalité. Un travail de sape, fastidieux, mais essentiel. « Les bénéfices de cette démarche sont à 10 ans, parce qu’on est vraiment sur des publics âgés de 20 à 30 ans. Il y a aussi un pont avec la sChOOL puisqu’on y organise maintenant des concerts du Jammin’Juan« . Toutes ces innovations ont conduit Philippe Baute et son équipe à réfléchir à une autre façon de faire vivre Jazz à Juan, à soigner ce qu’on appelle « l’expérience festivalière ». Des nouveautés sont donc à attendre lors de l’édition 2023, avec notamment un before inattendu, convivial et gustatif, et un after plus dansant… À suivre.
2 au 4 nov, Palais des Congrès, Antibes. Rens: jammin.jazzajuan.com
Sébastien Farge Quartet © OT Antibes Juan-les-Pins