Jean-Pierre Dick : la passion de la mer

Jean-Pierre Dick : la passion de la mer

La Culture est partout, que l’on discute au bistrot ou que l’on fasse du sport, que l’on se balade dans la nature ou que l’on assiste à une conférence scientifique. Pour nous, elle est synonyme de lien social et reste essentielle. C’est pour cette raison que nous ouvrons nos colonnes à des portraits ou des actions de sportifs et ex-sportifs qui utilisent leur métier et/ou passions pour partager, transmettre, soigner, comprendre ou échanger. Jean-Pierre Dick, figure emblématique de la course au large se prépare à courir la Route du Rhum, mais il a endossé une autre mission : la transmission à la jeunesse de l’amour de la mer et de sa biodiversité, la protection de l’écosystème méditerranéen en danger. Portrait d’un amoureux de la mer, de la Planète et des humains…

Le père, le fils et la mer

Jean-Pierre Dick est né à Nice. C’est comme cela qu’il a commencé le nautisme : l’aviron à Nice et la voile à Saint-Laurent-du-Var, en même temps que son père, Strasbourgeois, qui passe pas mal de temps en Afrique. Devenu vétérinaire, son père s’installe à Nice et lance le laboratoire de recherche vétérinaire Virbac. En dépit d’un travail prenant, il réserve son temps libre au partage de moments privilégiés avec son fils, bien souvent sur l’eau. Jean-Pierre se souvient du point de départ de sa passion pour la mer après un voyage en Corse, sur le bateau de son père. Ils ont même commencé ensemble la compétition en voile habitable. Ce qui restera longtemps pour lui un hobby d’amateur éclairé en vacances. Le déclic décisif de la compétition lui vient à 36 ans avec sa victoire du Tour de France à la voile. Il cesse alors son activité au laboratoire familial et décide de faire son premier Vendée Globe en 2004-2005. Par la suite, il remporte la Transat Jacques Vabre avec Loïck Peyron, ce qui fut déterminant. Skipper des plus grandes courses autour du monde, le navigateur niçois s’est illustré dans de nombreuses épreuves, dont la plus emblématique, le Vendée globe 2012 et 2016, où il arrive en 4e position. Il est le vainqueur de 6 grandes courses océaniques : quatre Transat Jacques Vabre, dont il détient le record de victoires avec Franck Cammas et deux Barcelona World Race avec Damian Foxall, puis Loïck Peyron. Son dernier record-temps date de 2021, sur la route Lorient-St Pierre & Miquelon.

Jean-Pierre Dick et son équipe sur le JP54 © DR

La Route du Rhum 2022

Dick, compétiteur dans l’âme, revient dans la course, dans la catégorie Rhum mono, à bord d’un bateau qu’il a conçu il y a 12 ans. Cette transat a toujours été l’occasion de challenger avec des bateaux innovants. Ce sera le cas avec son bateau version 2022, plus léger, optimisé pour la performance. Sa maîtrise sur la catégorie reine, les Imoca, et ses connaissances de la transat, le placent parmi les favoris, un trophée qu’il compte bien gagner. Un retour symbolique après ses dernières Routes du Rhum en 2010 et 2016 qu’il a respectivement fini en 3e et 4e position. Cette catégorie Rhum mono fait l’objet d’un attrait particulier pour les grands skippers, car les bateaux sont plus petits et demandent moins de moyens financiers : la recherche de sponsors est bien souvent le centre vital de la préparation d’une course en Imoca et gâche un peu le plaisir de la navigation, car la recherche de financement monopolise un temps considérable dans la vie d’un navigateur, ce que le grand public ignore. D’ailleurs, Jean-Pierre Dick se rappelle son premier Vendée Globe, un véritable défi pour lequel il avait investi toutes ses économies : « Finalement mes études à HEC m’ont servi, car j’ai professionnalisé mon approche. Un Vendée Globe, c’est environ trois millions d’euros de budget. Quand vous participez à ce type d’événement, vous pensez Vendée Globe, vous dormez Vendée Globe. Pendant des années, ça a été toute ma vie, faire des courses et en gagner six, en plus des participations aux Vendée Globe. J’ai été soutenu dès le début par le département des Alpes Maritimes et aujourd’hui par la Ville de Nice« .

Le partage et la transmission

Depuis 2017, il a levé le pied, avec une équipe plus restreinte, mais toujours le désir intact de continuer à naviguer, tout en étant dans la transmission. Il initie désormais des amateurs aguerris à la navigation, dans des courses au large ou des records, avec une seule exigence : l’envie. La transmission, c’est aussi la volonté de partager avec des jeunes issus de milieux défavorisés. Il leur parle de l’importance d’avoir une passion : « Lorsque j’étais plus jeune, j’aurais adoré partir avec un Éric Tabarly au large, cela forme l’esprit d’avoir des référents qui vont jusqu’au bout. » Dick a un réel talent pour parler aux jeunes gens, il sait partager avec eux… Encore peut-être une évocation involontaire de ce qu’il a vécu grâce à son père, mais aussi certainement une autre manière d’organiser la chaîne du savoir et de la passion. Si la protection de la biodiversité en Méditerranée est aussi un souci de transmission chez les jeunes, elle est devenue la raison d’un véritable combat pour Dick : « Il y a en Méditerranée des dauphins, des baleines, des poissons-lune, des mérous, du thon rouge, nous avons encore beaucoup de chance. Sur le port de Nice, il y a d’ailleurs cette statue de Sosno en hommage à mon père et en forme de queue de baleine, qui marque notre fierté d’avoir encore une telle biodiversité. Il est vital de la préserver et quand on voit, en tant que plaisancier, le mal que cela fait aux champs de posidonie de jeter l’ancre où ces ferries qui arrivent dans le port, ne restent que quelques heures et rejettent leur fumée noire, cela fait vraiment réfléchir« . Nous ne manquerons pas de suivre ce navigateur émérite et ce défenseur de l’environnement.

photo Une : Jean-Pierre Dick © DR

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